Aerosmith

Date

29 juin 2010

Lieu

Bercy, Paris

Chroniqueur

Hellblazer

L I V E R E P O R T

En ce mardi estival, c'est une foule compacte qui se presse autour du palais omnisports de Bercy, foule qui a répondu présente à l'appel des dinosaures du rock sur la seule date française de la tournée 2010, car nombreux sont ceux qui pensent que ce sera probablement la dernière. Joe Perry déclarait récemment dans la presse spécialisée que si les fans hésitaient à venir les voir à Bercy, ils laisseraient certainement passer leur dernière chance !

 

C’est pourquoi j’étais présent sur place pour un évènement que j’attendais depuis vingt ans.

 

En configuration en U, la salle très chaude se remplit progressivement, alors qu’à 20h pétantes attaque la première partie : The Creeps, un groupe d'Ottawa venu défendre leur dernier méfait en date, Follow you home. Le groupe a le plus grand mal à chauffer la salle avec son power pop sans intérêt qui laisse de glace la totalité du public, malgré des applaudissements polis à la fin de chaque titre, que l’on espère être le dernier... Après quarante minutes d'inutilité musicale, durant lesquelles la mission de l'ouvreur n'est clairement pas remplie (l'un des pires groupes de première partie que j'ai vu), le public assiste à de longs préparatifs & sound checks, avant que la salle ne soit enfin plongée dans le noir, un énorme front drop tissé aux couleurs des bostoniens cachant la scène.

 

La tension monte de cinq crans.

 

La clameur générale emplit les lieux alors que les guitares gémissent, comme pour se chauffer et faire monter le tensiomètre au maximum, puis c'est l’explosion : le rideau tombe, les lights éclatent, et un énorme Love In An Elevator démarre le show en fanfare, le public debout comme un seul homme, déjà hystérique.

 

Le son de batterie est dantesque, Joey Kramer déjà occupé à martyriser sa grosse caisse qui marque un tempo en béton armé, alors que ses acolytes se chauffent, eux, plutôt doucement. Steven Tyler – que l'on excuse volontiers eut égard à ses soixante-deux balais – a quelques problèmes vocaux (ou peut-être est-ce une balance trop en retrait de son micro), qu'il mettra deux titres à surmonter. Joe Perry, égal à lui-même, tient la dragée haute à son toxic twin sur l'avancée scénique, la paire assurant le show, tandis que Brad Whitford, planqué derrière bonnet et lunettes, distille un travail d’orfèvre sur sa six cordes de son coté de la scène, et que Tom Hamilton, grand timide devant l'éternel, envoie ses lignes de basses ronflantes de l'autre coté de la scène. La formation est en place, très pro, rodée par des décennies d’entertainment à l'américaine.

 

Une fois la foule chauffée - mais pas encore conquise - par cette entrée de choix, Tyler dans son manteau à paillettes argentées harangue le public et commence à jouer avec la caméra qui transmets sur le grand écran du fonds de scène les incalculables mimiques du chanteur en caoutchouc. C'est qu'il maîtrise parfaitement cet art et nous en donne pour notre argent, le bougre ! Back In The Saddle ravive la flamme des débuts et touche les plus vieux fans de près. Puis c’est au tour de Fallin In Love (Is Hard On The Knees), qui a touché cette fois les plus jeunes membres du public. Habile set-list, dont le but évident est de balayer large en chauffant tout le monde le plus vite possible !

 

Une fois ces trois missiles envoyés, Tyler tousse un bon coup au micro, balance un énorme rot bien sonore (il se permet tout...), comme pour désencrasser la machine, et rentre réellement dans le show. Il est chaud, il est en voix, ça y est ; il va pouvoir tout donner, et ne va pas s'en priver. Le rot n'était pas anodin, car il annonce bien sûr l’arrivée d'un Eat The Rich dont le caractère atomique tient surtout de la rythmique incroyable venant des fûts de Kramer, qui sera, selon moi, le grand artisan de ce show. Peut-être pas le meilleur batteur au monde, mais quel groove et quelle puissance ! Ses breaks furieux suivis de roulements de grosse caisse relance les morceaux et leur donne une énergie incroyable, sur laquelle s’appuient ses potes pour envoyer du lourd. Et il transpire, le Joey, ne s'économise pas, car il sait bien que cet unique show français sera peut-être le dernier et sera emblématique.

 

L'adrénaline grimpe, le public est aux anges et mange dans la main de Tyler, parfait complice de Perry en avant-scène équitablement partagée. Tout le monde est désormais complètement dans le concert et demande sa dose de rock brut.

 

Pink et Livin On The Edge marquent habilement une petite pause dans la furie, puis c'est le sublime What It Takes qui prend le relais, ouvert a capella par Tyler... le public se demande à quelle sauce on va lui servir ce bijou, puis au premier refrain, le reste du groupe entre dans la danse sous l'impulsion une fois de plus d'un Kramer impérial. A en pleurer tellement c'est beau.

 

Jaded étonne quelque peu par sa présence, mais du fait que c'est le moins mauvais titre du déplorable album Just Push Play, on ne s'étonne guère... après tout chez les Ricains il en faut pour tous les goûts... on laisse donc passé ce moment pas si désagréablement que ça. A ce stade, la foule est tellement acquise à la cause du groupe, que ce dernier pourrait même être ovationné en jouant du Sinatra...

 

Les hostilités reprennent avec un vintage Mama Kin endiablé, suivi du politiquement correct Cryin', qui passe néanmoins très bien, repris en choeur par le public.

 

C'est l'heure de la pause pour les quatre, tandis que Kramer se lance dans l'exercice du solo de batterie, que l'on peut redouter s'il devient rébarbatif. Que nenni... avec Joey aux commandes, la chose devient claire et structurée, puissante, et derrière ses toms il atomise un parterre qui en redemande. Démonstration de tonnerre du tonnerre... avec au final une variante à la John Bonham, avec les mains... et la tête ! C’est la furie dans la foule qui hurle. Pas le plus technique que j'aie vu, mais le plus captivant des solos de batterie de tous mes concerts. Pas chiant, juste monumental. Tyler vient taper sur les fûts avec Kramer, le groupe revient, la clameur générale fait vibrer Bercy.

 

Le solo ne meurt pas, et se mue en l'intro mid-tempo martelée d'un grand classique du 'smith : Rag Doll, que la foule reprend comme un seul homme, chauffée à blanc. Il n'y a pas à dire, Aerosmith sont de grands pros et savent y faire. Tandis que Tyler continue de jouer avec la caméra mobile, régulièrement possédé par le démon du rock, Perry envoie de sauvages solos sur un arsenal de grattes plus chouettes les unes que les autres. Parfois un peu trop dans son truc avec moults effets, pédales, etc... mais Perry reste Perry, et même s'il prend le micro sur Stop Messin' Around pendant que Tyler s'éclate à l'harmonica, son mode d'expression reste la six cordes avec son style propre. Il le prouve brillamment dans ce titre à rallonge qu'il mue en blues furieux dans un duel flamboyant avec Whitford, qui dure, dure, pour notre plus grand bonheur, cultivant une fièvre rock qu'on voudrait éternelle. Un immense moment de musique, une communion des cinq sur scène, puis du groupe avec le public. Une excellente surprise, là où ne l'attendait pas, donc.

 

Pour reprendre nos esprits, on patiente sur un I Don't Want To Miss A Thing convenu, propret, sur fonds d'images du film, mais malgré tout soutenu par un son puissant et net, donc pas non plus si désagréable que ça.

 

Mais ce que l'on veut, c'est du Aerosmith pur jus, et ce dernier nous l'offre avec un Sweet Emotion venu du fond des âges, tout en crescendo, distillé avec tout d'abord une retenue quasi sadique, puis lâché violement avec son riff tournant sur un public consentant. Que du bonheur ! Tyler devient extatique, s'avachit sur les amplis, rampe sur scène face à la caméra, se languit... bref, il donne au titre toute sa dimension sensuelle. Encore un grand moment.

 

Retour dans le blues - les racines du groupe - avec un Baby Please Don't Go diablement boogie, qui remue les fesses des plus vieux fans, mais rallie aussi les plus jeunes à sa cause. Le morceau de Muddy Waters est parfaitement maîtrisé, restitué en version survitaminée, allongé, farci de solos excellents des deux guitaristes, porté par un Tyler alors très en voix. Un titre qui fait encore mouche.

 

Draw The Line clôture l'apparente fin du set en renvoyant les spectateurs trente-deux ans en arrière... nous voilà revenus en 78, dans l’ambiance Stones, Led Zep, etc. Un titre excellent lui aussi, qui laisse bien entendu la foule sur sa faim. Les lights meurent, seul le contour de scène offre un filet de lumière dans les ténébres de Bercy. Le lointain vrombissement des amplis maintient la fièvre dans le public, qui hurle à pleins poumons sans discontinuer durant cinq minutes, montrant au groupe qu'il en veut encore... beaucoup. Des milliers de pieds tapent sur le sol... ambiance sismique !

 

Retour sur scène du band avec un historique et poignant Dream On inespéré, repris par la foule, porté aux nues par Perry et Tyler, en guise d’apéritif avant l'incontournable Walk This Way, qui fait lever tous les gradins et sauter les milliers de fans sur son air mondialement connu. Annoncé par son intro rythmique imparable, le titre enflamme la salle, qui prend le relais de Tyler à chaque pause vocale qu'il fait pour laisser gueuler la foule. Grand frisson garanti ! Puis vient le moment fatidique du dernier titre, un rapide Toys In The Attic, qui enfièvre les corps une ultime fois, clôturant ainsi un large panel temporel de chansons.

 

Avec 2h40 de rock sublime, Aerosmith assied encore son statut parmi les grands, parmi les dinosaures du hard rock... avec AC/DC ou encore Deep Purple. Un grand show, hyper pro, dans lequel nos cinq compères ont donné le meilleur d'eux-mêmes. Il y a eu des pains de Perry, certes, des faiblesses vocales de Tyler, certes, mais qui peut se targuer à l'âge moyen de soixante-deux ans d'envoyer un tel show ? On leur pardonnera donc leurs imperfections pour ne retenir que le meilleur : une grande communion rock.

 

Les absents ont vraiment eu tort, les présents ne l'oublieront pas...

 

 

 

Setlist :

 

Love In An Elevator

Back In The Saddle
Falling In Love (Is Hard On The Knees)
Eat The Rich
Pink
Livin' On The Edge
What It Takes
Jaded
Mama Kin
Cryin'
--Drum Solo--
Rag Doll
Stop Messin' Around
I Don't Want To Miss A Thing
Sweet Emotion
Baby Please Don't Go

Draw The Line

------------------------------------------------

Dream On

Walk This Way

Toys in the Attic