Il est de ces soirs d’Halloween où l’on aimerait rêver non pas de monstres qui vous dévorent le bide, mais de flocons. Où l’on troquerait volontiers les âmes errantes contre la morsure d’un vent du Nord. AUTREST, c’est ce truc-là : un rêve hivernal où une grande poudreuse recouvre l’Amazonie, où un blizzard s’abat sur la canopée brésilienne, où les éléments s’aiment d’un amour profond et d’une sombritude glaçante. Le rêve d’une Ultima Thulé, de sa toundra, ou encore de forêts sombres d’épicéas et de pins sylvestres. Fasciné par ces contrées imaginaires, notre one-man-band s’y transporte naturellement.
Un peu raide, quand on vit sous l’équateur, n’est-ce pas ? Quand la moiteur annihile tout désir de givre, de gelée ou de permafrost. Il n’empêche, à bien y écouter, Burning Embers, Forgotten Wolves provoque de belles sueurs froides. Non qu’il déborde d’angoisse, mais il ouvre la porte à une introspection sincère, faisant remonter quelques émotions enfouies ou cachées.
Matheus Vidor (M.V.), seul maître à bord du vaisseau AUTREST, met du cœur à l’ouvrage. Il emprunte à loisir les sinuosités des affluents, traçant ses propres lignes avec maestria et démontrant une belle dextérité. Sa pagaie sonore fend les eaux, et je ne peux qu’apprécier les remous qu’elle provoque. Burning Embers, Forgotten Wolves, c’est du black metal atmosphérique pas particulièrement original, certes, mais diablement efficace. En témoigne le morceau Resonance, qui accroche l’œil, le cœur, et surtout l’oreille – car vous êtes ici pour ça, n’est-ce pas ?
Et si cette Resonance ne parvient pas à vous remuer les tripes, surtout quand débarque la contrebasse plombante, alors je vous inscris d’office au stage Jungle vs Guérilla au Brésil.
M.V. ne cherche pas la vocifération : il conte. Il murmure ses récits brumeux, et cette approche prend toute sa force sur Forgotten Wolves, morceau qui réveille de beaux souvenirs burzumiens. La comparaison n’est pas synonyme de plagiat, mais souligne des affinités d’ambiances avec l’entité norvégienne. AUTREST s’inscrit dans la grande famille atmosphérique nourrie au lait froid de tonton Grishnackh, mais pas seulement. Les amateurs y décèleront aussi des accointances avec FOREST SILENCE, notamment dans certains effets de synthétiseur. Les compositions, elles, se font plus vaporeuses, plus éthérées.
Where Stones Whisper est un morceau merveilleux : sombre, délicat, propice à la rêverie et à l’introspection onirique. Peut-être appréciez-vous, comme moi, quand le black metal s’aventure sur des territoires propices à la suspension de l’âme, dans ces bulles sonores baignées de réverb’ et de vagues libérant des sensations étranges, un peu comme une scansion visuelle, ou bien une déclinaison de phosphènes.
Faisant suite au prometteur Follow the Cold Path, l’essai semble bel et bien transformé avec ce superbe Burning Embers, Forgotten Wolves. Matheus Vidor nous avait déjà convaincus de le suivre, nous voici désormais embarqués à ses côtés, pour le meilleur et pour le pire, dans son voyage vers le Royaume des glaces. Rejoignez-nous, cheveux aux vents mauvais, et laissez-vous porter vers nos contrées gelées préférées.
Et si d’aventure, sous cette nuit d’Halloween, un souffle froid devait passer sous votre porte, ne vous inquiétez pas trop, il ne s’agit pas d’un esprit errant... juste Matheus Vidor, venu souffler un peu de son hiver tropical jusque dans vos plus beaux cauchemars.
Tracklist de Burning Embers, Forgotten Wolves : 01. Lobos (Offering) 02. Ashes from the Burning Embers 03. Forgotten Wolves 04. Where Stones Whisper 05. Ruins of the Lost 06. Forsaken 07. Resonance 08. Chasm of Tim
