Groupe:

Poutrasseau Music

Date:

03 Octobre 2025

Interviewer:

Didier

Crédit photo Élément Extérieur.

Interview Clément Mozzone

Salut Clem, peux-tu te présenter et nous expliquer la genèse de ton association Poutrasseau ainsi que sa mission ?

Salut Dider. Tout d'abord, je ne peux pas commencer sans te remercier pour ton temps et tes questions, ça a pris un peu de temps à se faire pour des raisons de planning bien surchargé pour moi ces derniers mois mais me voilà enfin, je te prie, une fois de plus de m'en excuser mais je voulais prendre le temps de faire les choses comme il se doit et de ne pas te répondre à la va vite. À la toute base on a créé l'asso il y a un peu moins d'une dizaine d'années pour accompagner le développement de nos groupes, il nous fallait une structure légale pour encadrer nos activités musicales. Rapidement le fait de faire jouer des groupes s'est présenté à nous de manière assez évidente. On est à la base un collectif de musicien·ne·s et de passionné·e·s bien actif.ve.s et au fur et à mesure du développement de nos projets on a rencontré de plus en plus de groupes qui souhaitaient jouer vers chez nous. Au moment où l'on a commencé on n'avait que très peu de contacts de salles où programmer donc on a commencé par faire ça dans la salle de répétition qu'on avait à l'époque, chez Jean-Louis qui a été un des tous premiers à croire en nous et à qui on pense très fort. Année après année, on a œuvré collectivement au développement du projet pour faire jouer des groupes qui nous plaisent, qu'on a envie de mettre en avant et rassembler un public toujours plus large de passionné.e.s autour de ça.

Dis-moi aussi d’où vient ce nom étrange ?

Le nom vient juste une blague autour d'une poutre, un concert qui te met une grosse claque, c'était aussi la manière la plus simple de définir le champ de notre programmation : Que faire jouer ? Tout ce qui poutre !

Es-tu un musicien toi-même ? Et quels sont tes artistes de références ?

Je joue dans Wormsand, il me semble que j'ai mis tellement de temps à te répondre qu'entre temps tu as eu l'occasion de nous voir sur scène ! Je me produis également en solo sous le nom de Clem, je t'écris d'ailleurs depuis le van de tournée où je participe actuellement à un tour qui passe par plusieurs pays d'Europe Centrale ainsi que par plusieurs endroits en France. Mes artistes de référence sont beaucoup trop nombreux pour être cités mais j'aime le rock d'une manière générale avec un faible pour le grunge (des années 90 ou plus actuel) et la scène fuzz (stoner/doom/sludge et apparentés), tout ce qui touche de près ou de loin aux musiques psychédéliques mais aussi du post hardcore, du shoegaze ou même du rap voire un peu de bossa nova quand l'envie me prend. Dernièrement j'essaie de m'ouvrir au post-punk alors que c'était pas vraiment mon style de prédilection. On va dire que les années passent et que j'essaie de voir plus large, de découvrir des choses différentes.

Alors, comment devient-on organisateur de concerts en France ?

Avec beaucoup de motivation, d'huile de coude mais surtout une équipe solide et soudée. C'est la force du collectif qui nous a permis de nous inscrire dans la durée. On est pas loin d'une vingtaine à bosser sur le projet à l'année. Pour les gros événements tels que le Mass Echoes Fest qu'on vient d'organiser on élargit notre équipe de bénévoles à plus d'une trentaine et on sait que le nombre va encore augmenter si le projet continue de se développer. À part ça c'est pas tellement compliqué administrativement, en y passant du temps tu finis par comprendre les différents mécanismes et t'y habituer. C'est comme dans n'importe quel domaine et c'est pas vraiment différent du fait de gérer une entreprise même si ça ne génère clairement pas de bénéfices !

Est-ce vraiment une galère ?

Pas à mon sens dans la mesure où on a choisi de développer notre projet sur le long terme sans se mettre de pression ni se fixer d'objectifs autre que celui de se développer et de faire grossir notre public tout en gardant à l'esprit qu'on a jamais eu pour objectif de gagner de l'argent avec ce projet. Au fil des années on a vu certaines fois des projets sortir d'un peu nulle part avec des prétentions importantes. Que les choses soient claires, on sera toujours enchantés de voir des gens prendre des initiatives et se mettre eux aussi à organiser des concerts mais on a l'impression que certains sont un peu déconnectés de la réalité, qu'ils n'ont pas conscience du fait que le milieu du rock/metal underground est un peu une exception économique, un milieu très DIY qui tient avec des bouts de ficelles de partout, beaucoup d'huile de coudes et surtout très peu de moyens.

Est-ce que dans notre région ça n’est pas encore plus compliqué, on entend souvent qu’il n’y a pas de public ?

On n'est clairement pas la région la plus portée sur les cultures alternatives, mais je pense que la question du public est une fausse excuse. Un public ça se construit sur le long terme, ça s'éduque. Quand on a créé l'asso il restait très peu de projets comme le nôtre qui proposaient une programmation variée et régulière, basée sur le modèle de saisons où il y a un concert toutes les 3-4 semaines et à mon sens c'est cette régularité qui donne au public l'habitude de sortir plus volontiers, l'envie de venir découvrir même des projets plus méconnus. Après sincèrement notre position a toujours été de partir du contexte tel qu'il est et de chercher à le faire évoluer plutôt que de s'en plaindre de manière stérile. On a toujours pensé qu'il valait mieux dépenser notre énergie en organisant des trucs comme on le pouvait, quitte à se planter, plutôt qu'en se lamentant sur le fait qu'il ne se passait pas assez de choses. En te trompant tu apprends, tu progresses. En ne faisant rien tu deviens juste aigri.

Quelle est pour toi la plus grosse difficulté dans cette noble activité ?

Je n'ai pas forcément envie de parler de difficultés à proprement parler, il y en a forcément et régulièrement mais il n'y a rien de nécessairement insurmontable. Par contre je pense que l'important est de rester curieux.ses et volontaires, de chercher à se renouveler. On essaie de ne pas proposer deux fois la même soirée, de varier les styles, de rassembler du monde autour d'une passion commune et il nous tient à cœur de la partager plutôt que de cultiver l'entre-soi. Ça me semble d'autant plus d'actualité dans le contexte politique et sociétal actuel. Si le temps de quelques soirées dans l'année on peut créer une petite bulle dans laquelle les gens quels qu'iels soient se sentent bien, à leur place et passent un bon moment alors on estime que le contrat est rempli.

J’ai remarqué que vous cassiez un peu le traditionnel modèle de la tête d’affiche et de ses groupes de première partie, puisque j’ai vu trois groupes lors de la soirée du 20 avril, tous ont eu le même temps, 45mn, et tous ont commencé à l’heure. J’ai trouvé ça très agréable en tant que membre du public.

En général on essaie quand même de proposer une tête d'affiche non locale à chaque soirée mais on veut aussi laisser de la place à des groupes plus récents ou locaux auxquels on a envie de donner de la visibilité et on fait surtout en sorte de bien recevoir tout le monde. Tu ne peux pas prendre la décision de faire jouer un groupe et l'envoyer au casse pipe derrière. La moindre des choses est d'accueillir tout le monde dans des conditions dignes, sans cela tu ne peux pas demander aux groupes en question de faire des prestations de qualité. On garde aussi à l'esprit le fait que tout le monde doit y trouver son compte, le groupe en tournée évidemment mais aussi le public qui est en droit d'avoir des attentes élevées et d'assister à un show de qualité. Pour ce qui est des groupes plus récents, locaux ou à la renommée moindre, on se dit aussi que lorsqu'on a commencé à jouer ça a été compliqué d'avoir accès à des structures de qualité pour se produire. On n'a pas la mémoire courte alors on cherche à rester attentif.ve.s aux projets qui se créent, à les accompagner et tout simplement à créer un contexte local plus favorable à l'expression et l'épanouissement artistique de chacun·e.

Comment choisissez-vous vos artistes pour monter vos soirées ? Avez-vous des styles de prédilection ?

On fonctionne globalement au coup de cœur en essayant de varier les styles à la fois d'une soirée à l'autre mais aussi au sein d'une même soirée (en gardant toutefois une cohérence entre les différents artistes). Le champ stylistique de ce qu'on fait est tout ce qui touche de près ou de loin au rock, dans un sens relativement large.

Travaillez-vous avec des artistes directement ou leur label, leur tourneur, leur promoteur ?

On bosse tout autant avec des artistes en direct qu'avec des tourneurs, on ne se fixe pas de contraintes à ce sujet, l'idée est comme je l'ai dit précédemment que chacun·e y trouve son compte.

Vous travaillez avec plusieurs salles du 06? Lesquelles ?

On travaille assez régulièrement avec l'Altherax mais prochainement on organisera aussi une soirée à la Zonmé en coprod avec nos ami.e.s de Minimum Rock'n Roll. Il y aura également une date en collaboration avec C'Picaud à Cannes et on organise aussi le Mass Echoes Fest au Col de Castillon avec le soutien de la municipalité de Castillon. De manière plus large, on est partant·e·s pour exercer nos activités dans toutes sortes d'endroits en cherchant de plus en plus à adapter les lieux à chaque concert au cas par cas.

Arrivez-vous à boucler vos budgets ? Quels sont les éléments qui le compose ?

Jusqu'à présent on n'a jamais dégagé de bénéfices avec l'asso et ce n'est de toute manière ni le but ni permis par la loi française. En revanche, on ne s'est jamais retrouvé en déficit et on a toujours réussi à boucler nos budgets. Les éléments qui le composent sont assez simples puisqu'il s'agit très majoritairement des entrées de concerts elles-mêmes. De ce fait, le meilleur moyen de nous soutenir est tout simplement de venir voir les concerts qu'on organise.

Comment travaillez-vous la promotion pour rameuter les troupes ?

On a une super équipe de bénévoles qui se concentre justement sur la com et la promo de nos dates. Cela se traduit par la réalisation des affiches et flyers, la création et promotion de contenu en ligne, la présence sur les réseaux mais également l'affichage dans la rue et les commerces spécialisés, le bouche à oreilles pendant et hors des dates.

Je trouve vos flyers très sympas, j’imagine que c’est fait maison ?

C'est le travail d'illustration d'Eva alias Chino qui a rejoint l'équipe il y a maintenant plusieurs mois et qui fait du super boulot mais également de Mathéa qui s'occupe de la mise en place de notre charte graphique.

J’ai vu que vous organisiez le Festival Mass Echoes fin août, tu peux nous en dire plus ?

Je te réponds après le fest du coup je peux te dire que le festival a été une immense réussite à tous les niveaux. C'est de loin le plus gros événement qu'on ait jamais organisé et nous avons rempli voire dépassé les objectifs que nous nous étions fixés, avons eu beaucoup de public et celà nous donne encore plus de motivation pour poursuivre sur notre dynamique et attaquer la suite de notre programmation remonté·e·s comme des pendules. Pour revenir sur le Fest, la tendance est clairement à la pérennisation du projet sur les prochaines années avec un élargissement de la jauge et une formule sur deux jours, on espère, dès l'an prochain.

Je crois que vous avez aussi déjà calé des dates. Peux-tu nous dévoiler le programme de vos concerts à venir ?

Le programme de l'automne est déjà en ligne. Dimanche 28 septembre a eu lieu une première soirée à l'Altherax où j'ai eu la chance d'ouvrir pour VANR et les Bordelais de TH da Freak.La prochaine date sera le 24 octobre à Cannes à C'Picaud où on proposera un plateau plus noise avec Toru, Yarostan et les excellents Buñuel avec Eugene Robinson (ex-Oxbow) au chant.On continuera à la Zonmé à Nice le 15 novembre avec Ki No, Sandcastle et les Romains de Fvzz Popvli avant de recevoir le 5 décembre Karaba FC dans un cadre plus intimiste (vous pouvez nous contacter en MP si vous êtes intéressé.e.s).Enfin nous clôturerons, comme à chaque fois, notre programmation annuelle par la bûche de Noël où cette année pas moins de 16 projets se produiront à l'Altherax sur deux jours les 19 et 20 décembre, c'est un peu notre cadeau de Noël à la super communauté qui suit ce qu'on fait depuis maintenant des années ! La programmation sera en ligne dès les prochaines semaines et vous pouvez nous faire confiance, on a, comme à notre habitude, prévu du très beau monde pour l'occasion !

Encore merci et à très bientôt je pense, je te laisse le mot de la fin pour nos lecteurs…

Merci à toi, c'est un plaisir de pouvoir prendre ce temps pour te répondre et avoir l'occasion de parler un peu en détail de notre projet. Avant de conclure je voudrais adresser un gros merci à tou·s·tes les ami·e·s qui ont, au fil des années, pris part à cette magnifique aventure Sans cette force de travail collective nous n'aurions jamais pu organiser autant de belles choses pendant aussi longtemps et je suis extrêmement fier de prendre part à ce projet en si belle compagnie !À l'attention des lecteurs, tout d'abord merci pour le temps passé à lire ce que j'avais à dire sur tous ces sujets. Ensuite, de manière plus large, j'encourage chaque personne à faire des projets. Osez y croire ! Gardez foi en vous et en ce que vous faites ! Vous vous planterez très probablement un paquet de fois mais vous apprendrez et progresserez et, qui sait, parmi tout ça vous aurez peut être la chance de voir émerger des projets magnifiques qui donneront même du sens à votre vie.

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