Groupe surdoué de la scène death mélo, Aephanemer aime à suivre son chemin avec ses convictions, son approche personnelle d’un business toujours plus soumis à de forts changements. Dans l’interview que vous trouverez sur cette même mise à jour, les musiciens toujours aussi francs que passionnants n’hésitent pas à confirmer leur volonté de maîtriser au maximum leur destin, d’optimiser les coûts mais ce de manière intelligente en n’hésitant pas à solliciter des compétences extérieures. Ainsi, et même si ce partenariat n’est pas amené à durer, c’est Napalm qui s’occupe de la sortie et, nouveauté, le groupe fait appel à un booker pour la gestion des concerts tout en gardant une marge de manœuvre réelle sur ses tournées. Malin ! Et courageux car on le sait, le "système" est parfois impitoyable avec les "électrons libres".
Le groupe a en outre réglé son problème de bassiste avec le recrutement de Florian. Chez Aephanemer, on prend le temps de faire les choses bien, c’est appréciable. Aussi, le groupe a manqué de chance sortant son album A Dream Of Wilderness en 2021 étant ainsi impacté par la crise sanitaire (qui paraîtrait presque anodine vu les problématiques actuelles). Un moment compliqué pour des musiciens dont on sait qu’ils ont laissé leur job respectif pour devenir professionnel de la musique. On ne peut donc douter de leur détermination. Entre temps, le groupe a été invité sur divers Fest (Hellfest, Summer Breeze) où on espère les revoir dès 2026 tant Aephanemer y a sa place. Avec en appui ce nouvel album, que le groupe a pris le temps de bien appréhender et qui est une pure pépite de death mélo. Parmi les grandes nouveautés de cet effort, c’est le recours au chant en français. Marion avait tenté le coup avec une version traduite du titre Le Radeau de la Méduse proposé sur le dernier album. Expérience concluante car ici c’est tout l’album qui est chanté en langue de Molière. La vocaliste semble se régaler et nous avec. Le rendu me semble encore plus typé black avec cette voix hyper agressive, véritable pendant de la partie instrumentale toujours aussi classieuse. Martin s’en donne à cœur joie à la guitare avec des lignes mélodiques sublimes. Il y a beaucoup de notes, il faut s’accrocher, y revenir pour bien appréhender ce disque d’une créativité une nouvelle fois démesurée.
Le final avec le titre Utopie en deux parties, pensées comme un ensemble, laisse une impression forte dès la première écoute avec un final qui est une pure démonstration de force. Pour autant, les premières pistes, plus "classiques", font forte impression avec des compositions qui durent un peu moins de cinq minutes chacune. Hyper efficace, truffé de chouettes riffs et solos, Aephanemer y démontre une capacité à épurer son propos afin de gagner en efficience. Ça fonctionne super bien, on retrouve ce côté épique si cher au combo qui est ici en pleine forme. Avec ce chant, on pense aussi un peu à Houlece récent talent qui bénéficie d’une réelle hype (méritée). Mickael suit parfaitement les tempos, la double pédale s’en donne à cœur joie. On est épaté par la virtuosité des musiciens, toujours aussi prodigieux. Il ne faut juste pas avoir de l’indigestion de Notes ce que mécaniquement le style Aephanemer peut générer auprès d’un auditoire plus orienté riffs (ce qui n’est pas un reproche). Ici tout est poussé à l’excès.
Et puis ce final j’y reviens mais qui donne la sensation d’un album en deux parties distinctes. Trois pistes de plus de huit minutes dont le dyptique Utopie. On imagine que le groupe s’en est donné à cœur joie, et le rendu est spectaculaire. Aephanemer s’y révèle profondément personnel, ne semble s’être fixé aucune limite et comme cela vient après des compos plus resserrées, cela ne présente aucun souci (un disque entier avec seulement ce genre de format pourrait être délicat à ingurgiter). J’ai adoré la petite intro de piano sur la Rivière Souterraine avant que la guitare ne vienne répondre et reprendre la main. Absolument virtuose. La musique bascule vers une dimension néo-classique avec des parties purement symphoniques. Original et inattendu où on retrouve les goûts éclectiques d’un Martin qui s’est lâché comme rarement. A ce niveau de développement du groupe c’est sacrément audacieux. Encore une fois il faut adhérer mais lorsque c’est le cas, c’est un régal. D’autres n’adhèreront pas, c’est le risque dès lors qu’on propose ce genre de musique virtuose et reconnaissons-le excessive par certains aspects.
Reste qu’en live j’aimerais bien voir ce que ça donne car c’est vraiment impressionnant avec une dimension sympho qui ajoute des couches supplémentaires. Exercice de style étonnant qui classe Aephanemer parmi les vrais talents du genre. Groupe insaisissable par moment avec lequel il faut accepter de se laisser emporter tant certains passages partent dans diverses directions pour le moins inattendues. On attendra de nouveau le groupe en live et surtout on espèrera que les toulousains soient enfin prophètes en leur pays eux qui ont 90% de leur fan base à l’étranger. Etonnante conséquence de notre époque surconnectée ! Reste qu’avec ce quatrième album, Aephanemer passe encore un cap, approfondit son style. Un registre pas simple d’accès, qui ne plaira pas à tout le monde (il faut l’absorber cette musique). Les fans seront ravis et on ne peut que souhaiter du bien au groupe, hyper attachant au demeurant (et ce n’est pas que de la solidarité toulousaine). Un disque remarquable d’un groupe à la démarche originale. Brillant.