Freak Kitchen

Interview date

Octobre 2009

Interviewer

yanng

I N T E R V I E W

Interview Mattias Ia Eklundh


Salut Mattias, merci de bien vouloir nous accorder cette interview pour le webzine metal français http://www.auxportesdumetal.com/

Merci à toi pour l'intérêt que tu nous portes !

La dernière fois que je t'ai vu à Paris, c'était au concert de Ron Thal à la Maroquinerie en mars 2005. Tu étais special guest avec Christophe Godin & Patrick Rondat, tu étais venu chanter "Speak when spoken too" avec Ron et vous aviez tous tapé le boeuf à la fin. Que gardes-tu comme souvenirs de cette soirée ?

Ah oui ! Je me souviens que Ron avait réussi à perdre sa guitare quelque part mais c'est tout ce dont je me souviens. Je crois que c'était fun. D'ailleurs, il me semble qu'on va jouer dans cette salle, à la Maroquinerie, un ou 2 soirs en février prochain avec Freak Kitchen.

Pendant ce concert, tu avais joué de la guitare avec un téléphone mobile. Tu est assez réputé sur le Net pour jouer de la guitare avec plein d'objets un peu bizarres (notamment un vibromasseur). En plus, tu as jammé avec ton imprimante Epson sur ton album solo "The Road Less Traveled"... Est ce que tu as de nouveaux objets bizarres en vue ?

Oui ! Tout d'abord j'ai un nouvel instrument appelé un Kelstone (http://www.youtube.com/watch?v=8W40pY-jnI4) qui est plat et qui joue le rôle à la fois de basse et de guitare en même temps. J'espère que je l'amènerai en France. Je joue aussi avec d'autres objets que vous découvrirez en février quand nous viendrons pour la tournée. Mais bon, pour jouer avec des objets exotiques, il faut avoir une raison musicale et un intérêt. Sinon, c'est juste pour la démonstration, c'est de la branlette. Ca doit vraiment apporter quelque chose à la musique, c'est ce que je fais quand je tombe sur un chopstick. Etre différent juste dans le but d'être différent est très facile. Mais être différent dans une orientation musicale, c'est ça qui est intéressant.

Qu'as-tu fait pendant ces 4 ans depuis la sortie d'Organic jusqu'à ce nouvel album "Land Of The Freaks" ?

J'ai fait plein de trucs, j'ai voyagé à travers la planète plusieurs fois, j'ai été en Inde 3 fois avec le groupe où nous avons joué devant des milliers et des milliers de personnes. J'ai joué le triple concerto de Beethoven, la section de violon que j'ai adaptée à la guitare. Ca n'avait jamais été fait auparavant, ça m'a pris 8 mois pour l'apprendre, 140 pages de partitions ! Je me suis marié, je suis devenu père, j'ai travaillé 3 ans sur "Land Of The Freaks". On a aussi fait un concept big-band avec Freak Kitchen, on a joué notre propre musique avec un big band, c'était super. Et oui, j'ai été très occupé, "Land Of The Freaks" m'a pris beaucoup de temps et je suis très satisfait du résultat. Je n'ai jamais autant été content d'un album dans toute ma vie.

Qui a décidé de la pochette de l'album avec l'univers sombre et la main de robot ? Tu voulais donner une image sombre de cet album ?

Ce n'est pas vraiment une main de robot, c'est une créature laide imaginée par un artiste lituanien. "Land Of The Freaks", c'est un peu tout, c'est la façon dont la planète est aujourd'hui, où nous vivons aujourd'hui, j'y vois beaucoup de choses. C'est un titre d'album très adapté, tout le monde se rappelle de "Land Of The Freaks".

Tout comme sur vos précédents albums, les paroles sont à la fois sérieuses et humoristiques. "Sick ! (Death By Hypocondria)" sort au moment opportun dans le contexte de la paranoia de la grippe A. Est-ce lié ? Pourquoi as-tu composé ce morceau ? Es-tu hypocondriaque ?

Non, ça n'est pas vraiment lié au H1N1. En fait, les jeunes ont développé une façon de vivre dans laquelle ils se bourrent de pilules, une pilule pour ci, une pilule pour ça et ça leur entraine un effet de bord. Ils prennent la pilule et ils se disent "tiens aujourd'hui je ne peux pas manger de pâtes sinon je vais avoir une poussée de boutons". Moi, je dis "allez vous faire mettre ! réveillez-vous !". C'est un problème industriel mondial, on a encore tellement de fric malgré la crise financière, ça me rend malade. "J'ai besoin d'une pilule pour ça", putain, mais tu n'as aucune raison de te plaindre ! J'ai vu de telles merdes sur cette planète et les gens continuent de sourire, ils vivent dans la merde, ils respirent de la merde, ils mangent de la merde et ils ne se plaignent pas ! Et tu as tous gamins des continents riches à côté ! Le morceau parle donc de ça. Sinon, non, je ne suis pas hypocondriaque. Je suis sûr que ces gamins seraient capables de mourir juste parce qu'ils s'imaginent qu'ils vont mal. Non, ils ne sont pas malades ! Si tu perds une jambes, là, oui, tu es malade !

Après "Mussolini's Mind", "Honey you're a nazi" est ton nouveau morceau contre l'intolérance et le racisme. Peux-tu nous expliquer ce qui t'a inspiré ? Le prochain, ce sera "Adolf was a guitar hero" ?

(Rires) Non, pas vraiment ! J'écris des sujets qui me préoccupent, des choses auxquelles je pense et dont je veux parler et que je veux partager. Quand tu la chance de pouvoir dire des choses et partager des choses avec un public, c'est une super opportunité car je ne suis pas particulièrement intéressé de chanter des histoires de feu, de dragon, baby suce ma bite ou quoi...

Même question pour "Murder Groupie". D'où vient cette histoire ? Une groupie a-t-elle déjà essayé de te tuer ?

Non, pas du tout. En fait, c'est à propos d'une fille que je connaissais bien, une fille très intelligente. Pour une raison que je ne connais pas, elle est tombée amoureuse d'un prisonnier. C'était un gars très violent, une personne très hostile et il a réussi à la manipuler pour lui faire faire des choses, allant même jusqu'à lui faire commettre des meutres pour lui. Bien qu'elle était intelligente, l'amour a pris le dessus. Ce morceau traite donc d'une personne en prison qui a pris le contrôle d'une personne à l'extérieur allant jusqu'à la conduire à faire des choses très graves. C'est une groupie du meurtre.

Musicalement, ce nouvel album comporte toujours le style fusion si spécifique à Freak Kitchen déjà présent sur les albums précédents mais il intègre aussi de nouvelles influences. Par exemple, "The Only Way", chanté par Christer, est une power-ballad assez classique telle que Skid Row aurait pu la composer dans les années 90, on est très loin du style bizarre et fusion de Freak Kitchen.

C'est parce que c'est Chris qui l'a écrite, le bassiste, il est un style rock basique et je ne voulais pas interférer. Donc on l'a joué directement et c'est un super morceau. Ce sont ces différences qui font la force de Freak Kitche, on fait ce que l'on aime.

Il y aussi des éléments plus électroniques sur cet album, particulièrement sur "Hip Hip Hourrah" et sur "One Last Dance". Tes énormes riffs par dessus les pianos sur "One Last Dance" donnent vraiment une sensation de groove. C'est une volonté, à l'avenir, d'intégrer d'avantage d'éléments électroniques ?

Il n'y a pas tant de claviers que ça, l'intro de "One Last Dance" comporte de la guitare et du mellotron, puis tu as une basse synthé et aussi un clavier, c'est du piano et de la guitare acoustique. C'est orchestré d'une façon très différente. J'utilise toujours les instruments qui me semblent les bons pour créer ce que je souhaite, c'est exactement ce que nous avons fait sur "Teargas Jazz" par exemple avec des violons, des percussions etc...

Dans ma chronique de "Land Of The Freaks", je décris "Teargas Jazz" de la manière suivante : "Quand Portnoy rencontre Frank Zappa". Que penses-tu de ça ?

Super ! En ce moment, nous faisons un vidéo clip de "Teargas Jazz" et tout a été tourné en Inde car je crois qu'il n'y a jamais eu de vidéo métal tournée en Inde auparavant, donc je me suis dit "Putain, faut en faire une !". Le chant a quant à lui été enregistré en Roumanie, à Bucarest, donc ce sera très brut, enregistré à la façon caméra amateur. Mais live ! Le clip commence avec moi devant 20.000 personnes à New Delhi avec ma caméra. Les cris "Delhi, Delhi, Delhi !" sont incroyables, les gens ont des turbans, nous aimons faire des choses différentes. En tout cas, je suis ravi que tu aies aimé le morceau !

Quel album de Freak Kitchen est ton préféré ?

"Land Of The Freaks", sans aucun doute. C'est le meilleur que l'on ait fait, j'en suis très content.

Tu es le seul guitariste du groupe. Un certain nombre de morceaux contient plusieurs pistes de guitare et de solos, et en plus de ça, tu assures le chant. Comment arrives-tu à faire tout ça sur scène ? Envisages-tu d'embaucher un autre guitariste ou d'utiliser des samples ?

Non non non, je n'embaucherai jamais un autre guitariste. Je n'ai aucun problème à assurer les rythmiques, nous avons déjà joué des morceaux sur scène comme "God Save The Spleen", c'est très naturel pour moi. Je peux jouer des arpèges et chanter dessus, pas de souci. Je suis gaucher et donc très aidé par le sens du rythme, chaque main peut jouer des choses différentes. Je comprends que ça puisse te sembler compliqué, je suis sûr que tu connais des plans que je trouve difficile car je ne les ai pas écrits mais tout ce que j'ai composé me semble très naturel. Bien sûr, un morceau comme "Teargas Jazz" va être un peu chaud à jouer live car il contient tellement de notes, tellement de changements de rythmes, c'est un peu chaud à faire à la guitare. Mais nous allons vraiment essayer de la jouer !

Quels groupes ou albums écoutes-tu en ce moment ? De nouveaux groupes émergents ?

Il y a un groupe américain qui s'appelle Mutemath qui joue une sorte d'indépendant, je ne suis pas vraiment dans le trip indépendant mais je trouve qu'ils ont fait un très bon album. Plus généralement, j'écoute les vieux Dean Martin, Frank Sinatra, des trucs comme ça... beaucoup de Django, ce ne sont pas de nouvelles choses mais des trucs datant des années 30, 40, 50, 60. J'écoute aussi de la musique classique, Samuel Barber est un de mes compositeurs préférés. D'ailleurs, tu es en train de me faire penser que je vais aller acheter quelques albums de Samuel Barber au Virgin Megastore ce soir.

Parlons un peu de ta carrière solo. La presse métal te présente comme un des plus grands guitaristes aux côtés de Ron Thal, de Guthrie Govan, de John Petrucci... Ne crains-tu pas d'être trop considéré comme un guitar-hero et pas assez comme un membre d'un groupe ?

Le côté guitar-hero est super, j'adore faire parti de la communauté guitar-hero, je suis fier qu'on mentionne mon nom avec ceux de Satriani, de Vai, de Petrucci, de Paul Gilbert ou autres. Ce sont des mecs énormes. C'est super et j'aime vraiment cette face mais il ne représente qu'une fraction de ce que je fais. Je ne vois pas ça comme un dilemme car Freak Kitchen a toujours été mon bébé, c'est comme mon bras droit. Nous avons un public conséquent avec Freak Kitchen, le public guitar-hero vient et regarde, mais tu as aussi le kid moyen qui n'est pas intéressé à la guitare et qui aime la musique. Je pense que ça marche dans les 2 sens. J'adore faire des workshops et donner des guitar clinics à travers le monde car ça me maintient en forme.

Tu as un style très personnel dans tes solos. Immédiatement, on reconnait le toucher et le style de solo de Mattias Ia Eklundh. Tes solos sont bien souvent bizarres, pas conventionnels. Es-tu un mec bizarre ?

Je pense que je suis un mec plutôt normal mais j'aime faire les choses à ma façon. Je vis dans les forêts suédoises avec mon fils, avec ma femme, avec mon chien français et mes 3 chats, nous avons une super maison. J'ai un studio, j'ai une forêt, j'ai un super endroit où je peux nager et un super salon avec 3 cheminées... J'aime être là bas pour recharger les batteries. C'est juste que j'aime entendre ce que j'ai dans la tête.

Tu as participé à un projet parallèle avec le bassiste Jonas Hellborg. Ce projet "Art Metal" est décrit comme du métal contemporain. Peux-tu nous en dire plus ?

Je pense que nous avons fait un album très courageux. "Art Metal" est un album avec 5 musiciens, et il sonne vraiment comme les choses sonnent dans la vraie vie, il est vraiment primitif et j'aime ça. Il y a beaucoup de groove et de structures indiennes. Un des meilleurs solos que je n'ai jamais écrits se trouve sur le morceau "The Three Princes Of Serendip", c'est un des meilleurs morceaux jamais composés, Jonas et Selvaganesh l'ont écrit. Ce solo est probablement mon ancien solo préféré, il a été fait en 2 prises et c'est un solo long. La partie finale de "Art Metal", quant à elle, est la chose la plus dure que j'ai enregistrée, c'est super dur à jouer. C'est un bon album, je l'aime beaucoup.

Aura t-on la chance de te voir sur scène en France avec Freak Kitchen pour la promotion de "Land of The Freaks" ? En tête d'affiche ou en première partie ?

Oui, en février, 7 concerts ! On démarre à Paris, puis Lyon, Bordeaux, Montpellier, Marseille... en tête d'affiche. Pour les premières parties, on prendra peut-être des groupes locaux, je ne sais pas encore.