Vous connaissez l’excitation d’un accro au sucre qui rentre dans un magasin de bonbons, ou d’un alcoolique qui rentre dans un bar, et bien c’est l’effet que je ressens à chaque fois que nous recevons un album estampillé Mathcore à tendance chaotique. Je pleure encore la fin de TDEP, et le Bloodmoon de Converge, bien qu’ayant de l’intérêt est tout de même à des années lumières du chaos organisé qu’ils savent si bien orchestrer. Lorsque j’ai vu débarquer le dernier Infall, je peux vous assurer que mon sang n’a fait qu’un tour. J’avais adoré leur précédent méfait Silent sorti en 2017, qui tourne encore régulièrement dans les oreilles.

Le groupe qualifie cet album ainsi : « Far parle de la distance sous toutes ses formes. L’album débute par le souvenir d’un être cher en thérapie contre la douleur, au cours duquel émerge la distance infinie qui sépare deux personnes apparemment très proches. À partir de ce moment, chaque chanson représente diverses manifestations de « distance » : sociale, culturelle, idéologique, religieuse et, parfois, de l’individu lui-même par rapport à son être propre. »

Ce leitmotiv qui anime l’ensemble de cet album, se traduit musicalement par une rage décuplée par rapport au précédent. Ce constat d’éloignement entre les êtres, que l’on ne peut que partager, Infall le dénonce, mais surtout cette idée directrice a dessiné la voie vers des territoires plus sombres. Globalement, l’album me semble plus énervé que Silent qui possède un peu plus de mélodie, Far est une expérience brutale avant tout.

Mais brutale, ne signifie pas forcément plus simpliste.  La démarche artistique du groupe reste dans la lignée de leur savoir-faire exceptionnel. Et comme en général on commence un album par le premier titre, c’est donc Check Pulse qui ouvre et ce n’est manifestement pas le titre le plus représentatif de l’album. Il possède une tendance progressive même s’il tend vers un attentat sonore en fin de morceau. D’autres titres possèdent cet aspect intense, un brin sludge, qualifié de Post-core par défaut, mais qui donne un sentiment d’écrasement. Je pense également à Good Morning Lethargy, ou encore l’écorché vif Man Down, qui suivent cette tendance.

Ma petite sucrerie, dans laquelle le groupe excelle, ce sont bel et bien les titres qui partent dans tous les sens. J’ai l’impression d’être un grain de maïs, qui juste avant de venir un pop-corn, se fait balader, se prend des coups de partout, par les autres grains qui explosent au fur et à mesure de la montée en température. (Oui j’utilise les métaphores que je veux Kévin !). Et des titres comme cela il y en a un bon paquet sur cet album, que ce soit Heritage, Triumphant March, l’excellent Love, Karina ou encore Mistress of Disorder, toutes ces pépites sont autant de défiance envers les groupes qui ne produisent que des mesures à quatre temps. Et le plus intéressant là-dedans, c’est que ce n’est pas qu’une simple démonstration technique vide de sens, non, la musique sert le propos, et se pare de différentes ambiances pour rendre le voyage tout bonnement incroyable.

Prenez, Triumphant March, qui à l’image de ce que nous vivons au quotidien dans notre rapport à l’information, dénonce une forme d’enchaînement sans fin de nouvelles, vraies, fausses, avec ou sans intérêt à une vitesse infernale. Infall traduit ce sentiment en musique, c’est violent, rapide, avec des enchaînements sans rapport mais qui traduisent cette fuite en avant perpétuelle.

Et de deux, c’est un deuxième coup de maître consécutif pour Infall ! Cet album est à la fois varié et cohérent, fou et sage, mais perpétuellement surprenant. Et je peux vous dire qu’il y avait bien longtemps que je n’avais pas écrit ce dernier qualificatif. Far est un crachat dans la tronche de cette société qui ne mérite même plus ce nom, et qui continue à se déliter au profit du plaisir personnel et immédiat. Bravo messieurs.

Tracklist de Far :

01. Check Pulse
02. Heritage
03. Not Even a Scratch
04. Triumphant March
05. Spring Peace
06. Love, Karina
07. Good Morning Lethargy
08. Mistress of Disorder
09. Stamina
10. Because of the Blue
11. Man Down
12. Forever Mine