Changement ou continuité ? C’est un peu le résumé de ce Paradigm Shift des anglais de Amon Acid. Le duo de Leeds loin de produire un disque révolutionnaire, appose sur un doom, somme tout à fait classique, une touche psycho-expérimentale qui, d’une certaine manière, impacte de manière significative les valeurs et la vision que l’auditeur peut avoir de ce mouvement musical. Il faut dire que le couple Sarantis et Briony Charvas a de la suite dans les idées en ce qui concerne de faire bouger les lignes. Lui, grecque, multi-instrumentaliste et créatif ; elle anglaise, ancienne violoncelliste qui a muté en une bassiste inspirée par les grandes figures féminines des années 80 et 90 de cet instrument. Ensemble, ils sont Amon Acid, un truc spatio-temporel un peu étrange construit autour d’expériences et de jam-sessions accumulées.

Cinquième sortie du groupe, après deux LP et deux EP en deux ans (!), Paradigm Shift offre un voyage psychédélique un brin rétro, à la fois ancré sur terre et tourné vers l’espace. Les cinq titres regroupés au sein de l’album sont, de fait, admirablement mis en scène par l’Intro. Un brin inquiétant, définitivement psychédélique et éthérée, l’ouverture de l’album lance ce voyage qui va permettre à l’auditeur de rencontrer des aliens tout en croquant une feuille de LSD.

Monarch suit et propose une structure qui va être récurrente sur les titres. Cette chanson d’amour (eh, oui), propose en effet une base de loops électros s’entremêlant, et qui se retrouvent régulièrement couverts par des riffs de guitares ou alors des lignes de basse lourdes et puissantes. La ligne de chant, avec le récurrent « Oh baby you know what I mean, when it comes to pain, your my queen », s’insère finalement assez bien au milieu de cette charge musicale et apporte une certaine efficacité au titre. Selon Briony, Alien King est un des plus anciens titres qui a été retravaillé pour se fondre dans la ligne sombre et lourde Paradigm Shift. La minute oscillant entre ethno musique, supportée par l’utilisation d’un tzouras, instrument typique grec, et world musique oriental, se termine avec ici encore une ligne de basse lourde avec toujours cette loop psychédélique et spatiale en fond. De manière assez intéressante, le titre tourné vers l’espace infini reste finalement très terrien tant ses tonalités grecques, sa rythmique reggae et ses ambiances indoues relèvent de la world musique. Overlord rompt en partie avec le côté musique ethnique. La lourdeur et la rythmique doom restent elles bien présentes. Un fond de guitare amène régulièrement un peu de variation thématique et les loops electos psychédéliques montent au front et comblent l’espace laissé libre. Cela reste efficace, même si musicalement et surtout lyriquement, cela reste assez simple. Le musical Fear Of Space, apporte un axe léger et éthéré. Plus cool, tout en loops et en samples, le titre est fondamentalement électro et offre une pause bienvenue avant ce qui va suivre. L’album se clôt sur Paradigm Shift. Ce titre long, près de treize minutes, semble s’appuyer sur Fear Of Space pour doucement se lancer. Les instruments, guitare, basse et batterie, prennent progressivement la place pour temporairement laisser la place (je devrais dire l’espace) à la voix travaillée de Sarantis. Cette transition va se poursuivre, car la voix va prendre progressivement plus de place avec une refrain et des couplets bien plus audibles. Mais dans un dernier retournement, ceux-ci vont s’effacer à leur tour, pour laisser les instruments puis les loops electros.  

Pas de changement de paradigme pour moi, donc pas de modifications de mes valeurs ni de ma façon de penser. Toutefois, sans être gravé dans ma mémoire ni probablement être mis dans ma liste des albums préférés de 2021, Paradigm Shift reste intéressant et, paradoxalement, assez distrayant (ce qui n’est déjà pas si mal pour un album de doom). J’ai pris du plaisir à écouter et réécouter l’album de Amon Acid. J’espère que vous tenterez vous aussi l’expérience, même si ne s’est qu’en streaming sur le bandcamp du groupe.

Tracklist de Paradigm Shift :