Deux jours après la claque monumentale reçue à la CCO de Villeurbanne, une nouvelle affiche terrifiante me force à panser mes plaies et à me jeter, corps et âme, dans les cornes du Malin. La salle l'Ilyade de Grenoble organise, en effet, un rituel maléfique réunissant dans la même soirée trois références du Black-Death, Hate, Enthroned et Belphegor. Excusez du peu... Après une heure d'attente à siroter des canons et à échanger, devant son bus, quelques mots avec le bassiste d'Enthroned, la sécurité ouvre enfin les portes pour nous laisser pénétrer dans l'antre du diable. La salle est pratiquement vide mais les premiers riffs de gratte jaillissent soudainement dans nos tympans lorsque les Brésiliens de Nervochaos débarquent sur scène pour déclencher le début des hostilités...
Il faut avouer que la soirée commence plutôt mal car de nombreux problèmes de son vont surgir et perturber la prestation du quatuor brésilien. Ajoutez à cela la torpeur de l'assemblée réunie ce soir et vous obtenez un premier concert décevant. Commençons par parler de ces putains de soucis techniques. Tout au long du show, la guitariste Cherry Taketani passe plus de temps à débrancher et rebrancher sa gratte plutôt qu'à se concentrer sur son manche. Ces interruptions fréquentes ainsi que les nombreux larsens provoqués par les amplis sont une véritable punition auditive et m'empêchent de rentrer dans l'univers du groupe. Ceci est d'autant plus regrettable que la gonze a du mordant et enchaîne les p'tis soli et les cris éraillés avec une certaine maîtrise. Les photographes ne s'y trompent d'ailleurs pas et mitraillent, sans cesse, la guitariste avec son style atypique. Concernant l'ambiance, c'est simple à expliquer, il n'y en a pas malgré l'enchaînement de rythmes assassins et les beuglement répétés du frontman.





Je ne connaîs pas du tout ce groupe mais j'avoue que le Death Old-School proposé me séduit bien avec ses rythmiques bien malsaines et le chant possédé de César Covero. Personne ne hurle entre les chansons dans la fosse alors Nervochaos ne traîne pas et passe en revue la quasi-totalié de sa discographie en jouant des titres comme Infernal Words, Ad Majorem Satanae ou encore For Passion Not Fashion. Après nous avoir gratifiés d'une reprise de Candlemass avec le morceau Bewitched, César enchaîne le trio infernal Total Satan, Pazuzu Is Here et Pure Hemp extraits des albums Battalions Of Hate et Legions Of Spirits Infernal. Les changements de cadence et l'aspect très groove de certains passages obligent enfin certains spectateurs à bouger la tête mais, dans l'ensemble, rien ne s'agite vraiment. Après quarante-cinq minutes de show, Nervochaos quitte la scène dans une indifférence quasi totale. Dur dur d'assister à un concert aussi morose surtout que les Brésiliens ont un vrai potentiel et une sacrée haine à revendre. Dommage...




Setlist de Nervochaos :
01. Infernal Words 02. Shadows Of Destruction 03. Ad Majorem Satanae Gloriam 04. Moloch Rise 05. For Passion Not Fashion 06. From Below Not Above 07. Bewitched 08. Total Satan 09. Pazuzu Is Here 10. Pure Hemp
C'est désormais au tour des Polonais de Hate d'essayer de réveiller l'Ilyade. Hate ne devait pas faire partie de la fête mais l'histoire en a décidé autrement suite à des embrouilles internes entre les membres de Destroyer 666 et d'autres musiciens de la tournée. Il faut faire avec mais il est certain que cette absence a une incidence directe sur la faible fréquentation de ce soir. Hate n'en a que faire et le quatuor attaque son show sur les chapeaux de roue en nous artillant la gueule avec le morceau Asuric Being. Le roulement de caisse claire et la montée en puissance de cette chanson sont une véritable démonstration et le public ne s'y trompe pas en commençant à se rapprocher doucement de l'estrade. Malheureusement, cette proximité avec le groupe ne change pas grand chose car l'assemblée ne s'enflamme pas et continue à rester immobile malgré l'enchaînement de turies comme Into Burning Gehenna, Erebos ou Valley Of Darkness. Adam The First Sinner a bien conscience de cette situation et tente de remotiver ses troupes en durcissant son chant et en se lançant dans des polissages de cordes dévastateurs.




L'hymne au headbang, Sea Of Rubble, a le mérite de dérouiller les premières nuques et d'agiter les premières tignasses de la soirée pour le plus grand plaisir du second guitariste. Ce dernier est un véritable diable et lui aussi tente de galvaniser le public en enchaînant les soli et les grimaces de dégénéré. Le type fait bien plus que le boulot et apparaît souvent en décalage avec le reste de ses camarades beaucoup trop amorphes. Après quelques titres joués, les Polonais achèvent leur litanie en nous pilonnant la tronche avec deux morceaux redoutables, Hearts Of Steal et Hex. Au final, le black/Death de Hate est toujours aussi dévastateur avec ses accélérations démoniaques et la puissance de ses grattes mais je commence sincèrement à penser que ce groupe n'est pas taillé pour la scène. En effet, à chaque fois que j'assiste à l'une de leur prestation, je suis systématiquement déçu par l'ambiance qui y règne ; je veux bien admettre le manque d'enthousiasme de l'Ilyade mais le résultat était exactement le même au Hatefest, à Pratteln, alors que la salle était blindée de monde. Je pense que le quatuor devrait prendre des cours de présence scénique pour enfin assurer des concerts digne de ce nom ! A bon entendeur, salut...





Setlist de Hate :
01. Asuric Being 02. Into Burning Gehenna 03. Erebos 04. Valley Of Darkness 05. Sea Of Rubble 06. Walk Through Fire 07. Hearts Of Steel 08. Hex
Après cette nouvelle déception, je décide de m'isoler un peu en allant noyer mon chagrin dans l'alcool. Je suis tellement dégoûté par l'ambiance de ces deux premiers groupes que je stresse déjà à l'idée qu'un monstre comme Enthroned ne parvienne pas à inverser la tendance. Après une quinzaine de minutes remplie de doute, les Belges arrivent sur scène sous les grondements nourris du public, ce qui me rassure immédiatement. Les musiciens se postent de dos à la foule pendant que nous assistons aux suppliques et autres incantations sataniques du chanteur. Les yeux fermés, Nornagest récite, en effet, des prières à voix basse, lève les bras au ciel et bénit plusieurs fois l'assemblée en faisant de grands signes de croix. Lorsque le rituel prend fin, le colosse s'empare brusquement du micro et vient nous glacer le sang avec une succession d'hurlements démoniaques. Le poids des années n'a rien changé et je retrouve avec fascination un Nornagest aussi fou qu'en 2003, lorsque j'avais eu la chance de le voir jouer aux côtés du légendaire Sabbathan.




Cette époque n'est plus qu'un lointain souvenir mais Nornagest a toujours su rebondir et continuer sa quête satanique en s'entourant de musiciens tous plus efficaces les uns que les autres. Une mention spéciale va tout de même pour le bassiste, Norgaath, qui ne se contente pas de martyriser son instrument mais bouge partout, gronde dans son micro et harangue le public avec une hargne phénoménale. Les autres membres du combo ne sont pas non plus en reste et scotchent souvent les spectateurs avec leurs riffs aiguisés et leurs accélérations dantesques. Après le trio méphistophélique Of Shrines and Sovereigns, Baal al-Maut et Through The Cortex, Nornagest rend hommage à son ami Cernunnos (suicidé en 1997) en interprétant l'incontournable Ha Shaitan. Ce morceau du cultissime Towards The Skullthrone Of Satan n'a pas pris une seule ride et me colle toujours autant de frissons. Je constate que le public semble également conquis car une dizaine de fans se mettent à headbanguer et beugler comme des enragés.



Nornagest n'est pas vraiment convaincu, lui qui fustige souvent le manque de folie de Grenoble, mais cela ne l'empêche pas de toujours repartir au combat en poursuivant son ode satanique. Le chanteur assure le spectacle à lui tout seul en passant son temps à se fouetter avec le fil du micro, à révulser ses yeux ou à s'agiter comme un malade mental. Cette agressivité est communicative et le public fait enfin honneur au chanteur en bougeant beaucoup plus devant pendant les deux derniers morceaux (Tellvm Scorpionis et Of Feathers And Flames) de la soirée. Franchement, Enthroned a fait le boulot grâce à une setlist variée et à un Nornagest de gala. Le frontman, pourtant grippé, ne s'est jamais avoué vaincu et a toujours chercher à communier sa rage avec le public présent ce soir. Au bout de quelques tueries, ses efforts ont fini par payer et je pense sincèrement que Nornagest devrait administrer certains cours à d'autres musiciens de la tournée. Je ne vais pas revenir là-dessus car je pense que vous avez très bien compris à qui je fais allusion...




Setlist de Enthroned :
01. Intro 02. Of Shrines And Sovereigns 03. Baal al-Maut 04. Through The Cortex 05. Ha Shaitan 06. Behemiron 07. Obsidium 08. Tellvm Scorpionis 09. Of Feathers And Flames
Il est 23 heures lorsque Belphegor monte sur scène, entouré de ses traditionnels ossements humains et autres crânes de bouc. Après une intro instrumentale ravageuse (Sanctus Diaboli Confidimus), Helmuth brandit une bouteille de pinard et attaque son set avec un duo maléfique, Bleeding Salvation et The Devil's Son. Le public répond enfin présent en headbanguant à tout va et en s'agitant au moindre geste du chanteur. Si le son avait déjà gagné en précision sur le set précédent, on change ici de dimension avec des gattes saturées et une batterie surpuissante. Helmuth est fidèle à lui-même et nous assomme avec ses growls d'outre-tombe et ses mimiques de fou pendant que BloodHammer atomise ses fûts à grands coups de blasts et de roulements de baguettes. A l'image de Nornagest, le poids des années ne semble pas avoir affecté le frontman car sa motivation, toujours aussi impressionnante, se traduit par des leads de guitare endiablés et des invocations sataniques toujours aussi bestiales. Le public est immédiatement conquis et je constate d'ailleurs, avec amusement, que de jolies groupies se sont postées face au diable en espérant, sans doute en retour, un regard ou un énième sourire pervers.





Le Black/Death des Autrichiens est imparable et des enchaînements de déconfiture comme Belphegor - Hell's Ambassador, Swinefever - Regent of Pigs et Totenbeschwörer sont particulièrement destructeurs. J'ai déjà vu plusieurs fois Belphegor en concert mais je dois avouer que cette prestation est la plus aboutie de toutes car Helmuth et ses mercenaires sont dans une forme diabolique. Serpenth ne se contente pas en effet de gratter ses cordes mais cherche constamment à impressionner l'auditoire en soulevant sa basse dans tous les sens, en provoquant les photographes et en vociférant comme un enragé. D'habitude très discret, Impaler prend même part à l'orgie en révulsant souvent ses yeux et en balançant d'inombrables soli collés à la foule.





L'ambiance ne cesse de grimper au fil des minutes et je suis heureux de voir que des tueries comme Stigma Diabolicum ou Totenkult - Exegesis of Deterioration continuent de faire l'unanimité avec leurs invocations latines et leurs passages mid-tempo meurtriers. Histoire de mettre tout le monde d'accord, les Autrichiens achèvent leur cérémonie en enchaînant deux derniers hymnes à la haine avec les morceaux Lucifer Incestus et Baphomet. L'osmose avec les fans est parfaite et lorsque Belphegor quitte la scène, je suis tout simplement blasé qu'un tel show n'ait pas duré une heure de plus.





Setlist de Belphegor :
01. Sanctus Diaboli Confidimus 02. Bleeding Salavation 03. The Devil's Son 04. Belphegor - Hell's Ambassador 05. Swinefever - Regent of Pigs 06. Totenbeschwörer 07. Conjuring The Dead / Pactum In Aeternum 08. Stigma Diabolicum 09. Totenkult - Exegesis Of Deterioration 10. Lucifer Incestus 11. Baphomet
Au final, je sors de l'Ilyade avec un sentiment partagé : d'un côté, je regrette le manque de monde et l'ambiance trop tardive de la soirée, mais d'un autre, je suis quand même content d'avoir enfin revu Enthroned et d'avoir assisté à une véritable démonstration de force de Belphegor. Y aurait-il eu plus de folie avec la présence des Australiens de Destroyer 666 ? Sûrement, car de toute façon, il est impossible de faire pire que les deux premiers groupes de la soirée. Quoi qu'il en soit, je préfère rester positif car Grenoble dispose vraiment d'une salle parfaite qui mérite d'accueillir à nouveau d'autres pointures du metal extrême. Merci Metallian pour cette soirée mais, de grâce, ô métalleux de la région, sortez-vous les doigts et bougez-vous le cul quand de telles affiches sont au programme !
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