Artiste/Groupe:

Metallica

CD:

72 Seasons

Date de sortie:

Avril 2023

Label:

Blackened Recordings

Style:

Heavy rock

Chroniqueur:

Ignatius / Bane

Note Ignatius:

16/20

Note Bane:

16.5/20

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Le monde est plein de génies ignorés ! Des gens pourtant doués, surdoués même. Des gens qui savent ! Depuis quelques semaines ils commentent, “Lars Ulrich est nul”, “la prod manque de ci ou il y a trop de ça”, “la voix de James est auto-tunée”, “Kirk Hammet reste trop sur la pentatonique”, “l’album est trop long”, “les morceaux sont trop longs”, “le chant arrive beaucoup trop tard après le début du morceau”, etc, etc. Du haut de leur savoir, ils remanient donc l’album sur leur petit ordinateur, le remodèlent en version plus courte, ils éditent les morceaux afin que ceux-ci soient plus écoutables et recomposent les solos de l’album devant leur webcam, version virtuose de chambre. Et alors je me dis, quel dommage ! Quel dommage quand je vois que Metallica, dont les membres ne savent pas, eux, parvient à vendre près de 150 Millions de disques et remplit des stades dans le monde entier depuis des décennies, quel dommage donc que ces sachants du net ne sortent pas de leur chambre pour nous faire profiter de cette science innée de la musicalité, de la production, du son, de cette insolente maîtrise de l’harmonie, de cette technique instrumentale absolument exceptionnelle dont ils sont naturellement doués. Pourquoi donc ceux qui savent ne sont jamais ceux qui font ? Bref, pendant qu’ils commentent, le cul vissé devant cette webcam dont ils attendent qu’elle leur apporte quelques instants d’une gloire toute aussi éphémère qu’inconsistante et à jamais virtuelle, Metallica continue à écrire l’histoire, la vraie, palpable, à tracer cette route glorieuse qu’il a lui-même ouvert en 1983 depuis un petit garage d’El Cerrito. 

72 Seasons, les 18 premières années d’une vie. C’est de cela que parle ce nouvel opus, de cette jeunesse perdue, des erreurs que l’on paie, ou corrige, toute sa vie, des regrets qui vont avec, de l’innocence d’avant et des goûts que l’on développe durant l’adolescence, ces goûts qui forgeront une personnalité et marqueront jusqu’au dernier souffle. 72 Seasons, drapé, dans ce jaune solaire et lumineux, comme l’explique James Hetfield, raconte tout ça et c’est ce qui lui donne cette vitalité inattendue, cette énergie presque juvénile. Pour la première fois depuis longtemps, Metallica fonctionne et sonne comme un groupe, comme un collectif solide qui célèbre cette vie-là en rendant hommage à ses amours d’antan. Diamond Head, Motorhead, Thin Lizzy, Misfits mais surtout Black Sabbath dont l’ombre immense plane sur tout l’album. Il y a tout ça sur ce disque généreux qui renferme son lot de gros riffs bien velus, aiguisés façon Hetfield comme celui, tendu, de Chasing Light (et son étonnant refrain presque Halfordien).
Comme l’était le (finalement) sous-estimé Load, 72 Seasons est un album de rock, oui du rock, qui groove sévèrement, du rock bien heavy (la lourdeur délicieusement abusée du pénétrant You Must Burn), flirtant parfois avec le stoner (l’auguste Inamorata qui clôture magnifiquement l’album du haut de ses onze minutes aussi audacieuses que grisantes), s’acoquinant même avec le grunge sur Crown Of Barbed Wire et son refrain typique du son de Seatle.

Oui 72 Seasons est long, mais Metallica a toujours enregistré de longs albums, depuis 1988 ils dépassent tous les soixante minutes. Oui les morceaux s’étendent parfois plus que de raison et se développent progressivement mais c’est aussi une vieille habitude pour le groupe, une marque de fabrique même : No Remorse, And Justice For All, Seek And Destroy, Harvester Of Sorrow et tant d’autres prenaient aussi leur temps avant d’entrer dans le vif du sujet. “Oui mais les riffs étaient plus inspirés avant, ouin ouin”. Sérieusement ? Seek And Destroy” ? Allez..

Je ne m’éterniserai pas sur le niveau de Lars Ulrich, qui n’est pas Jamie Saint Merat mais qui fait le taff sur cet album, en symbiose parfaite avec le riffing d’Hetfield. Trujillo à qui revient l’honneur d’ouvrir l’album, est plus présent que jamais, dans le mix mais aussi dans les compos allant jusqu’à pousser la chansonnette sur le refrain de 72 Seasons. Même  Kirk Hammet s’amuse sur l’ensemble des compos en lâchant des solos rock n’roll, dépouillés, pas dingues techniquement mais bourrés d’énergie. Cette énergie encore et encore, qui anime les brûlots Lux Aeterna, Screaming Suicide, Too Far Gone, compositions courtes et nerveuses faisant directement écho à Kill’Em All, la boucle est bouclée. Impossible de ne pas évoquer la performance de James Hetfield qui se livre comme jamais, absolument impeccable, créatif et audacieux dans ses lignes de chant toujours efficaces, souvent marquantes et fédératrices.

Alors coup de coeur pour un nouveau Metallica en 2023 est-ce bien sérieux ? Et bien oui, d’une parce que l’album, à ma grande surprise, tourne en boucle depuis son achat, mais aussi parce que dans mes 72 Seasons à moi il y a eu Metallica et que ma vie aurait été différente sans eux, je ne serai certainement pas en train d’écrire cette chronique en ce moment et je n’aurai probablement jamais fait la connaissance d’autres compagnons de jeunesse comme Death, Slayer ou Morbid Angel. Coup de coeur donc parce que ce Metallica-là se fait plaisir, parce que ça s’entend et que c’est communicatif. Madeleine de Proust ? Peut-être. Bon album ? Assurément !


Metallica est de retour, enfin. Qu’on le veuille ou non, qu’on les aime ou non, c’est un évènement. Dans notre sphère metal, mais dans la musique en général, Metallica dépassant largement les frontières de notre belle musique -ce qui suffit comme argument à certains pour les vomir. Mais qu’importe ceux-là, un nouvel album arrive et tout le monde en parle, il faut absolument avoir un avis et être le premier à le donner, quitte à parler pour ne rien dire sans avoir d’avis du tout, juste pour gueuler à qui veut bien l’entendre "ah ouais, Metallicaca, eh, c’est d’la m*rde, je l’écouterai même pas".

Sauf que non, fieffé troll fripon, Metallica, c’est pas d’la m*erde. Allez, plantons le décor tout de suite : Metallica est -avec en gros Led Zeppelin et Motörhead- rien de moins que mon groupe préféré. Pas pour Load, bien sûr. Rooo, allez, d’accord, je développe vite fait, histoire que mes chers amis lecteurs sachent qui rédige ce papier. Ceux qui s’en foutent peuvent donc allègrement zapper le prochain paragraphe.

Faisons vite : Kill’Em All est un classique bourré de trucs très cools, Master et Justice sont deux incontournables du genre qui valent 5/5 sans aucun problème, le Black Album commence en fanfare mais me branche un peu moins sur sa deuxième moitié, le Live Shit est le meilleur live de toute l’histoire du metal, Load et Reload pourraient se compiler en un disque franchement correct mais pour faire cette compilation il faudrait me les fader et c’est pas franchement le truc qui me réjouirait le plus sur terre, St Anger a pas mal de défauts mais je l’aime bien quand même, Death Magnetic est un album malhonnête, opportuniste, avec un son exécrable mais je sauve quelques titres et le dernier en date est plus honnête, mieux produit mais franchement un peu chiant. En ce qui concerne Ride, c’est tout simplement mon album préféré de l’histoire, parfait de bout en bout, à 6/5 dans mon cœur, même que Fade to Black sera jouée pendant mon enterrement. Je t’aime, tellement, disque. Et Lulu, alors ? Ta gu*ule. Je rajouterais que James Hetfield est une sorte de divinité à mes yeux -avec Lemmy- et que même si Lars est une tête de con, je l’aime bien. M’enfin, sur scène, faudrait qu’il bosse un peu.

Revenons donc à 72 Seasons et à son annonce, que j’ai trouvé franchement impeccable. On savait que le groupe traînait en studio, on sentait que ça allait sûrement sortir courant 2023, mais c’est à peu près tout. Et là, un lundi soir, paf : annonce, album, tournée, chanson, sans prévenir, sans crier gare. Ça, j’aime. Lux Æterna, donc, un premier single franchement réjouissant, très old-school donc très Diamond Head. Sauf qu’on ne me la fait pas, à moi : ils nous avaient déjà fait le coup en annonçant Hardwired avec le morceau-titre, un p’tit titre thrashouille, pour finalement nous livrer un album interminable et pas thrash pour un sou. Méfiance, donc. Et cette pochette, franchement... Si j’aime bien l’idée et l’illustration, je ne peux que vomir devant cette espèce de jaune fluo tout crado. Il n’aura cela dit suffit que d’un deuxième single, le très chouette Screaming Suicide -avec d’excellentes paroles-, pour que je me mette à attendre l’album avec une impatience mesurée mais non feinte.

Petite -grosse- frayeur cependant à la sortie de l’infecte If Darkness Had A Son, qui m’aura pas mal inquiété : une intro interminable et sacrément chiante, des couplets pas inspirés et un refrain franchement pas au niveau. Mince, on allait se coltiner un Hardwired 2, Almighty James m’a trahi, je ne serai plus jamais heureux avec Metallica. Ouais, je dramatise pas mal quand un single pourri sort... Heureusement, ils auront vite fait de me rattraper deux semaines avant la sortie de l’album, avec le morceau-titre qui m’a bien botté. Nous voilà donc ce fameux vendredi 14 avril, il est minuit et l’album vient d’apparaître sur nos plateformes préférées. Bon, je ne commence pas le taf si tôt que ça, je peux me permettre d’écouter tout ça avant d’aller me coucher. J’enfile donc le casque, prêt à faire pleins de vannes sur l’album et préparé mentalement à être déçu, quel défaitiste je fais.

Ellipse : il est 17h, je viens de finir de travailler et je me rends à la Fnac du coin, me délester de quelques deniers pour acheter 72 Seasons. Ellipse 2 : nous sommes aujourd’hui, j’ai écouté ce CD un bon paquet de fois et je peux enfin vous le dire : j’ai adoré cet album. Franchement, je n’y croyais pas. Ça fait quand même depuis 1988 que Metallica n’a pas sorti un album que j’ai adoré. J’en ai apprécié certains -je vous renvoie au troisième paragraphe de cette trop longue chronique- mais je n’avais pas adoré depuis Justice, c’est dire.

Alors non, ça n’est pas tout rose, faut pas déconner. Sinon je me serais emballé comme un zinzin, j’aurais collé un 18 à l’album. En effet, 72 Seasons est bien trop long pour son propre bien. Douze titres pour une heure dix-sept (!), c’est beaucoup trop. Si la tentation de supprimer Darkness et Crown of Barbed Wire -refrain qui m’insupporte assez, faut le dire- de l’équation est assez grande, je pense qu’il aurait juste fallu que le producteur leur dise que mettre une intro un peu ronflante d’une minute au début de chaque titre ou presque et une outro qui répète le riff jusqu’à plus soif est une idée fondamentalement foireuse. M’enfin, pour ça, faudrait que Metallica bosse avec un producteur, un vrai. Si, sur le papier, je n’ai rien contre Greg Fidelman -son CV parle pour lui de toute façon-, je suis forcé de constater qu’il porte un peu trop bien son nom, n’imposant absolument rien au groupe et acceptant tout ce qu’ils font (je recommande le making-of d’Hardwired, dispo sur youtube, vous verrez que c’est flagrant). Bref, tout ça est un poil long et aurait gagné à être un peu plus ramassé.

Je vous arrête tout de suite : Metallica ne fait plus de thrash depuis longtemps. L’on serait même tentés de dire qu’ils ne font plus vraiment de metal, mais un genre de heavy rock, un peu lourd, un peu stoner sur les bords. Ce qui n’est pas une raison valable de les détester, le seul critère pour cela étant la qualité de la musique produite. Et sur ce point, honnêtement, difficile de bouder son plaisir : 72 Season est un très chouette disque, plus varié qu’il n’y paraît, avec pas mal de bonnes idées, de très bons riffs, des refrains accrocheurs et même, si si je vous jure, des soli tout à fait respectables ! Oui oui, Kirk Hammet a bossé, je sais, c’est fou. Lars, un peu moins : s’il est, comme toujours, co-compositeur de tout, on n’a rien de bien intéressant à se mettre sous la dent du côté de la batterie. Il joue toujours pareil, convaincant mais pas merveilleux.

C’est surtout du côté de Trujilo et, sans blague, de James que ça devient vraiment intéressant. Le premier, crédité à la compo de trois titres, se voit enfin bien servi par le mix de l’album. On l’entend enfin bien et il se permet même pas mal d’incartades particulièrement agréables : l’intro de Sleepwalk, la fin de You Must Burn!, ce joli interlude dans Inamorata... Quel plaisir ! Quant à James, rien à redire, il est parfait. Il a des riffs qui tuent, il a des super refrains, il a remis un peu de rage dans sa voix, il chante impeccablement bien et il nous a encore écrit des paroles au poil, souvent tristounes et touchantes. On sent que notre super-héros a traversé une période pas super jouasse et que cet album lui sert un peu d’exorcisme pour ses démons. Je note par exemple les paroles de Room of Mirrors -mon titre préféré du disque, au passage-, très intimistes. En plus, le groupe a eu la riche idée de proposer des "lyrics videos" de tout l’album, en traduisant notamment les paroles dans la langue de Jacques Chirac.

Un autre des gros points forts de l’album, en ce qui me concerne, c’est son organisation. C’était un des énormes points faibles de l’album précédent, qui enchaînait les titres lourdingues, ce qui faisait qu’on s’ennuyait ferme assez rapidement. On n’a pas ce problème ici. Exemple : Lux Æterna, la speederie du disque, est stratégiquement placée entre Burn et Crown, deux titres au tempo plus lent, plus lourd, plus écrasant. Autre exemple : la longue et chiante Darkness précède Too Far Gone et Room of Mirrors, deux titres plus courts et plus véloces. Bien vu, tout ça ! Et finir sur Inamorata, gros pavé de 11 minutes (!), qui pompe même un riff de Lenny Kravitz (une fois que vous l’avez remarqué, vous n’entendez plus que ça), c’est malin. À noter que cette dernière, très réussie, se paye le luxe de paraître moins longue que certains titres de 6/7 minutes qu’on trouve avant...

Mais trêves de palabres, concluons. 72 Seasons, je l’ai dit, est un très bon disque de Metallica. S’il n’est pas exempt de défaut, si je ne lui ai pas mis la meilleure note possible, je me permets quand même de lui coller la plus provocatrice que jamais mention "coup de cœur’, qui n’aura jamais été aussi subjective. Non, 72 Seasons n’est pas parfait, non, il n’est pas au niveau d’un Master of Puppets. Bien sûr que non. Sauf que voilà : j’adore ce disque, il tourne en boucle depuis sa sortie et ça ne m’était pas arrivé avec un album de la bande à Jaimz depuis un sacré bail... Si vous ne l’avez pas encore écouté, je vous invite donc à le faire, vous pourriez bien être surpris ! En plus, le groupe a sorti un clip/animation pour chaque titre sur sa chaîne youtube donc même si les chansons vous ennuient un peu, vous aurez quelque chose à voir. Bravo, messieurs !

Tracklist de 72 Seasons :

01. 72 Seasons
02. Shadows Follow
03. Screaming Suicide
04. Sleepwalk My Life Away
05. You Must Burn!
06. Lux Æterna
07. Crown Of Barbed Wire
08. Chasing Light
09. If Darkness Had A Son
10. Too Far Gone
11. Room Of Mirrors
12. Inamorata

 

 

 

 

 

 

 

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