Autant les années 80 furent une immense fête pour les groupes
de heavy avec un succès considérable, autant les 90’s furent délicates. Un
blondinet venant d’un bled paumé dans l’Etat de Washington était de fait
passé par là signifiant par là la fin d’une ère. Le réveil pour
beaucoup était brutal et les formations référentielles étaient en pleine
crise de sens, sans doute rincées par une décennie menée tambour battant. Judas Priest avait perdu son chanteur et Iron Maiden connaissait aussi de sacrées secousses. Les
puristes de la Vierge de Fer diront que les soucis avaient commencé avec
le départ d’Adrian Smith, parfait complément de Dave
Murray, mais le départ post-Fear Of The Dark de Bruce Dickinson
fût un choc, au même titre que celui de Rob Halford de Judas
Priest générant un étonnant parallèle entre les deux formations,
comparatif qui durera avec des « remplaçants » valeureux mais dans
l’incapacité de succéder à de tels performers. Oui Jugulatorest un grand disque ce que ne sont pas les deux disques de Maiden avec Blaze Bayley mais
c’est un tout autre débat.
Bruce Dickinson était donc parti sentant
probablement la Vierge de Fer à bout de souffle et pensant sans doute mieux
gérer en solo et en ce sens encouragé par le mythique manager du groupe
Smallwood himself dans une bien mauvaise erreur d’appréciation à
mon sens. Le résultat fût compliqué pour le vocaliste avec des disques ne percutant
pas l’auditoire et un lent déclin pour Dickinson comptant pourtant parmi
les légendes de la scène. Où je poursuis ma comparaison avec Rob Halford
lui aussi semblant un peu perdu à l’époque. Bruce
Dickinson au destin décidément fascinant se retrouva tout de même
à donner un concert dans la non moins fascinante ville de Sarajevo alors
assiégée par les forces armées serbes alors que l’ex-Yougoslavie explosait
dans un fracas terrible dont on sent encore les traces de nos jours (concert qui a donné lieu
à un récent DVD sur cette incroyable aventure). Sur le plan artistique, il n’en
sortait cependant pas grand-chose de marquant et il faudra attendre Accident Of Birth en 1997
pour que Bruce Dickinson n’en revienne à son registre de
prédilection … et sur les terres de ses anciens comparses. Le retour aux fondamentaux
reste une valeur sûre quand les temps deviennent difficiles.
Lucide, Dickinson avait aussi compris qu’il avait
besoin d’aide et le recrutement de Roy Z fût la vraie bonne idée.
Rappeler le très populaire et estimé Adrian Smith, outre la nostalgie et
le fan-service, en fut une seconde. Avec un artwork revenant vers le fantaisiste, le vocaliste la jouait
plus « Maiden » que l’original ce qui quelques années
après avoir quitté le groupe laissait une sensation mitigée (à moins
qu’il ne se soit agi d’un appel du pied avec une volonté de retour mais je suis sans
doute un peu médisant !). Musicalement, il n’y avait rien à dire, du bon heavy
puissant, mélodique fait par des types très très valables mais sur le fond, la
démarche m’avait semblé un peu inélégante, a minima peu subtile. Ayant
ainsi constitué une équipe de choc avec une paire de guitaristes surdoués et
populaire (Roy Z produisant en outre la galette), Bruce Dickinson
allait proposer son meilleur disque solo avec The Chemical Wedding bien plus personnel et
s’éloignant de la référence trop présente d’Accident Of
Birth. Plus sombre jusque dans l’artwork très dark, doté d’une
production aux sonorités très lourdes presque caverneuses. Sur les textes, la
référence à William Blake fût une excellente idée
avec un disque très abouti à la limite du concept. Moins facile d’accès mais
bien ambitieux avec une équipe plus expérimentée et devenue redoutable. Les
pépites s’enchaînent, le rendu est dense, cohérent et
Dickinson y chante encore merveilleusement bien, épaulé des guitares bien
puissantes.
Après un trou d’air suite à son départ de Maiden, Dickinson avait remis les choses en ordre
en constituant une excellente équipe autour de lui et The Chemical Wedding en est le
plus haut fait d’armes. On ne sait pas quelle en aurait été la suite car comme
chacun sait, Dickinson (devenu au passage pilote de ligne !!) et Smith
retourneront dans un Iron Maiden alors exsangue (jouant désormais dans des
Zénith contre des Bercy auparavant) pour un « come-back » retentissant. Mais
c’est là une autre histoire …
PS: Je ne résiste pas à rappeler qu’un
certain Rob Halford fit ensuite appel à un certain Roy Z pour
un album bien typé Judas Priest (et un duo historique avec Bruce Dickinson sur
un titre !). Le Metal God reviendra ensuite dans Judas Priest laissant penser
que Roy Z était alors spécialisé dans la « relance »
de chanteurs de légende. Les tumultueuses années 90 étant finies, la vague grunge
ayant reflué, chacun pouvait alors rentrer dans ses pénates.
Tracklist de The Chemical Wedding :
01. King In Crimson 02. Chemical Wedding 03. The
Tower 04. Killing Floor 05. Book Of Thel 07.
Jerusalem 08. Trumphets Of Jericho 09. Machine Men 10. The
Alchemist