Loading Data

Interview date

12 Avril 2014

Interviewer

Didier

I N T E R V I E W

Interview Patrón (par mail)


Salut Patrón Data, euhhh c'est un nom, ça ? Explique nous d'où il sort et pourquoi tu utilises autant de noms différents ? Tu caches un problème de personnalité ou bien tu es toujours le même gars au final ?

Je suis un grand anxieux et un hyperactif. Je suis toujours en mouvement car j'ai peur de la mort. Je n'aurai jamais assez d'une vie pour réaliser tout ce que je veux accomplir. Pendant des années, j'ai écrit. Des romans. Quatre au total. Puis j'ai peint. Et depuis quinze ans bientôt, c'est Loading Data qui prend tout mon temps. Mais j'ai encore tellement de choses à faire. Je ne suis pas certain de croire en la réincarnation. J'aimerais mais tant que j'en n'ai pas la preuve je suis en panique de ne pas avoir le temps. Je suis loin d'être convaincu qu'on ait sept vies alors je préfère en vivre plusieurs en une. Et puis si je reviens sur terre sous la forme d'une limace ou d'un escargot, grand bien me fera. Changer de nom c'est vivre plusieurs vies en une.

Alors tu es chanteur et guitariste de Loading Data. Peux tu nous présenter le groupe et ses membres ?

Loading Data, ça a été une interminable révolution. Je ne compte plus le nombre de musiciens qui ont participé au projet. Aujourd'hui le line-up officiel, c'est Robin Vieville à la batterie. Robin a été ingé son du groupe pendant six ans avant d'endosser le rôle du batteur. Ca fait donc longtemps qu'il est à mes côtés et je ne sais pas si le groupe serait toujours là s'il n'avait plus été de la partie. Il y a Louise Decouflé à la basse depuis presque deux ans. La première fois qu'on s'est croisé avec Louise, c'est dans le ciel. Elle revenait de Los Angeles où elle enregistrait avec la copine d'Alain Johannes de l'époque. De mon côté, j'étais en route vers Los Angeles pour enregistrer notre nouvel album avec Alain. Nos avions se sont croisés. On s'est retrouvé à Paris plusieurs mois plus tard, elle m'a dit qu'elle était chaude pour assurer la basse dans le groupe. Je l'ai engagée et je ne le regrette pas. Enfin Pablo Saguez à la guitare et aux claviers que j'ai connu grâce à mon petit frère Rodrigue, notre ingé-son actuel. Pablo c'est l'enfant sauvage du groupe. Un musicien hors-pair, doué, créatif, motivé, très inspiré, avec juste ce qu'il faut de folie.

Je sais que personne n'aime être étiqueté mais votre style me semble clairement stoner/desert rock. Tu es d'accord ?

A desert rock, je préfère l'étiquette qu'on s'est créée de heavy groove rock. Loading Data ce n'est pas une pyramide de riffs. Enchaîner les notes à l'endroit à l'envers, à tort et à travers ça ne m'intéresse pas. J'attache trop d'importance à la mélodie. On fait avant tout de la chanson, rock certes, mais de la chanson. J'aime les couplets forts qui te font ressentir quelque chose, les refrains entêtants qui te collent à la peau Ce que j'écris c'est ce que j'aimerais écouter. En revanche, tu ne me surprendras jamais à écouter du Loading Data. Tout comme un comédien qui ne supporte pas de se voir à l'écran, je déteste m'entendre.

Tu chantes dans un anglais parfait, on peut lire que tu es souvent aux USA, tu as l'air d'avoir un lien privilégié avec les USA ?

Mon père était journaliste. Grâce à lui, j'ai grandi à l'étranger. Entre autres en Angleterre et aux USA. Je parlais anglais avant de parler français. J'étais dans une école anglaise puis dans une école américaine. Ce sont mes parents qui me donnaient des cours de français le soir quand je rentrais. J'ai commencé à baragouiner le français vers mes six ans. Ca a été pénible pour moi d'apprendre cette langue. Autant dire que ça m'ennuyait. Vers dix ans, je parlais une langue confuse. Un mélange des deux. Donc oui, ma langue naturelle c'est l'anglais et mon deuxième pays c'est les USA. J'y vais tous les ans pour plusieurs mois pour me ressourcer.

En mars 2013 vous sortiez "Double Disco Animal Style", mais avant d'en parler, résume moi l'avant "Double Disco" ?

Le groupe est né en 1999. On fêtera les quinze ans cette année au mois de novembre. Je ne vais pas faire un récap des différents line-ups car ça serait trop long mais je peux te dire qu'on a sorti notre premier album "Frenchman, Nevada" en 2002, suivi d'un autre "Rodeo Ghettoblaster" en 2008 et enfin de "Double Disco Animal Style" en 2013. Au milieu de tout ça, beaucoup de concerts un peu partout , de rencontres et d'aventures en tous genres.

"Double Disco Animal Style"... d'abord explique moi ce titre étrange ?

"Double Disco Animal Style" est un clin d'oeil, sorte de private joke en rapport avec le "Double Double Animal Style", un burger qu'on trouve chez In and Out, un fast-food qu'on trouve essentiellement en Californie et dont on s'est empiffré lorsqu'on était à L.A pour l'album.

Visiblement vous avez été bien épaulé pour sortir le gros son de cet album. Explique nous ça ?

J'ai eu la chance de faire la rencontre d'Alain Johannes à Los Angeles. Pour ceux qui ne le connaissent pas, c'est l'homme derrière plusieurs albums de Queens of the Stone Age, de Mark Lanegan, de Them Crooked Vultures et avant tout de son propre groupe, Eleven. On a sympathisé jusqu'à devenir de vrais amis. Il a écouté Loading Data et les maquettes que j'avais à l'époque pour le nouvel album. Il a aimé. Six mois plus tard, on était en studio à Los Angeles avec Alain aux manettes. Ca a été une expérience inoubliable. C'est un vrai génie, un mec sensible et intelligent qui a su comprendre exactement ce que je voulais. J'espère qu'on aura l'occasion de bosser avec lui de nouveau. Peut-être pour le prochain album.

La première chose qui m'a frappé à l'écoute de cet album c'est ta voix très grave. As tu travaillé cette voix-là, où bien c'est juste un don ? Utilises-tu des effets spéciaux sur la voix ?

Je ne parlerais pas d'un don. Je ne crois pas que la beauté de Kate Moss soit un don. Elle est simplement née belle. Elle n'a aucun mérite. C'est le même principe pour moi. Je suis simplement né avec cette voix. Enfin pas né avec, heureusement, sinon mes parents auraient flippé mais bon on se comprend. Pas mal de gens pensent que je me force à avoir cette voix. Mais non. J'ai simplement la voix grave. Je suis baryton basse, voire même peut-être basse tout court. C'est curieux, comme quand quelqu'un chante aigu, on ne lui pose pas ce genre de question. Moi aussi j'aimerais savoir si Robert Plant utilise des effets car je ne sais pas faire ce qu'il fait. Je chante comme je parle. Non il n'y a pas d'effet. Mais pour ça, il faut me connaître et m'avoir déjà parlé. Anecdote : « Man, your voice comes all the way down from your shoes » m'avait dit Josh Homme alors qu'on prenait le café avec Alain.

J'adore ce titre en particulier, "Butterfly Shelf", et son côté lancinant. De quoi est ce qu'il parle exactement ?

Ca raconte l'histoire d'une relation qui part à la dérive et l'un des membres qui se fout en l'air. Pas très rigolo. Le texte est rempli de métaphores et de symboles donc inutile d'essayer de la comprendre à la première lecture. Je ne suis moi-même plus très sûr de ce que je voulais dire par moments. Mais ça avait tout son sens lorsque je l'ai écrit, haha.

Est-ce toi qui composes dans le groupe ? Et les textes ?

Je compose la musique et les textes. Ensuite je fais écouter et on peaufine avec le groupe. Parfois je commence par écrire une batterie, parfois une ligne de basse, parfois du clavier, mais c'est de plus en en plus rare que je compose à la guitare. C'est souvent qu'à la toute fin que je pose les grattes et le chant. Mais je me rends en général très vite compte si je vais pouvoir écrire une mélodie au chant qui va me plaire. Si je ne trouve pas de mélodie le morceau saute. C'est très rare qu'un morceau trouve grâce à mes yeux si la mélodie ne vient pas tout de suite. Si tu savais le nombre de morceaux que je fous à la poubelle !!! "Double Disco" est un rescapé. Il m'a fallu huit ans pour écrire le refrain.

Il y a un morceau qui ne semble pas être chanté par toi, je me trompe ?

En effet, "Hanging Low" est un morceau que j'ai composé pour notre ami Nick Oliveri, ancien de Queens of the Stone Age. Et il a eu la gentillesse de venir en studio pendant qu'on enregistrait, pour poser son chant. Il l'a même faite live avec nous il y a quelques mois à Paris au Glazart dans le cadre des Stoned Gatherings.

Depuis sa sortie, comment a marché l'album commercialement ?

On n'a pas à se plaindre. Mais ça peut toujours être mieux.

Vous avez fait celui-là en indépendants il me semble en plus, non ? Il est distribué en France ? A l'étranger ? Pas de signature à l'horizon sur un label ?

On a sorti l'album chez AQuickOnerecords, label indépendant parisien qui avait déjà sorti un 45 tours du groupe il y a quelques années. Pour l'instant pas de distrib à l'étranger. Mais les gens savent où trouver l'album s'ils le veulent. Les miracles de l'internet. Mais pas de signature en vue dans une major si c'est ce que tu veux savoir.

Bossez-vous déjà sur du nouveau matos ?

J'ai un album quasi bouclé. Te dire que ça sera Loading Data, je ne sais pas encore. Peut-être un autre projet. A suivre...

Vous avez l'air de tourner pas mal. C'est devenu une obligation dans le métier aujourd'hui ?

Une obligation, oui, si tu veux tenter de vivre de ta musique. Mais c'est surtout par plaisir de voyager, de jouer et faire découvrir ta musique, de faire plaisir aux fans... C'est ce que je préfère dans ce métier. Etre sur la route, ne jamais savoir comment va se passer la soirée. Et partager d'innombrables « What happens on tour stays on tour » avec les membres du groupe.

Serez-vous présents sur des festivals cet été ?

Sur quelques festivals, oui. Rien d'énorme cette année. On calme un peu le jeu pour pouvoir se concentrer sur l'écriture, et sur la rentrée prochaine qui s'annonce mouvementée. Ca sera les quinze ans du groupe et on compte faire une belle tournée pour fêter ça.

Votre style doit plaire forcément aussi hors de nos frontières, vu que le stoner à le vent en poupe. Ca se passe comment pour vous à l'étranger ? Tu penses que c'est un handicap d'être un groupe de stoner Français ?

Quand tu sais que ce qui se vend le moins bien en France c'est le rock, tu pars forcément avec un handicap. Mieux vaut faire du rap/variété. Malheureusement ils n'ont pas voulu de moi dans Sexion d'Assaut, et c'est pourtant pas faute d'avoir insisté. Mais aujourd'hui on a la chance avec internet de pouvoir se faire connaître à travers le monde sans se déplacer. Avoir Alain sur le dernier album nous a pas mal promu aussi. On a un public fidèle en France, en Amérique Latine, dans pas mal de pays européens et il serait grand temps qu'on reparte tourner aux USA sinon ils vont nous oublier. Ensuite Japon et Australie nous tentent bien mais on n'y est pas encore.

Je t'ai vu à La MJC Picaud de Cannes l'autre soir et tu galérais avec l'accordage perpétuel de ta guitare. Je t'ai trouvé la solution : http://www.tronical.com/ :-)

Oui j'avais mis des cordes neuves et l'accordage en Do parfois me joue des tours avec cette gratte.

Toujours à propos de Picaud, ça n'était pas Louise qui oeuvrait à la basse mais Guillaume-The-Boss. C'était à titre exceptionnel ?

Louise risque d'être amenée à tournée plus souvent avec son autre groupe, Theodore, Paul et Gabriel. Il nous fallait donc un remplaçant digne de ce nom. Guillaume est un ami et un exceptionnel musicien. Il est fort probable que vous le retrouviez sur scène à d'autres occasions avec nous, à condition qu'il le veuille bien, évidemment.

Je te remercie, et je te laisse le mot de la fin pour nos lecteurs.

Merci à toi Didier pour cette entretien. A bientôt.

 


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