On ne s’attend jamais à beaucoup de surprises quand vient l’heure de découvrir et d’écouter un nouveau Cannibal Corpse. Le groupe a sa formule bien rodée depuis tant d’années, les albums se suivent, se ressemblent mais en ayant tous suffisamment de personnalité pour se distinguer au cœur d’une discographie déjà bien fournie. Le petit dernier ne déroge pas à la règle, pochette dans les tons habituels, réalisée dans les règles de l’art par l’illustrateur de toujours Vincent Locke, death metal, brutal, Georges “Corpsegrinder” qui éructe comme s’il avait 25 ans, sentiment confortable d’être à la maison dès la touche play enfoncée et petites nuances qui feront de cette nouvelle offrande un disque unique, comme le sont tous ses grands frères.

Ce qui frappe d’entrée de jeu c’est ce son de guitare particulièrement agressif et une production dans l’ensemble plus crue, moins précise que ce à quoi nous a habitué le groupe depuis maintenant longtemps. Erik Rutan, arrivé dans le groupe en 2020, prend cette fois-ci beaucoup de place, dans le son plus chaotique puisque c’est lui qui produit cet album une nouvelle fois, mais aussi dans l’ambiance plus apocalyptique qui se dégage de l’ensemble. Sa patte reconnaissable sur les trois titres qu’il signe s’éloigne du riffing habituel du groupe, beaucoup plus incisif, véloce et tranchant que l’approche plus chaotique de Rutan. Il en résulte des morceaux moins impactants misant souvent plus sur l’ambiance que sur le riff qui tue, le lourd et très sombre Blood Blind ou encore le final Drain You Empty en sont la parfaite illustration. A l’inverse des compositions comme Vengeful Invasion ou le morceau titre Chaos Horrific, son groove infernal, son refrain fédérateur et son solo génial sont marqués du sceau Cannibal Corpse qui, s’il ne surprend plus, reste à mon sens la formule la plus efficace du groupe, énergique, technique et tranchant. 

Le batteur Paul Mazurkiewicz semble lui aussi moins à l’aise avec cette “nouvelle” facette de Cannibal Corpse. Sans dire qu’il peine à suivre, loin de là, son jeu très typique n’est pas réellement adapté à ce que propose Rutan. A de nombreux moments, la cohésion n’est pour une fois pas évidente entre la partition respective des guitares et de la batterie alors que tout semble couler de source quand le riffing redevient plus précis et mordant. J’aurais également aimé entendre plus la basse d’Alex Webster dont le son se noie dans celui des guitares accordées de plus en plus bas. Dommage, quand on a dans ses rangs un tel musicien, de ne pas mettre plus en valeur son travail et son apport pourtant conséquent.

Reste donc une impression plutôt mitigée après digestion de l’album. Sans dire que le song writting d’Erik Rutan a dénaturé la musique du groupe, il lui confère indéniablement un aspect plus sérieux, plus sombre, qui n’a jamais été inscrit dans l’ADN du groupe. Cannibal Corpse ne sort pas de mauvais disque, certains sont excellents, d’autres très bons et d’autres encore juste bons, celui-ci appartient à la troisième catégorie. Il manque à ce Chaos Horrific des titres vraiment forts, des plans réellement saillants, ces moments mémorables qui donnent envie de revenir à l’album. Pas certain, en effet, qu’il soit mon premier choix dans deux ou trois ans quand il s’agira d’aller piocher dans les seize (!) albums du groupe. 

Tracklist de Chaos Horrific