Groupe:

Howard

Date:

01 Décembre 2022

Interviewer:

Didier

Interview Howard

Salut les Howard, notre dernière interview date d’avril 2020, en pleine pandémie. Est-ce que votre trio a conservé son line-up ?

Salut Didier! Toujours le même line-up, oui. Et même plus soudé que jamais avec tous ces événements !

Toujours adeptes de FuzzRock ?

On ne se refait pas. Toujours beaucoup de fuzz dans le rock qu’on produit, bien qu’on se soit ouverts à pas mal de sonorités nouvelles et de métissages avec l’électronique ou d’autres courants. On essaie de ne pas se limiter.

Comment avez-vous passé cette période de COVID? Est-ce que vous avez mis à profit ce moment pour travailler sur ce deuxième album Event Horizon ?

On a vécu le premier confinement enfermés tous les trois dans une petite maison dans le Cotentin. On a donc bûché sans relâche au printemps 2020 pour développer le matériel d’Event Horizon. Puis, on s’est accommodés des temps morts que laissaient les couvre-feux et autres confinements partiels pour enregistrer soigneusement tout ça au studio Sextan.

Avant de revenir sur cet album, avez-vous réussi à tourner pour promouvoir le précédent Obstacle ? En France ? A l’étranger ?

On a, certes, été privés d’une jolie tournée de promo avec quelques premières parties de Kadavar, de Klone à la Maroquinerie et une petite virée en Suisse mais les morceaux de l’album avaient jusqu’ici bien tourné en live et on ne ressent pas de frustration de ce côté. Par la suite, on a été attentifs au redémarrage progressif des concerts et aux modalités de live. Que ce soient les livestreams, les concerts assis, couchés, en deux sets pour s’accorder aux jauges revues à la baisse : on a joué le jeu mais on est bien contents que le ciel s’éclaircisse un peu pour 2023.

Avez-vous participé à des festivals cet été ?

On est accompagnés par le tourneur Epic Tour depuis quelques semaines et on travaille ensemble pour jouer le plus possible l’année prochaine. Jusque-là, on se débrouillait seuls mais on a parfois cette impression de plafond de verre et de réseaux qui restent inaccessibles tant que l’on n’est pas davantage entouré. C’est un peu le cas pour les festivals. Pour autant, on s’en est fait quelques-uns dans le quart Nord-Ouest! Notamment le Macumba Open Air Festival entre Rennes, Nantes et Angers. De super souvenirs! On espère s’en faire plein d’autres en 2023. C’est vraiment beau de voir sa musique reçue par un public de festival.

Est-ce que vous arrivez à retransmettre le son Howard sur scène à vous trois ? Ou faites-vous appel à quelques samples ou des musiciens en plus ?

Pour nous, le “son Howard”, c’est ce qui se passe en live, avec l’énergie, la communion et les moments suspendus. Au moment de l’EP (2018) et d’Obstacle (2020), on tentait de dompter le studio Sextan, son ambiance, ses bonnes pratiques, etc. On enregistrait les instruments un par un et on cherchait un résultat propre et conforme à nos envies d’alors. On a vraiment du bol que notre ingé son Arthur Gouret bosse à Sextan. Grâce à lui, on a pu tranquillement se familiariser, chasser les complexes et envisager l’endroit comme un outil. Mieux, considérer l’enregistrement comme un moment et pas une étape. On a pris beaucoup de plaisir à enregistrer Event Horizon car on avait le luxe de pouvoir prendre notre temps, de façonner et de produire les morceaux à notre rythme, avec pour seul objectif que ça nous plaise, sans nécessairement penser au portage sur scène. On ne se le serait jamais permis au temps d’Obstacle. Raph joue de la guitare basse, du synthé basse et de l’orgue en même temps sur un titre ? Pas de problème, on va voir comment agencer ça en live, tous les trois, en se faisant confiance. C’est presque même grisant de donner une nouvelle vie à ses morceaux en les réinterprétant.

Avant d’attaquer le son, parlez-nous de la pochette ?

Sur la pochette, on voulait faire cohabiter de la technologie, du câble, des choses un peu geek dans ce goût là mais aussi une sensation vintage qui brouille un peu les pistes et laisse dans un flou anachronique. C’est JM qui a mis la main sur de vieux relais téléphoniques qui traînaient chez ses parents en Normandie. L’objet nous plaisait beaucoup, il l’a donc mitraillé sous tous les angles et appliqué deux symétries axiales coup pour coup. Paf, ça a donné cette pochette psychédélique qui cochait toutes les cases et dans laquelle on aime beaucoup se perdre.

Dans le digital on peut lire: “Time to slow down or we’ll cross the event horizon”. Expliquez-nous ça, puisque ça semble être à l’origine du titre de l’album.

Ce sont des extraits de paroles du morceau éponyme Event Horizon. Ils résument le message de l’album : on crame tout autour de nous dans notre course consumériste. Il est grand temps de lever le pied. Notre génération a toujours entendu l’alarme sonner : c’est quelque chose qu’on a intériorisé et qui a pris une résonance toute particulière pendant le premier confinement. On n'a même pas l’impression de se sentir porteurs d’un message fort, à vrai dire, c’est quelque chose qui nous paraît évident.

Alors côté son, je lis que Raphaël joue du Thérémine, on en avait parlé dans l’interview précédente mais je n’ai pas entendu sur quel morceau.

Sur cet album, tu en as sur Bankable Sermon, il fait un long rise up sur le pont et il double également quelques “ouhous” sur The Way. En live, on en a maintenant deux géants de deux mètres de haut qui bordent chaque côté de la scène et qui s’illuminent. Oui oui ! C’est avec notre pote Maxime fabricant d’amplis et de pedalboards Heavy Seas, qu’on s’est lancés dans ce projet de scéno qui a fait son premier concert au moment de notre première partie d’Ayron Jones le 18 novembre dernier. Ça, on en n’est pas peu fiers. On utilise également le Theremine comme contrôleur d’effets. Par exemple JM contrôle en live la wha wha de sa guitare avec.

Je vois plus de mention de Lap Steel, par contre Tom joue du Glockenspiel et de la flûte. Étonnant, expliquez-nous ça ?

On se fait confiance et on se laisse la possibilité de se surprendre. S’il y avait eu une balalaïka au studio et qu’on avait senti le besoin de faire passer un accord dans une boucle d’effets, on aurait essayé. Parfois on recherche un timbre, une texture particulière pour un passage, tous les moyens sont bons pour y parvenir ! On voulait explorer de nouvelles sonorités, ne pas s’emprisonner dans le stoner 70s qui est l’étiquette la plus courante qu’on nous colle et surtout, se faire plaisir.

Vous indiquez aussi que les textes sont aussi une affaire de groupe. Quels sont vos thèmes pour les textes ?

On a travaillé différemment sur Event Horizon de ce qu’on avait fait sur Obstacle. Avant, les textes étaient surtout écrits par JM, puis validés par le groupe. Là, on s’est d’abord mis d’accord ensemble sur un thème pour chaque titre, puis JM proposait des ébauches et on retouchait ensemble. Comme on te disait à propos du “Time to slow down”, l’idée générale de l’album est tournée vers la fuite en avant que notre société vit en ce moment, qu’on développe surtout dans “Need Want Get” et son consumérisme effréné, “Bankable Sermon” et ses arnaqueurs 2.0, ou encore “Event Horizon” qui donne son nom à l’album, mais on en reparlera plus tard. On garde toujours l’idée d’un point de vue interne, plongé dans le ressenti d’un narrateur qui nous parle sans tabou. C’est parfois l’un d’entre nous qui parle à travers lui, parfois on incarne un personnage pour appuyer le thème du morceau.

Comment avez-vous travaillé pour la composition de cet album ?

Comme on a passé 90% du confinement dans la même pièce à faire de la musique pendant le premier confinement, on a enfin pu bosser de manière collégiale. Si jusqu’ici l’un de nous arrivait avec une idée et les autres tricotaient autour, cette fois, on a tous les trois participé à chaque morceau de l’amorce jusqu’au saupoudrage en ne se fermant aucune porte. Need Want Get était très différente et beaucoup plus anxiogène à l’origine. On ne vous parle même pas des versions primitives d’Event Horizon ou du mix entre une jam électronique et un plan très blues de JM qui ont donné naissance à Seeds of Love…

Qu’avez-vous appris du premier album, qui vous a fait évoluer pour celui-ci ?

Ne rien sortir un vendredi 13. Plus sérieusement, se faire confiance et ne pas avoir peur de passer du temps à faire les choses quand cela est nécessaire.

Je trouve la production fantastique, comment avez-vous obtenu ce résultat ?

Merci beaucoup ! Avec le temps, on a compris que ce qui était important c’est la prise, tant au niveau de la musique que du son. On ne se dit jamais “on verra au mix” ou “le master améliorera ça” car ce n’est pas vrai. Beaucoup de groupes pensent qu’en prenant un D.A. qui a bossé pour Céline Dion, en faisant mixer aux US avec un ingé son septuple fois disque d’or et qu’en faisant masteriser en Angleterre pour avoir un son plus “Brighton” ils auront la prod’ ultime. Malheureusement parfois, même avec tout ça, le résultat n’est pas au rendez-vous car la compo est bancale ou l’enregistrement est de mauvaise qualité. On forme maintenant une bonne équipe avec Arthur Gouret, notre ingé son studio et live. Il connaît le groupe par cœur, il sait où on veut aller et il n’hésite pas à proposer des choses. On se dit tous les quatre ce qui va, ce qui ne va pas, toujours avec bienveillance mais sans laisser passer les doutes ni les erreurs. On essaye de remettre en questions les préjugés de son (et il y en a un paquet), on fait des tests comparatifs anti-psycho-acoustique et dès qu’il y a une proposition ou un doute, on met ça en musique pour pouvoir trancher avec le résultat sonore réel, pas avec une idée de ce que ça pourrait rendre si on le faisait. Arthur forme également un bon duo avec Quentin Fleury qui a masterisé le disque. Ils se font des aller-retours pour avoir ce qu’ils veulent tous les deux et on est toujours très agréablement surpris du rendu final. Aussi, le studio est très bien équipé, le parc micro est excellent, il y a du vintage, du moderne, les conditions acoustiques avec la grande salle et les deux cabines insonorisées nous permettent d’enregistrer toutes les rythmiques en même temps (batterie + basse + guitare + orgue) et sans repisse en mettant les amplis dans des pièces séparées. On peut avoir la communion du jeu ensemble et la propreté sonore de l’enregistrement séparé, ça c’est le grand luxe ! Arthur connaît parfaitement tout le matériel, et on commence à en connaître une partie aussi, ça permet de proposer des choses. Pareil pour les instruments, on connaît parfaitement les nôtres et les autres les connaissent un peu aussi, ça permet de faire en sorte que des idées de guitare viennent du batteur, des idées de synthé de l’ingé son, etc. Comme le studio est partenaire du groupe, on peut y passer du temps en se calant dans les trous de planning. Au final c’est le nerf de la guerre, ça permet de ne rien presser, de revenir pour finir avec des oreilles neuves, etc. C’est une chance énorme que l’on a là.

Le son de l’orgue Hammond de Raphaël est monstrueux. Quel est son secret ?

Il n’y a pas de secret particulier, c’est un orgue avec un overdrive et une cabine leslie. Parfois, il y a quelques effets en plus comme le delay auto-oscillant sur Need Want Get ou une très grosse réverbe sur Telescope. Il est enregistré avec des Wunder CM7 en haut, un M88 en bas pour les connaisseurs. Il a souvent des parties musicales bien mises en avant mais autrement, on fait très attention à chaque fois qu’il est mélangé à la guitare pour qu’on entende bien distinctement les deux ou que ça fasse bien un mur de son, suivant les passages. Ça se travaille en répète mais il nous arrive régulièrement de modifier ça à la prise car parfois, on change d’octave nos parties, on simplifie ou on rajoute des notes pour ajuster en fonction du rendu que l’on a en control room.

Est-il toujours en charge de la basse en main gauche ? C’est vrai que par moment ça sonne vraiment comme une vraie guitare basse électrique, dans Event Horizon par exemple.

Ah bonne question ! Cette fois c’est vrai, il y a de la “vraie” basse dans cet album : Bankable Sermon, I Hear A Sound, Neet Want Get en ont. Synthé basse sur les quatre autres par contre, même dans Event Horizon.

Votre morceau Seeds of Love, qui, je précise n’a rien à voir avec Tears for Fears, semble rapporter une expérience vécue, je me trompe ?

Eh oui ! Ce morceau parle des relations qu’on a pu vivre au cours des années, et de leur développement au long cours : la passion du début, les flammes qu’il faut parfois savoir entretenir, les épreuves traversées ensemble… En somme, les petites et grandes choses qui construisent une relation épanouie dans la durée. C’est un message d’espoir avant tout ! Tout peut s’effondrer si rapidement, alors autant faire en sorte que les moments partagés soient les meilleurs possible.

Need Want Get, semble s’attaquer au problème du consumérisme et de l’éternel insatisfaction des consommateurs. Vous pouvez nous en dire un mot ?

C’est l’idée derrière ce morceau en effet. Il n’y avait pas beaucoup de circulation dans notre retraite normande du premier confinement mais on l’a vue passer, la fourgonnette du transporteur qui acheminait des colis un peu partout, toute la journée! Honnêtement, on ne s’est pas privés non plus mais force était de constater ce gros repli matérialiste quand tout le monde était reclus chez soi. Ce morceau traite de satisfaction immédiate, de jugement qui s’altère face aux sirènes de ces injonctions monosyllabiques implacables “Need”, “Want”, “Get”.

J’adore Telescope et son petit gimmick d’orgue, l’ambiance est clairement Deep Purple-iène, expliquez-nous la genèse de ce morceau.

Il est issu d’une jam qu’on avait lancée juste avant le confinement. Il avait ce côté bien binaire qu’on retrouve par exemple dans Architect ou Quicklime avec cette alternance de calme et de rage. La partie de Raph est hypnotisante et apporte de l’air, on aime beaucoup ce morceau tous les trois et ce qu’il raconte s’est vraiment imposé à nous. L’idée qu’on cherche souvent des solutions lointaines et des “ailleurs” au détriment de ce qui se passe directement autour de nous.

Vous cultivez un petit côté rock psychédélique, il ressort plus ou moins, mais sur I Hear a Sound, Heedless ou même Event Horizon, c’est flagrant. Sur la pochette, un peu aussi. D’où vous vient cette influence ?

C’est quelque chose qu’on a tous les trois et qui nous a beaucoup nourri. On a l’impression que ce penchant s’exprime dès qu’il y a une brèche ou un interstice.

L’excellent morceau Event Horizon, qui clôt l’album lui donne aussi son titre, pourquoi celui-là en particulier ? On y capte une certaine urgence, qui me semble en rapport avec l’urgence climatique qui devrait nous secouer aujourd’hui.

Climatique oui, mais pas seulement. C’est plus ce mouvement général de fuite vers l’avant aussi bien matériel que philosophique. On arrive difficilement à un point de satisfaction aujourd’hui et on se rend compte après coup que tout l’album est traversé par cette frénésie. Des morceaux plus tendus, un peu plus rapides qu’auparavant.

C’est aussi le plus long de l’album avec 7mn35 au compteur, c’est votre petit côté progressif ? Je dis ça parce que la guitare sur le couplet me rappelle un peu Riverside, le groupe de prog polonais.

Avec l’orgue et notre tendresse pour les 70s, c’est vrai qu’on ne peut pas cacher une petite affection collective pour le rock progressif et sa richesse. Après, ce n’est pas ce qui ressort généralement de nos compos. C’est marrant que tu parles de Riverside, on ne connaissait pas et on nous a sorti cette comparaison cet été en tournée pas loin d’Angers.

Ça risque d’être une vraie tuerie en live ce morceau, avec ce break et cette reprise atomique. On a hâte de voir ça.

Le titre arrive à la fin du set oui, on essaie d’ailleurs de retranscrire le break du milieu en concert avec Tom qui se balade dans le public avec sa flûte pendant que ça bricole des sonorités étranges sur scène. On a eu le grand plaisir de créer un wall of death cet été au moment de la “reprise atomique” dont tu parles au Macumba Open Air Festival. Il y a quelques vidéos qui doivent traîner sur facebook. C’était fou!!

Allez-vous partir en tournée pour promouvoir ce nouvel album ? Des dates en perspectives ?

On a tout récemment rejoint les rangs d’Epic Tour et on travaille en effet à faire de 2023 une année pleine d’Howard! On vous en dira sûrement plus dans les mois à venir.

D’autres plans concernant Howard pour les mois qui viennent ?

Pour l’instant, on se concentre sur la prochaine échéance : le vendredi 6 janvier 2023. Il s’agit de notre release party à Paris au Backstage By The Mill. On prévoit un beau set spécial et on aura le plaisir de partager le plateau avec nos amis rennais de Djinn (oriental prog rock), ça va être chouette et la billetterie est ouverte. https://bit.ly/howard-release-party-eh-billetterie

Merci pour votre temps, je vous laisse le mot de la fin pour nos lecteurs

Merci à toi Didier, Aux Portes du Metal et à toutes les personnes qui te lisent! Soutenez les assos et les groupes émergents en allant à leurs concerts, il y a une belle relève qui se prépare mais elle a besoin de vous pour exister!

Venez donc discuter de cette interview sur notre forum !