Le post metal de qualité est bien ancré en Allemagne. Le quatrième album du groupe d’Augsburg HERETOIR en est une nouvelle preuve. Solastalgia, puisque c’est de lui dont je parle, est puissant, parfois violent, mais aussi très musical, mélodieux et parfois même doux. Un tour de force qu’il faut souligner. Créé sur la seconde moitié des années 2000, le groupe qui à la base est le projet solo de David Conrad «Eklatanz», est depuis quelques années, depuis 2017 pour être précis, devenu un groupe à part entière ; David au chant et à la guitare, ayant été rejoint par Nathanael à la basse et Nils Groth à la batterie. Il est complémenté pour les enregistrements et sur scène par deux autres guitaristes, Kevin Storm et Stefan Dietz.
Tagué blackgaze, le groupe suit une évolution musicale intéressante qui l’a progressivement amené sur les chemins d’un post metal puissant. Les thèmes, la musique et l’ambiance sont sombres, et quelque chose dans les voix et les mélodies donne au tout une teinte très mélancolique. Le résultat dans ce Solastalgia est un mix de douceur d’Alcest, de puissance brut de The Ocean et de mélancolie de Katatonia.
L’ouverture de l’album est pour le moins puissante. Le triptyque The Ashen Falls, Season of Grief et You Are The Night pose le cadre, le contexte. Les riffs de guitare sont lumineux et mélodieux, la batterie est aussi efficace que précise et les ruptures rythmiques brutales et bienvenues. Mais le plus impressionnant ce sont les chants de David. Ils collent parfaitement à la rythmique et à l’ambiance et expriment la sensibilité nécessaire aux titres aussi bien quand ils sont hurlés que clairs. Moi qui ne suis généralement pas trop fan de cette approche vocale, je dois ici reconnaitre son apport aussi bien émotionnel que volumique.
Inertia, tout en suivant la trame, apporte une mélodicité nouvelle, presque inattendue. La ligne de clavier, une rythmique plus lente et les multiples lignes de chants donne une texture très douce au titre qui permet d’ouvrir sur Rain. Un titre qui rompt avec l’ouverture de Solastalgia. C’est cinématique, triste et hors du temps. Cela fait aussi le lien avec le très musical Dreamgatherer. Le titre met en valeur la qualité des mélodies que HERETOIR peut proposer. Le son reste volumineux, mais n’empêche en rien le groupe d’exprimer toute sa sensibilité
La fin de l’album sera encore différente. The Heart of December ouvre un axe folk metal pas inintéressant. Et comme pour les autres approches utilisées précédemment, la voix de David fait merveille. Burial navigue entre puissance et douceur éthérée. La batterie de Nils Groth est irréprochable. Comme si le groupe avait donné (presque) tout jusqu’à ce titre, il semble prendre une pause avec Solastalgia. Le titre me fait vraiment penser à l’univers de The Ocean. C’est expressif et lourd à la fois. Et comme pour la voix de Loïc Rossetti dans Jurassic-Cretaceous, la voix de David permet de faire passer une impression d’urgence immédiate. Ce ressenti sera tempéré par les deux derniers titres, le calme et éthéré The Same Hell MMXXV, qui fait presque penser à une berceuse, et le folk et plus léger Metaphor ; un autre titre qui souligne le travail du groupe sur les mélodies qu’ils savent faire accrocheuses, presque aguicheuses. Même si le titre est très différent de ce qui est proposé avant, et donc peut gêner les amateurs de black metal, je ne crois pas qu’il faille le considérer comme un simple complément, mais plutôt comme une fenêtre ouverte vers la suite de leurs aventures.