Artiste majeur, pour ne pas dire culte, de la décennie 90, membre éminent et fondamental de la vague grunge, Jerry Cantrell est en pleine forme et continue d’être pleinement créatif. Devenu légendaire avec Alice in Chains dans les années 90, groupe maudit dont on n’oubliera jamais qu’il a sorti un des plus grands disques de l’histoire du rock, ce Dirt incroyable, album aussi génial que bigrement torturé. Les malheurs du regretté Layne Staley, chanteur à la voix d’or au destin tragique, a empêché ce groupe d’avoir la carrière qu’il méritait. Jerry Cantrell avait ensuite œuvré en solo avant de réactiver son groupe de toujours avec le recours au très bon William DuVall dans le courant des années 2000. Le groupe a ainsi connu une belle décennie 2010 avant que Jerry Cantrell ne reprenne de son côté un parcours en solo avec Brighten paru en 2021.

Jerry Cantrell distinguait alors bien ses deux entités car son disque solo était teinté de folk et d’Americana et ainsi les choses étaient plutôt claires pour les fans. Soyons francs, cet - excellent - I Want Blood risque de générer quelques questionnements car Jerry Cantrell nous offre ici un disque qu’Alice in Chains aurait pu proposer. Inutile d’aller plus loin sur ce point mais on retrouve ici une énergie, un dynamisme typique d’AIC. Ce I Want Blood, au titre rageur, démarre pied au plancher et d’emblée, on retrouve le son caractéristique du garçon, ces guitares poisseuses, cette atmosphère glauque. Et ce chant reconnaissable entre mille de notre héros au style incomparable et très personnel. Et la qualité est au rendez-vous croyez moi, en fait, après une écoute, on devine déjà qu’on tient un disque référence du garçon, sa signature étant visible tout du long.

Album solo certes mais pas que car Jerry Cantrell a encore rameuté sa bande de potes et pas des moindres. Il a de nouveau fait appel à une section rythmique juste dingue où on retrouve en alternance le trop rare Mike Bordin (Faith No More) et Plan Gil Sharone (The Dillinger Escape Plan) à la batterie, et à la basse se relaient ni plus ni moins que Duff McKagan et Robert Trujillo juste deux membres de deux groupes qu’on ne fera pas l’affront aux lecteurs de citer. Au chant, on notera le coup de main de Greg Puciato (TDEP), plutôt discret voire anecdotique pour le coup car ici Jerry Cantrell va encore plus loin et se donne corps et âme. L’artiste précise vouloir se challenger toujours plus et sa voix aussi marquée et marquante que ses lignes de guitare emportent tout. Toujours ce son où les voix sont doublées pour donner cet aspect malsain, génial, spécificité de Jerry Cantrell on le connaît bien désormais. 

Le résultat est en tout cas impressionnant, hyper dynamique avec de très bons titres. Très énergique, les lignes de chant ont parfois un côté "catchy" qui fonctionne très bien avec un vrai sens de l’accroche sur certaines lignes de chant. Les solos sont encore épatants, apportent toujours un plus aux morceaux. Le savoir-faire reste de mise et on notera quelques références au génial Pink Floyd sur la très bonne Echoes Of Laughter (dont le titre renvoie directement à une des plus grandes chansons du Floyd). Au rayon des énormes réussites de ce disque, outre l’excellente ouverture Vilified, l’intro de guitare de Off The Rails, très 80’s, est d’enfer. En live, on imagine déjà le rendu. Idem pour la mélodie très mélancolique d’Afterglow, très réussie, ou le morceau-titre bien agressif et aux paroles surprenantes pour un artiste plus connu pour ses mid-tempos. Le final It Comes, délicieusement glauque, achève un disque de haute volée. Un excellent disque au final et même si on ne sait pas trop de fait où en est Alice In Chains, on est ravi de voir un Jerry Cantrell dans une forme olympique. Absolument remarquable.