Depuis
35 ans (!) Godflesh, plus culte tu meurs, traverse les décennies et
les marque en profondeur. A l’instar d’un groupe comme Neurosis, qui ne remplira jamais une arène ou un stade,
ses albums ne font jamais sensation, ne squattent pas les classements de fin d’année mais
s’ancrent solidement dans leur époque et influencent durablement la scène metal,
donnent naissance à des sous-genre, créent des hybrides et font office de
références intouchables. Godflesh est un groupe d’une importance
capitale sans qui tout un pan de notre musique préférée n’aurait pas la
même allure, voire n’existerait pas du tout, un fondateur, un incontournable.
Purge, neuvième album du
groupe, n’y va pas par quatre chemins, pas de mystères, pas de suspens, pas de
minauderies, on attaque dans le dur dès la première seconde, alors la machine se met en
marche, implacable, dure et inflexible. Ainsi, Nero, Land Of Lord et Army Of
Non ouvrent les hostilités dans un déferlement mécanique et froid,
Godflesh, sample les voix qui deviennent partie intégrante de ses beats
empruntés au vieux hip hop qu’il chérit tant. Ca dissone, ça hurle,
reverb’, delay, c’est noir et gris, saturé, intense, lourd ! Les bases sont
posées, Purge annonce la (non) couleur et se promet douloureux.
Douloureux et aliénant mais pas que, l’ambiance
change sur Lazarus Leper chargé d’un désespoir profond alors que la voix se
pose et laisse échapper quelques mots seulement, déclamés dans un parfait
désenchantement et pris dans l’écho sur fond de dissonances affligées.
“The same No
sense Nonsense Nothing Makes sense”
Godflesh touche au plus profond de
l’âme sur The Father avec juste trois notes de clavier glaçantes, trois
notes sublimes, terrifiantes qui éclairent l’opus d’une lumière blafarde mais
gracieuse. Résonne alors le chant désincarné de Broadrick,
trademark, qui plonge alors instantanément son projet dans une autre dimension. Purge
devient profond, habité et tristement animé par le parcours tourmenté de son
créateur qui, perdu, questionne le monde, interroge le ciel.
Ainsi, après un Mythologie Of
Self, pachyderme au riff sale, accordé plus bas que tout, tournant autour d’un
gros beat martial, Godflesh conclue sa neuvième offrande sur une grosse
pièce industrielle éthérée d’une beauté sinistre, You Are
The Judge, The Jury And The Executioner, huit minutes désillusionnées
d’où s’échappent ces mots définitifs et sans appel.
"The Sane The Sane The Just The Righteous We Fall We
Fall Again Again"
Alors que l’excellent Post-Self, son précédent album sorti en 2017, semblait
voir le groupe s’ouvrir à d’autres horizons, peut-être plus lumineux,
Purge radicalise le propos, retombe dans ce gris cafardeux et Godflesh
redevient ce monstre froid qu’il était au début des années 90, je pense au
chef d’œuvre Pure (1992) et au superbe EP Merciless (1994). La
production elle même semble d’époque, limite, elle craquouille par endroit, sans
fioritures, elle met en valeur juste comme il faut cet amalgame légendaire, une boite à
rythme implacable, la basse écrasante de G.C.Green qui gonfle les subwoofers
et les riffs décharnés du patron, Justin Broadrick,
à qui nous devons tant.
Purge, comme ses
prédécesseurs, ne fera pas sensation, mais, comme ses prédécesseurs, est
une sortie majeure qui trouve d’emblée sa place dans une discographie monstrueuse et sans
faille. Du grand Godflesh et donc un grand disque ! Voici ce qu’on appelle un
instant classic.
Tracklist de Purge
:
01.
Nero 02. Land Lord 03. Army Of Non 04. Lazarus
Leper 05. Permission 06. The Father 07. Mythology Of
Self 08. You Are The Judge, The Jury, And The Executioner