Artiste/Groupe:

Arch Enemy

CD:

Blood Dynasty

Date de sortie:

Mars 2025

Label:

Century Media Records

Style:

Death Melo

Chroniqueur:

Le Diable Bleu

Note:

14.5/20

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Arch Enemy, treize albums, trente ans de carrière, et toujours autant de mordant sous les crocs. À ce stade, on ne parle plus de simples musiciens, mais d’une véritable meute, aguerrie, endurcie, qui poursuit sa piste, l’écume aux babines et les crocs affûtés. Pour célébrer cet anniversaire, le groupe suédois nous offre Blood Dynasty, un album au nom évocateur, aussi noble que sauvage. Et comme dans toute meute bien organisée, les rôles sont clairs : un mâle alpha visionnaire (Michael Amott), une cheffe louve resplendissante (Alissa White-Gluz), un nouveau loup agile et prometteur qui rejoint la chasse (Joey Concepcion) et une section rythmique dans une forme olympique digne des meilleures GMA (Grosse Musique Assourdissante, notre Daniel Erlandsson explose carrément ses fûts).

Avant de plonger dans le vif des riffs, notons et saluons une évolution notable : le départ de l’inénarrable Jeff Loomis, et l’arrivée de Joey Concepcion, jeune américain, qui amène avec lui une fraîcheur bienvenue et des griffes techniques acérées. Accordons lui en plus de sa jeunesse et de son talent, son jeu, plus nuancé, moins démonstratif peut-être, mais diablement efficace. Joey rajeunit la moyenne d’âge de la meute sans trahir son ADN. Ses solis ne cherchent pas à impressionner, ils cherchent à toucher –  et souvent, ils réussissent. Il supplée donc avec brio la pierre angulaire du groupe, Michael Amott, dont la patte reste omniprésente. Sempiternel architecte de l’ombre, Michael tisse le fil rouge de cette Blood Dynasty avec la ténacité et l’expérience du vieux loup gris.

La balance des lumières et sombritudes (oui osons le mot) du groupe s’équilibre avec la  lumière, la vraie, celle de la louve bleue, la flamboyante Alissa. Car ici, c’est elle qui hurle, gronde, mène la chasse et rassemble les siens. Fidèle à sa meute, à sa propre liberté, elle irradie tout l’album de sa voix protéiforme, tour à tour rugissante, séraphique, hypnotique. Les louves, dans la nature, sont souvent celles qui maintiennent la cohésion du groupe, qui éduquent, qui protègent – ici, c’est Alissa qui incarne ce rôle avec puissance et noblesse. Et son chant, entre growl abyssal et clarté acérée, trace une voie nouvelle pour le groupe, quelquefois pas totalement aboutie, mais le plus souvent bouleversante. Vraiment, notre louve bleue, plus belle que jamais, se trouve également dans une forme vocale resplendissante

Armés de cette introduction plutôt annonciatrice de bonnes nouvelles, amies lectrices et amis lecteurs, vous cillez du coin de l’œil en vous demandant d’où pourrait bien découler la dureté (toute relative cependant) de la note donnée. Bien, c’est juste qu’il y a pas mal à dire jouant contre poids à ces bonnes nouvelles.
Alors vite, analyse piste par piste (mais pas toute les pistes, je ne vais pas encore une fois faire tout le boulot non plus) – La traque est lancée.

Dream Stealer
L’album s’ouvre sur des mélodies gothiques, presque célestes, vite englouties par une vague de riffs et de blasts. On sent que la meute veut montrer d’entrée qu’elle n’a rien perdu de sa férocité. Le refrain, accompagné de chœurs épiques, renforce la dynamique : c’est l’appel à la chasse. Alissa y est impériale, ses rugissements galvanisent les troupes, et les guitares, féroces, tissent une tapisserie mélodique redoutable. Une mise en bouche sanguinaire, assez Heavy.

Illuminate the Path
Une piste à double tranchant. On croit partir sur une belle montée de Death Mélodique, mais voilà que surgissent des chants clairs... et là, les oreilles hérissées de certains vieux loups Gris grincent un peu. Pas mauvais en soi, mais un poil trop sucré pour une meute censée traquer toute la nuit sous la lune. Heureusement, le monstrueux riff de l’intro, le travail sur les mélodies et les structures de la composition sauve l’ensemble. Alissa tente un équilibre audacieux. Pas totalement convaincant, mais respectable.

March of the Miscreants
Là, c’est Daniel Erlandsson qui prend le relais et la boussole du groupe. Rythmiques martelées, cavalcades tribales, le loup tambourinaire, totem bien-aimé de nos chamans, rentre en transe. Le chant colle littéralement au rythme, ce qui donne un effet de meute en mouvement, synchronisée, irrésistible. Les guitares, elles, se parlent, se répondent en duel joyeux. Un titre presque martial et jouissif, taillé pour les live et les hurlements de foule. Mais qui présentement sur galette, me laisse un peu sur la faim.

A Million Suns
Plus court, plus introspectif, presque une pause dans la traque. La meute à l’abri, laisse Alissa livrer un growl plus feutré, presque doux (si cela peut exister). On y ressent une accalmie salvatrice, un moment au chaud, entre deux affrontements. Très réussi dans sa sobriété et rassurez vous, amies lectrices et amis lecteurs, les hurlements reprendront bientôt de plus belle.

Presage
Un interlude mystérieux. Violon fragile, guitare au parfum latino : la meute achève de se reposer, mais l’alerte plane. C’est la lune rouge qui se lève à l’horizon. Belle respiration avant le retour de la fureur.

Blood Dynasty
Titre éponyme, étendard du pack. Tout y est : tempo rapide, riffs dentelés, chant acéré. L’écriture est fluide, la structure millimétrée. Le refrain se plante dans le cortex comme une morsure. C’est le cœur de l’album, là où l’identité de cette meute prend tout son sens : entre passé glorieux et nouvelles conquêtes. Ma piste préférée, assurément.

Paper Tiger
Une surprise ! Chant plus aigu, tonalités plus heavy, riffs moins typiques... et pourtant ça fonctionne ! Alissa explore des hauteurs inattendues sans jamais perdre son aplomb. Le tigre de papier a de vraies griffes, et ce morceau illustre parfaitement la prise de risque d’un groupe qui refuse l’immobilisme. Soulignant l’idée, j’avoue toutefois ne pas adhérer vraiment au rendu final.

Vivre Libre
La curiosité de l’album. Reprise inattendue de Blasphème, notre vieux groupe français, hommage aux racines québécoises de la louve. Hard Rock assumé, pas vraiment le style de cette maison, mais mené avec entrain. Le contraste étrange pourrait en déplaire à certains. Le genre de moment qui désarçonne, mais qui montre que la meute a aussi du cœur, et de la mémoire. Une surprise donc marquée mais qui à mon avis est insuffisamment marquante. Peut-être manque-t-il cette étincelle de conviction, ce feu sacré qui ferait passer l’hommage de l’intention à l’émotion.

The Pendulum
Comme je l’adore, je vous laisse découvrir la force brute d’une meute lancée à fond derrière Bambi, pour bien vite le dévorer. Possiblement dément en live....

Liars & Thieves
Dernier assaut. La synthèse parfaite : chant clair/heavy, growl massif, batterie mitraillette, solo flamboyant, et final étiré comme un dernier hurlement à la lune. Un générique de fin digne de la meute, qui referme le bal sur une note noble, presque élégiaque.

Blood Dynasty ne sera peut-être pas pour vous le plus grand album d’Arch Enemy, mais c’est probablement le plus audacieux depuis quelques albums. Un hurlement survitaminé dans la nuit qui soit ne révolutionnera pas le genre, ni leurs territoires sonores, mais qui creuse une piste nouvelle dans la forêt du Death Mélo, entre tradition et évolution. Une patte par ici, un mordant par là, un cri dans la pénombre... et voilà une œuvre qui palpite, qui respire la meute. Notre alliciante Alissa White-Gluz s’impose plus que jamais comme la louve, cheffe du clan, à la fois fidèle, flamboyante et souveraine. Elle guide à sa manière le groupe sans jamais le dominer, avec une présence à la fois vocale, scénique et symbolique. Fidèle à son mâle alpha, sans jamais s’effacer. Une dualité qui fonctionne, qui intrigue, et qui offre une lecture presque animale de cet album.

On aurait aimé un peu moins de chant clair ici ou là, ou du moins, mieux intégré. Mais dans l’ensemble, l’album suit la vieille piste de la meute, et même mieux : il court dans la nuit, museau au vent, en quête de nouveaux territoires sonores. Et si certains grincheux, sans doute bien trop vieux, diront qu’il manque une ou deux vraies bombes, moi je dis qu’il faut parfois laisser la meute libre se perdre dans les pistes, et écouter respirer la forêt par l’intermédiaire de ses arbres.

En attendant les live annoncés, et au regard de l’impatience clairement affichée par une partie des chroniqueurs de nos APdM, bon nombre d’amies lectrices et d’amis lecteurs doivent se trouver dans le même état déplorable... alors soufflez, respirez, posez une fesse et penchez vous sur l’offre pléthorique du groupe en matière de vidéo récentes. Zen les loups, zen !

Note : 14.5/20 quand même – Pour la fidélité, pour l’audace, pour la beauté animale d’une meute qui sait encore se régénérer. Et pour la louve, surtout la louve.

Tracklist de Blood Dynasty :

01. Dream Stealer
02. Illuminate the Path
03. March of the Miscreants
04. A Million Suns
05. Don’t Look Down
06. Presage
07. Blood Dynasty
08. Paper Tiger
09. Vivre Libre
10. The Pendulum
11. Liars & Thieves

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