Parmi les hauts lieux géographiques de la musique anglaise, Sheffield tient une place à
part. Pour notre musique, on pense évidemment àDef Lepparddont le délirant succès aux USA dans les
80’s a laissé un souvenir mitigé entre carton commercial et renoncement artistique
devant les velléités d’un producteur surdoué. Moins dans notre
périmètre, les Arctic Monkeys,à une bien plus
faible échelle (qualitative et commerciale), ont eux aussi connu un grand succès. Et
toujours dans la décennie 2000, Bring Me The Horizon a confirmé les
bonnes ondes du Yorkshire avec des groupes locaux motivés. Formé de divers membres de la
scène locale, Bring Me The Horizon doit son patronyme à une
réplique de Pirates des Caraïbes, autre grand succès de cette époque.
Les puristes pesteront d’emblée sur ce nom de groupe et plus globalement sur toute cette
scène deathcore / metalcore british de cette décennie avec en figure de proueAvenged Sevenfold ou Bullet For My
Valentine (pour la version galloise). Construite dans la continuité d’une
scène néo metal contestée, ce registre allait rapidement exaspérer tombant
comme trop souvent dans divers excès (déferlement de groupes se ressemblant trop,
ultra-agressivité musicale, alternance chant clair / chant growlé devenue caricaturale,
les mèches, etc.). Néanmoins, on a vite retrouvé ce cycle désormais connu :
arrivée concomitante de plusieurs groupes doués proposant une formule novatrice provenant
souvent d’un même espace géographique, succès commercial, afflux de formations
« suiveuses », essoufflement de la scène, groupes précurseurs accédant
a posteriori à un statut « culte ». Cela est bien sûr simpliste,
mériterait nuances et précisions comme le fait que quelques groupes délaissent leur
registre initial pour modifier / élargir son offre (toutes ressemblances avec la scène
thrash du milieu des 80’s, le grunge, le néo des années 90 ne seraient pas purement
fortuites). Parmi ces groupes aventureux de cette scène deathcore des années 2005 et
suivantes, Bring Me The Horizon est des plus intéressants. Avec une trajectoire
d’ensemble pouvant faire penser à un Metallicaavec des débuts prometteurs, une
agressivité maximale, un succès commercial dès leur démarrage, avant de
devenir plus tard plus heavy, plus rock, plus grand public. Aujourd’hui, il est vrai que
BMTH est devenu bien mainstream avec de vrais hymnes arena-compatibles, des apports
électro, des shows ultra pros avec grosse production (quand je les compare à Metallica, je ne plaisante pas), une présence en tête
d’affiche de plus grands festivals... bref, une immense pointure. On notera aussi que tout au long
de cette carrière, des critiques sévères ont toujours accompagné chaque
sortie du groupe suscitant parfois un sentiment d’acharnement un peu gratuit.
Mais en 2008, BMTH n’en était pas encore là, assurant alors
un deathcore / metalcore bas du front qui a pas mal marqué une génération alors
friande de ces missiles bien agressifs. Bien lancés par un Count Your
Blessings bien reçu en 2006 avec un public déjà présent, les
musiciens ont enchainé en 2008 avec ce Suicide Season quelque peu
différent de son prédécesseur, plus expérimental et offrant
déjà des évolutions de style. Dès le début, BMTH
montrait une volonté d’élargir son spectre musical. Pour autant, le groupe
connaissait parfois des accueils houleux sur scène (alors que BMTH ouvrait pour
Killswitch Engage par exemple) d’une frange
hargneuse du public. Avec le recul, on reste surpris devant le rejet que certains groupes de cette
scène ont pu expérimenter alors (quand la scène néo avait plus subi
l’ignorance de médias mainstream généraliste). Avec l’envie de proposer
plus, le chanteur Oliver Sykes et le guitariste Lee Malia avaient
envisagé ce Suicide Season comme un « ça passe ou ça casse »
et se sont donnés les moyens de « passer ». Composition et enregistrement dans un
village perdu en Suède, recours au producteur référentiel death mélo
Fredrik Nordström. Sûr que ça dû les changer de la
frénétique Birmingham, lieu retenu lors du premier disque. On ne s’étonnera
donc pas d’un résultat plus éclectique, déjà un peu moins deathcore.
Dans la lointaine continuité d’un Linkin Park, ce Suicide Season a connu sa version de
remixes sans que cela n’ait eu, à mon sens, de réelle valeur ajoutée.
Moyennement reçue par une critique peu amène avec ces jeunes groupes,
l’évolution musicale ayant naturellement divisé presse et fans entre les admirateurs
du deathcore des débuts et celles et ceux validant la prise de risque, BMTH a
malgré cela trouvé son public et surtout, fait plus surprenant, vu ce Suicide
Season quelque peu réhabilité a posteriori surtout avec le succès croissant
des années suivantes. BMTH poursuivra par la suite sa trajectoire avec son
troisième album, There Is a Hell, Believe Me I’ve Seen It. There Is a Heaven,
Let’s Keep It a Secret (sacré titre à rallonge !!), mais c’est plus
tard avec That’s The Spirit, leur « Black Album » et son grand changement de registre vers un metal
commercial, que la véritable consécration commerciale aura lieu. Sur l’aspect
artistique, ça continue de pester (logique avec le succès) mais on ne peut reprocher un
sens du tube aux Anglais (Throne). Suicide Season, album validant une sortie
artistique d’un deathcore bas du front tient donc une bonne place dans la carrière du
groupe proposant d’emblée des éléments majeurs de leur approche artistique.
Un groupe bien sympa, devenu géant, à découvrir au-delà des clichés
et d’une réputation un peu injuste à mon sens.
Tracklist de Suicide Season
:
01. The Comedown
02. Chelsea Smile
03. It Was Written In Blood
04. Death Breath
05. Football Season Is Over
06. Sleep With One Eye Open
07. Diamonds Aren’t Forever
08. The Sadness Will Never end
09. No Need For Introductions, I’ve Read About Girls Like You On
The Backs Of Toilet Doors