Monolithe

Interview date

09 Janvier 2012

Interviewer

fifi59

I N T E R V I E W

Interview Sylvain Bégot (par mail)


Salut Sylvain, merci d'accorder cet entretien au webzine auxportesdumetal.com. Pour commencer, peux-tu nous présenter les membres du groupe ?

Salut ! Et bien MONOLITHE s'articule autour d’un noyau dur composé de Benoît Blin, de Richard Loudin et de moi-même. Nous sommes accompagnés par différents autres musiciens d'un album à l’autre, en fonction des besoins et des envies. Benoît est guitariste, son groupe « principal » est un groupe de rock, Devianz. Richard est une figure incontournable de la scène Metal parisienne. Il a fait partie de nombreuses formations œuvrant dans des styles différents, parmi lesquelles Despond, Bran Barr ou encore Nydvind. Il est le « growler » de MONOLITHE. Quant à moi, je suis en quelque sorte le chef d'orchestre de la troupe, je compose la musique et décide de tout ce qui est en rapport avec le groupe. J'interprète les parties de guitare et de basse (avec Benoît), l'essentiel des claviers et je gère les programmations et effets sonores (batterie, samples, bruitages, etc…).

A la base, pourquoi avoir appelé le groupe Monolithe ?

Le nom, la musique et le concept du groupe se sont imposés un peu tous en même temps. Il me semble assez légitime de nommer son groupe MONOLITHE lorsque chaque album ne se compose que d'un unique long titre, qu'une source d'inspiration importante des textes est le fameux monolithe de « 2001 – l’Odyssée de l'Espace » et que la musique, relativement lente et très lourde semble peser sur l'auditeur comme un énorme bloc.

Quel est le parcours de Monolithe depuis sa création ?

MONOLITHE est né, en 2001, de mon envie de faire autre chose à côté de mon groupe « principal » de l'époque, Anthemon. Nous avons, depuis, sorti trois albums - « Monolithe I » en 2003, « Monolithe II » en 2005 et « Monolithe III » en 2012, et 2 EP – « Interlude Premier » en 2007 et « Interlude Second » en 2012. En plus de dix ans d'existence, le groupe est devenu un nom majeur de la scène Doom Metal mondiale et est également devenu mon activité musicale prioritaire.

Quelle est ta définition de la musique de Monolithe ?

Je réponds souvent qu'il s’agit de Doom Metal. C'est à la fois suffisamment clair pour orienter l'interlocuteur qui ne nous connaîtrait pas vers une idée générale de ce à quoi notre musique peut ressembler, et suffisamment vague pour ne pas s’enfermer bêtement dans une définition fermée qui de toute façon ne décrirait pas bien ce que nous faisons. On a souvent qualifié les deux premiers albums de Funeral Doom. Même si nous ne rejetons pas cette appellation, qui se justifie en partie, cette étiquette est tout de même trop restrictive pour la musique de MONOLITHE. D'ailleurs, les EP et le dernier album, « Monolithe III, » sont encore plus difficiles à catégoriser avec précision car ils sont très variés et vont à mon avis bien au-delà des codes et clichés du genre. Il y a un peu de tout ce que le Doom Metal peut compter comme sous-genres dans notre musique, mais aussi des influences venues d’ailleurs. Donc Doom Metal, tout simplement, nous convient très bien.

Quelles sont vos influences au sein du groupe ? De quelles formations vous sentez-vous proches ?

C'est extrêmement compliqué de répondre à cette question. Déjà, parce que les goûts musicaux des membres de MONOLITHE – moi excepté – ne jouent pas de rôle dans la musique du groupe puisqu’ils ne composent pas. Quant à moi, l’idée de créer un groupe comme MONOLITHE ne s’est pas manifestée par l’envie de jouer du Doom, mais par le fait d’avoir quelque chose à dire, ce qui est totalement différent. Ce style de musique s’est imposé de lui-même lorsque le concept et la musique se sont mis en place. Du coup, même si j’ai une grande affection pour les groupes de Doom/Death britanniques de la première vague (My Dying Bride, Paradise Lost et surtout Anathema), et quelques autres de la scène Finlandaise (je pense essentiellement à Unholy), ils ne sont pas seuls responsables de l’agglomérat d’influences qui a donné naissance à MONOLITHE. Je suis à la fois un metalhead éclectique et un amateur de musiques au sens large du terme, qui peut aimer beaucoup de choses bien en dehors des cercles de la musique Metal. Je suis par exemple un grand fan de Rock et de Rock Progressif des années 1970 et je m’intéresse de plus en plus à toutes les formes de musiques traditionnelles. De quels groupes nous sentons-nous proches ? De tous ceux pour qui la musique est une question de création et de sensibilité j’imagine, et ce dans n’importe quel style.

Un seul titre, beaucoup de variations, peu de chant mais des interventions toujours à propos, j'ai rapidement été conquis par cet album. Et toi, es-tu pleinement satisfait de ce nouvel opus ?

Oui j’en suis satisfait, je pense que c’est un album très abouti. Il y a toujours quelques petits détails qui me chiffonnent une fois un disque achevé, que j’aurais aimé, après coup, avoir fait différemment. Mais ce sont de petites choses. Je n’écoute plus cet album désormais, je le laisse « reposer » pour le redécouvrir d’ici quelques années et le juger avec un regard plus neutre, moins impliqué.

Quel a été le processus de composition ?

Les deux ou trois premières minutes introductives étaient déjà composées depuis longtemps en fait, je les avais mises de côté pour me concentrer sur une autre compo qui, à l’époque, me tenais plus à cœur (c’est ce qui est devenu le EP « Interlude Second »). J’ai repris ces « brouillons » comme base en début d’année 2012 pour travailler sur un nouvel album longue durée. J’ai, à partir de là, composé la musique et écrit le texte en environ six semaines.

Le son est de grande qualité et embellit la composition. Comment s'est déroulé l'enregistrement ?

Nous avons enregistré avec notre modeste matériel dans ce que j’appelle le Red Reed Studio, qui n’est pas un lieu fixe puisqu’il change à chaque enregistrement ou presque, mais plutôt l’espace provisoire durant lequel un disque de MONOLITHE prend concrètement forme. Nous étions dans des conditions confortables cette fois, ce qui nous a permis de faire davantage attention à certains détails, d’ordre technique ou d’interprétation. Une fois tout en boite, Andrew Guillotin du Hybreed Studio est intervenu pour mixer. Le son de « Monolithe III » répond aux exigences qualitatives qu’un album se doit de posséder en 2012 sur le plan technique, mais il n’est pas formaté selon tel ou tel code en vogue. Il convient avant tout à la musique du groupe, ce qui était le but recherché dès le départ. Tout cela reste un processus d’artisan, du "sur mesure" en quelque sorte.

Qui s'est occupé de l'artwork de l'album ?

L’artwork est l’œuvre de l’artiste norvégien Robert Høyem, à qui nous avons donné une quasi carte blanche et qui a su nous convaincre dès le premier essai. Je dis « quasi » parce que la contrainte était : pas de personnages identifiables ni de décors terrestres reconnaissables.

Comment perçois-tu l'évolution de Monolithe depuis ses débuts jusqu'à "Monolithe III" ?

MONOLITHE a su, selon moi, proposer des albums formant un tout très cohérent dans le cadre de la saga qu’ils narrent. Le groupe possède une identité assez marquée, dont on retrouve l’empreinte sur chaque disque. Malgré cela, les albums et EP ont tous un caractère qui leur est propre. Ils sont, bien qu’inscrits dans un contexte et un style unificateur, de petites unités indépendantes les unes des autres sur le plan musical. On distingue immédiatement la patte de MONOLITHE en écoutant, par exemple, « Monolithe I », suivi d’"Interlude Second" puis de « Monolithe III ». Pourtant ces trois disques sont très différents les uns des autres.

Des concerts pourraient-ils être envisagés pour Monolithe ?

Non, il est presque certain que ça n’arrivera jamais. Nous ne sommes pas un groupe de scène. Cette musique a besoin de trop de conditions à réunir pour fonctionner en live. Il faut voir cela comme la différence qu’il peut y avoir entre le cinéma et le théâtre. Ce que nous faisons peut être comparé au cinéma, pour lequel, dans l’équilibre écriture-performance, l’écriture est primordiale. La partie performance est secondaire, les musiciens de MONOLITHE se mettent au service d’une partition qui ne peut être magnifiée que dans le confinement serein du studio. Et puis qui dit performance dit répétitions, ce que nous ne faisons jamais et qui me barbait déjà au plus haut point à l’époque où je jouais avec un groupe qui donnait des concerts. Je préfère travailler sur du nouveau matériel plutôt que ressasser en permanence l’ancien.

De quoi va être fait l'avenir proche ou plus lointain de Monolithe ?

Et bien dans un avenir très proche, il y a la sortie US de « Monolithe III », le 8 janvier. La composition du prochain album, « Monolithe IV », est déjà très avancée et je devrais pouvoir l’achever dans la dizaine de jours qui suivront celui où j’écris ces lignes. Je ne vais pas en dire plus parce que j’ai eu une tendance à en dire trop dans le passé, ce qui a suscité des espoirs déçus lorsque le contenu de mes déclarations n’a pas été réalisé dans les temps annoncés :)

Quel est ton meilleur souvenir lié à Monolithe ? Et le pire ?

C’est impossible de ne citer qu’un souvenir qui serait meilleur que tous les autres… Parmi tous les souvenirs liés au groupe, ceux que je me remémore chaleureusement sont les premiers moments durant lesquels l’album a pris forme durant l’enregistrement de « Monolithe I », les premiers contacts avec Appease Me… Records, qui est le label qui a véritablement lancé le groupe, les mails enthousiastes de fans du monde entier, les sorties de cellophane de chaque album en recevant mes exemplaires personnels, et plus récemment la signature avec Debemur Morti, super à la fois pour leur excellent taf et sur le côté humain. Le pire souvenir, sans hésiter, le moment durant lequel je me suis rendu compte que Candlelight Records (nous avons sorti « Monolithe II » chez Candlelight, durant la courte période pendant laquelle Appease Me… en était une sous-division), label que j’avais respecté et dont j’étais honoré de faire partie, était une vaine entreprise bureaucratique vouée à sortir des CD qu’ils n’écoutaient pas, qu’ils ne comprenaient pas, dont ils se foutaient pas mal et qui traitaient leurs « petits » artistes comme de la merde. Cela concerne surtout le label manager de l’époque (il a peut-être changé ?), un authentique con.

Que penses-tu de la scène Metal française actuelle ?

La scène française est probablement l’une des meilleures d’Europe actuellement. Elle n’est pas du tout formatée, elle ne se cantonne pas à un ou deux styles spécifiques qu’elle sait pratiquer mais, surtout, elle tente, innove et se bat pour proposer de la qualité dans un pays au sein duquel la scène « Rock » au sens large du terme est complètement délaissée par des médias généralistes crétins et un public sevré à la variétoche plan-plan française et à la junk-music anglo-saxonne. De ces difficultés est née une scène variée et originale, tout comme le Death Metal floridien était né de l’ennui mortel des jeunes habitants la région de Tampa gangrenée par les vieux riches à la retraite ou tout comme le Doom était né chez les fils d’ouvriers au chômage du centre de l’Angleterre. Et puis je pense que contrairement aux idées reçues, il y a toujours eu de bons groupes en France, mais ceux-ci ont rencontré d’énormes problèmes pour se développer. Avec, entre autres, la démocratisation du matériel d’enregistrement, les choses ont bien changé ces dix dernières années et on a vu apparaître plein de groupes dont le potentiel a pu exploser. Cela dit il va sans dire que je ne parle que de ceux qui me semblent intéressants. En France comme ailleurs, pour un seul artiste véritable il y neufs pitres sans intérêt.

Qu'écoutes-tu en ce moment ? As-tu dernièrement pris une grosse claque avec un album ?

Ma dernière grosse claque, c’est la découverte de Mohammed Abdu, un chanteur saoudien très célèbre dans les pays arabes. Il fait une musique traditionnelle un peu modernisée, c’est extrêmement riche (les morceaux de moins de neuf ou dix minutes sont rares), envoûtant, rythmé, très arrangé, avec des instruments traditionnels, des violons, de la guitare, et puis cette voix quoi… Bref, j’adore ! C’est un bédouin jordanien qui me l’a fait découvrir. Dans le contexte du désert avec le thé, la chaleur et la musique, autant dire que ça donne la chair de poule tellement l’expérience est intense et globale. Mais ça marche à la maison aussi :) Sinon en ce moment j’écoute beaucoup Ghost Brigade… Leur deuxième album surtout, « Isolation Songs », qui est vraiment superbe. Mais bon, ça change souvent en fait, même s’il m’arrive de bloquer sur un seul disque pendant de longues semaines, comme cela a été par exemple le cas avec le « 777 – The Desanctification » de Blut Aus Nord, qui est justement, pour faire écho à la question précédente, l’un des fleurons de la scène hexagonale.

Je te remercie pour cette interview et te laisse le mot de la fin !

Merci à toi de nous laisser la parole. A bientôt, j’espère, pour un autre album !


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