Internet s'emballe, la presse s'enflamme et les chroniques dithyrambiques
tombent comme à Gravelotte (coucou Sacco...les vrais comprendront). Est-ce que tout cela est
justifié ? Tout ce buzz autour du groupe et de cet album dont on parle un peu partout, cet
opus plébiscité qui vient d'être élu album de l'année par le
célèbre magazine américain Decibel. Tout cela est-il fondé ? Ce
torrent d'éloges est-il mérité ? Inutile de laisser la question en suspens
plus longtemps, la réponse est oui, oui, oui !
Définitivement oui car Blood
Incantation réussit l'exploit de proposer quelque chose de frais dans un style
depuis longtemps balisé et largement exploré durant ses trois décennies
d'existence. Le quatuor dépoussière le genre, pas aussi radicalement qu'a pu le
faire Gorguts avec son
Obscura qui réinventait entièrement le Death Metal, mais en se reposant sur les
fondations posées par les grands anciens, Morbid
Angel en tête, mais aussi Immolation, Demilich ou
même Death, en y injectant
une touche totalement inédite, à la fois cosmique, épique, atmosphérique
et progressive. En cela Blood
Incantation perpétue la tradition instaurée par ceux qui firent le
style dans les années 90, à savoir ne pas tout démolir pour repartir
systématiquement d'une page blanche mais conserver précieusement l'acquis et avancer, le
faire évoluer. Carcass, Death,
Pestilence,
Nocturnus, Morbid
Angel et les autres ont copieusement nourri le Death Metal avec leurs albums
historiques, novateurs et surprenants, lui apportant progressivement plus de technique, plus
d'exigence, plus d'émotions, plus de mélodie, plus de sens. Blood
Incantation appartient à cette lignée de musiciens intelligents,
ambitieux, qui parviennent à sublimer ce qui existe déjà. En cela Hidden
History Of The Human Race n'est pas révolutionnaire, il est "juste" un nouveau pas en
avant pour un genre enlisé depuis trop longtemps, condamné au surplace et à une
mort prématurée par une triste myriade de groupes sans audace? brandissant faiblement
l'étendard old school pour justifier un manque d'idées flagrant et une carence
créative évidente. Bye bye Gruesome et consorts.
De l'audace, ce disque en regorge. Dans sa pochette
déjà, réalisée par l'illustrateur Bruce Pennington dans
les années soixante dix, l'image est magnifique, intrigante et tellement éloignée
des choses sinistres ou gore que l'on nous propose trop souvent. Mais au delà des apparences,
l'album surprend également dans sa structure même. Blood
Incantation nous propose en effet un étrange menu, inquiétant et
déstabilisant avec seulement quatre titres au compteur dont un morceau instrumental et un
monstre de dix-huit minutes. Tout cela peut sembler bancal pour nos cerveaux habitués
à une formule plus conventionnelle qui veut qu'un album de Death Metal contienne une dizaine de
morceaux, que le style ne puisse être instrumental et qu'au delà de dix minutes, une
composition devienne indigeste. Et c'est tout le talent du groupe qui règle rapidement le
problème tant le travail de composition réalisé ici rend l'épopée
facile à appréhender, même si de nombreuses écoutes seront
évidemment nécessaires à la découverte de la richesse qu'il renferme. Nous
sommes à la fois en terrain connu puisque les références sont ici
immédiatement reconnaissables, (trop diront certains), mais également en territoire
inexploré quand le concept cosmico-ufologique profondément inscrit dans l'ADN du groupe
prend les commandes et colore le son du passé de teintes nocturnes et célestes,
d'arpèges Floydiens, de leads psychés et d'atmosphères
trippantes, d'ambiances planantes invitant à l'introspection et aux grands questionnements. Le
Death Metal vous emmène alors en balade aux confins du cosmos, là où les
énigmes demeurent sans solutions, magnifique ! Cette parfaite fusion des approches est
agencée et exécutée par des musiciens pour le moins talentueux, disposant d'un
impressionnant bagage technique mis au service de la musique et de l'émotion, uniquement.
Blood
Incantation a également le goût exquis de céder à
l'appel du bio, tout comme un nombre croissant de musiciens ces derniers temps, et opte pour une
production parfaitement naturelle qui nous ramène à une époque qui respectait nos
oreilles, quand une guitare saturée laissait entendre ce grain qui la colorait et les
intentions du musicien qui la tenait. Quand la batterie était encore traitée comme un
instrument à percussion, sensible à la force de frappe, à la
vélocité et à l'intensité, autant de paramètres humains
gommés ces dernières années dans les laboratoires numériques que sont
devenus certains studios. Hidden History Of The Human Race est sur ce point aussi absolument
exemplaire. L'album est aéré, dynamique, il respire et son écoute, même
répétée, ne lasse jamais. Pete deBoer a réalisé un
travail remarquable et offre à cette pépite un écrin sonore simplement parfait.
Avec cet album brutal, émotionnel, cosmique et tout simplement
beau, Blood
Incantation se hisse instantanément au dessus de la mêlée et
risque bien, pour notre plus grand plaisir, de susciter quelques vocations chez d'autres musiciens
créatifs estimant à juste titre que le Death Metal mérite autre chose que le
traitement fainéant qui lui est réservé depuis quelques années, faisant du
genre un papy moribond alors qu'il était le terrain de jeu des mecs les plus aventureux du game
il y a encore quelques années. Un album important, un album régénérant, un
album qui fait plaisir et qui fait du bien.
Tracklist de Hidden History Of The Human Race :
01. Slave Species of the
Gods 02. The Giza Power Plant 03. Inner Paths (To Outer Space) 04. Awakening from the Dream of Existence to the Multidimensional
Nature of Our Reality (Mirror of the Soul)
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