En 2022 Hangman’s Chair nous avait refroidi avec A Loner, leur précédente galette. Non pas refroidi musicalement, mais avec leur univers très spécifique de cold doom / sludge un brin torturé et basé sur des images pas des plus joyeuses. Bon et bien ils récidivent les bougres avec Saddiction, pour le plus grand plaisir des auditeurs et amateurs aussi torturés que le groupe. En effet, le groupe s’appuie sur des images de banlieues, un lundi matin quand il faut sortir pour aller au boulot et que dehors il fait gris (voire qu’il pleut par moments), qu’on est entouré de béton et de ferraille et qu’il faut se diriger vers les transports métro et autres RER…brrr rien que l’image me foutrait la déprime. Et oui parce que ce sont dans ces paysages que le groupe puise son inspiration que l’on pourra qualifier de débordante pour le coup. Quant aux textes ? L’inspiration est puisée dans l’anxiété, la dépression et autres sentiments de tristesse. Voilà le décor est planté, ceux qui voulaient un moment joyeux en seront à leurs frais.
Et pourtant, qu’est-ce que ça fonctionne leur musique ! Le groupe parisien (facile de trouver des paysages tristes par là-bas me direz vous) composé de Julien Chanut à la guitare, Mehdi Birouk Thepignier à la frappe, Clément Hanvic à la basse et Cedric Toufouti au chant et à la guitare croisent le fer depuis déjà une vingtaine d’année et n’en sont pas à leur galop d’essai, entre split et LP, ils ont déjà une belle carrière derrière eux, et même un passage au Hellfest en 2022 en ouverture de Jerry Cantrell, excusez du peu.
Saddiction c’est un mur de son dark doom bien puissant. Le mixage du chant en arrière plan renforce ce côté sombre voulu par le groupe et il faut reconnaitre que c’est super bien trouvé. Dès The Worst Is Yet To Come, la puissance est portée par le duo guitares / batterie, et le chant clair est presque mélodique et donne un côté presque accessible au plus grand nombre à leur univers, bien sur dans le sens le plus noble du terme. Le groupe poursuit avec In Disguise sur laquelle il faut vraiment s’arrêter. C’est un titre très particulier, toujours dans cette ambiance de désolation mélancolique qui par moment renvoie presque aux meilleurs titres de Dépêche Mode dans leur période sombre. Avec en plus ce final oppressant, on voit de suite dans notre imaginaire le bout de ferraille qui dépasse du parpaing érodé.
Whoua ça envoie du lourd les gars. Aucun répit ni aucune pitié pour l’auditeur que nous sommes car voici Kowloon Lights et ses riffs de guitares clairs tournés en boucle qui nous entrainent dans un tourbillon de tristesse. La frappe et le chant s’entremêlent à merveille autour de ce riff pour nous donner un titre, peut-être plus abordable que d’autres de cet opus mais toujours dans cette lourdeur voulue par le groupe. Les choix sont d’une précision chirurgicale pour nous entrainer dans l’univers de Kowloon, cette ville surpeuplée, dense et énigmatique de Chine. Ce titre est accompagné d’un visuel sublime qui correspond à merveille au morceau.
C’est à ce moment que Hangman’s Chair balance 2AM Thoughts, le seul featuring de cet opus avec la présence de Raven Von Dorst de Dool qui vient épauler Cédric sur les parties vocales. Le chant partagé apporte une dimension nouvelle au projet de Hangman’s Chair, comme une légère éclaircie dans cet univers sombre et triste, mais le nuage recouvrira bien vite cette parenthèse pour nous replonger dans les limbes de l’angoisse, et ce dès Canvas, titre plus lourd, porté par une frappe puissante qui noircit encore un peu plus le tableau (si tant est que cela soit encore possible). Le genre de titre qui inquiète, mais qu’on aime à se replonger dedans, comme un sentiment dont on aimerait ne jamais se défaire.
Nos parisiens explorent d’autres perceptions musicales sur Neglect avec une intro très lente et calme avant de monter en puissance, toujours avec cette ambiance très dark et planante. Le titre est selon l’auteur de ces lignes presque le plus facile d’approche et pourrait entrainer pas mal d’auditeurs dans le sillon de l’univers du groupe ici. 44 YOD est dans la même lignée que Neglect, pas un morceau bourrin mais plutôt très planant, et toujours porté vers un côté pas super joyeux tel que le souhaite le groupe, mais ça fonctionne tellement bien. Aller, un petit final sur Healed qui repart sur les guitares très basses et sombres et toujours ce chant mixé en retrait qui renforce une fois de plus le sentiment d’obscurité et de morosité. Pourtant la seule chose qu’on a envie de faire c’est d’y retourner, donc un sentiment étrange s’empare de l’auditeur, c’est dire si c’est réalisé à merveille.
Du lourd, de l’oppressant, de la tristesse et des paysages urbains de banlieues qu’on aimerait oublier par moment, et vous avez le cocktail de Saddiction, ce nouvel opus de Hangman’s Chair. On va faire simple, moi j’y retourne en attendant de les voir sur scène, et je conseille à nos lecteurs d’en faire de même !
Tracklist de Saddiction :
01. To Know The Night 02. The Worst Is Yet To Come 03. In Disguise 04. Kowloon Lights 05. 2 AM Thoughts 06. Canvas 07. Neglect 08. 44 YOD 09. Healed