Superbe découverte de l’édition 2018 du Cernunnos, j’ai immédiatement placé ce groupe dans mon viseur de formations à surveiller, surtout en live où Boisson Divine dégage une énergie et une envie de faire la fête très communicative. En m'intéressant plus à ce groupe qui se fait plutôt rare, surtout dans le Nord de la France (soit, pour simplifier, au-dessus de la Garonne, selon certains du Sud-Ouest), j’ai découvert un groupe très attachant proposant un concert très abouti. Boisson Divine, c’est le projet de deux potes de collège : Baptiste (Chant, Guitares) et Adrian (batterie) venant des hauts plateaux du Gers (à Riscle pour être précis, tout proche des Landes) adorant le heavy, le punk à dominante celtique et Nadau, formation gasconne-béarnaise très populaire dans le Sud-Ouest (brassant également la sphère occitane du Pays Basque jusque dans la très belle Aveyron). Nadau, c’est du folklore typiquement Sud-Ouest qui joue très régulièrement dans les grandes férias du coin ; et une des particularités de Nadau est de chanter en gascon-béarnais (langue proche de l’occitan, d’où le succès rencontré au-delà de la zone Pyrénées-Atlantiques – Gers). C’est de là qu’est venue la (très) bonne idée de chanter en gascon, langue qui, de par ses sonorités typiques, se révèle très musicale (comme l’explique Florent, bassiste de la formation dans l’interview du groupe disponible ici). Rapidement, le binôme a proposé un premier disque (Enradigats) et obtenu un premier succès critique, certes à échelle réduite mais réel. Il faut dire que des morceaux comme Que Me’n Tornarei et surtout Lo Cant Deu Pastor sont particulièrement entraînants et réussis. La fusion mélodies folkloriques – heavy rock fonctionne d'entrée et il est arrivé à Boisson Divine ce qui arrive dans ces cas-là, à savoir des demandes de concert. Problématique nouvelle pour le duo, à savoir constituer un vrai groupe. Le frère d’Adrian jouant de la basse, ce point fut vite géré. Baptiste jouant au rugby (eh oui, on est dans le Sud-Ouest !!), un coéquipier guitariste de son état fut vite recruté en la personne de Luca. Avec une telle base cohérente, le quatuor s’est d’emblée assuré d’une réelle complicité tant musicale qu’humaine. Baptiste fit ensuite la bonne pioche avec le duo Alya – Pierre, encore en école de musique et très au point sur les instruments folkloriques (Pierre jouant de la cornemuse dans Skiltron, groupe argentin de power folklorique, le morceau éponyme est à écouter pour se faire une excellente idée de ce que ce chouette groupe propose). Le gang de six constitué, Boisson Divine est devenu un vrai groupe quoique toujours dirigé par Baptiste, véritable âme de cette formation. Un deuxième album (Volentat) dans la parfaite continuité du premier (à écouter l’excellente doublette Dauna de Brassempoi – Quin Braguèr) est sorti, le groupe a continué ses concerts en local et s’est offert quelques belles participations en festival et aussi une tournée en terre nippone ; la scène pagan, très underground, offrant de belles opportunités un peu partout dans le monde.
Toujours géré en mode hobby (enfin, façon de parler quand on voit le cœur et le sérieux présent ici), Boisson Divine nous revient avec un troisième effort dénommé La Halha (à prononcer "la Haille", avec le H sonore). Intégralement auto-financé, la formation y aborde toujours des thèmes gascons dont celui de Milharis, berger ayant vu la première neige et enterré selon la Tradition sur la Croix de Beliou (c’est bien cette croix que représente la pochette de la Halha), haut lieu important du patrimoine pyrénéen. Anecdote sympathique, leurs compatriotes Stille Volk (autre groupe pagan folk de grande qualité évoluant dans un registre un peu différent musicalement) ont également consacré leur dernier effort à ce même Milharis, décidément au centre des préoccupations de nos amis issus des terres occitanes. Annoncé pour fin 2019, ce La Hahla nous arrive avec un peu de retard mais le groupe, très confiant sur le potentiel de ces dix morceaux, a préféré prendre son temps pour bien fignoler tout ça … et au vu du résultat, c'était une bonne décision. Comme communiqué par le groupe, ce troisième album (promis je vous épargne la réflexion sur l'importance du troisième disque, celui de la maturité, dans la carrière d'un groupe !) se veut plus "complexe, épique et (…) plus sérieux". Je préfère les citer tant le commentaire est lucide. Je rajouterai que les guitares, en plus d'être bien produites, sont plus "heavy" comme si le groupe voulait assumer encore plus ses influences Metal. Le riff d'intro d'un Novempopulania en est un bel exemple et le final en twin guitar de Rei de Suèda a un petit côté Iron Maiden et que ce Suu Camin Estelat qui fait penser à du Helloween époque Keeper Of The Seven Keys. Boisson Divine, de par son appartenance à la scène Pagan via notamment les thématiques abordées, a peut-être inconsciemment été amené à jouer plus "dur". Ce La Hahla reste dans la continuité de ce que le groupe proposait sur ses précédents efforts. Boisson Divine a toujours ce sens du refrain ultra fédérateur. Je pourrais citer ceux qui m'ont emballé mais je me retrouverais vite à reprendre le tracklist ci-dessous tant il y en a d'incroyables sur tout ce disque (allez, mention spéciale à ceux de Lo Péla Porc et de Libertat!!). Les parties folk, ADN de Boisson Divine, sont très réussies avec de superbes passages instrumentaux, le binôme Alya - Pierre s'en donnant à cœur joie. On trouve aussi des chants polyphoniques que le groupe adore sur la Sicolana et Un Darrer Cop variant intelligemment le propos. Approfondissant sa formule, Boisson Divine ose les longues fresques musicales (Rei de Suédà / Milharis) dépassant largement les huit minutes pour un résultat convaincant. Décidément, Boisson Divine en a sous le pied. Les Xivalier De Sentralha , Libertat et Lo Péla Porc, percutantes à souhait, feront un ravage en concert.
Le verdict est très facile. Ce disque est un vrai bijou de rock / metal folklorique, dynamique, enthousiasmant, enchanteur et réussi de bout en bout. Boisson Divine, de par sa démarche, ne vise pas le grand public. Alors certes, peu de chances de les voir dans les rayons de vos disquaires préférés ; mais ce groupe, profondément attachant, vient de nous pondre un sacré disque, inspiré varié et truffé de superbes pépites, en plus d'offrir une séance de culture générale sur les traditions gasconnes (qui ne se limitent pas au seul D'Artagnan). Un groupe à découvrir ABSOLUMENT qui porte vaillamment la culture de la Gascogne et plus généralement la culture occitane. Gascunha !!!!
Tracklist de La Halha :
01. Lo Péla Porc 02. Novempopulania 03. Suu Camin Estelat 04. Xivalièr De Sentralha 05. Rei de Suèda (Sveriges Kung) 06. La Sicolana 07. Abelion 08. Un Darrèr Cop 09. Libertat 10. Milharis
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