Artiste/Groupe:

Dream Theater

CD:

A View From The Top Of The World

Date de sortie:

Octobre 2021

Label:

Inside Out Music

Style:

Metal Progressif

Chroniqueur:

Blaster Of Muppets

Note:

15.5/20

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Dream Theater est une institution. On ne présente plus ce groupe de metal progressif qui a largement contribué à (pour ne pas dire initier) de nombreux changements dans la décennie des 90s. Comme à peu près n’importe quel groupe ayant plus de trente ans de carrière à son actif, la formation américaine n’a pas toujours réussi à contenter tous ses fans. C’est comme une relation amoureuse : les premiers temps sont euphoriques, il y a la découverte, les surprises, une belle période pendant laquelle les musiciens ne sortent jamais deux fois le même disque, évoluant sans cesse... Et puis, forcément, au bout d’un certain temps, la complicité, du confort mais aussi une certaine routine qui s’installe et les surprises se font de plus en plus rares. On ne peut pas trop leur en vouloir, c’est un processus naturel. On leur en voudra d’autant moins que, lorsque de façon assez exceptionnelle, Dream Theater a récemment voulu innover, ça n’a pas forcément donné leur album le plus réussi (ou apprécié)... je fais évidemment référence au (plus ou moins) fameux The Astonishing. Tout cela pour vous dire quoi ? Qu’il ne faut pas attendre de grande surprises de la part de ce quinzième album studio des géants du metal progressif. A View From The Top Of The World reprend des ingrédients bien connus et remplit consciencieusement le cahier des charges d’un disque de DT. Point de bouleversement à l’horizon, vous vous en rendrez vite compte, on navigue dans des eaux familières. Cela dit, le quintet confirme sa bonne forme, déjà retrouvée avec le convaincant - sans être incontournable - Distance Over Time paru en 2019.

Quels petits changements ou quelle évolution nous réserve AVFTTOTW (vous me pardonnerez cette abréviation) ? Un recours plus systématique à des morceaux longs. Alors que Distance Over Time offrait dix pistes pour une durée d’une heure, nous avons cette fois un disque comprenant sept compos pour une durée totale de soixante-dix minutes. La bête est encore une fois produite par John Petrucci lui-même, accompagné de Jimmy T Meslin... mais surtout d’un certain Andy Sneap (qu’on ne présente plus) au mixage et mastering. Et ça se sent. On avait déjà pu apprécier les progrès en terme de production sur l’opus précédent (avec notamment la batterie de Mangini qui sonnait enfin de manière correcte) et c’est encore plus flagrant aujourd’hui, le son est impeccable. C’est sans hésitation l’album de DT le mieux produit depuis un bon moment. Autre petite info pour terminer cette intro : pas de ballade sucrée ou déprimante ni de compo instrumentale à déclarer ici. Et le propos se veut généralement assez heavy. Voilà, passons aux détails !

Dès The Alien, la première piste, le groupe semble déterminé à nous prouver qu’il est en très grande forme. Beaucoup d’énergie, une succession de riffs complexes, un son qui tabasse... ça tire dans tous les sens tout en restant d’une précision remarquable. Ce n’est pas en 2021 qu’on devrait s’extasier sur une telle maestria de la part de ce groupe qui nous en a fait voir d’autres depuis ses débuts et pourtant, je suis encore impressionné. C’est surtout le Mike Mangini show ! Le batteur se lâche et comme, en plus, il n’a jamais aussi bien sonné sur un disque de DT, c’est un régal ! L’attaque du quintet est bien sombre et heavy, plus vigoureuse que les morceaux d’ouverture d’autres albums récents et on déguste... avec un petit bémol : les lignes de chant de LaBrie sont sympas mais pas spécialement remarquables. Alors que certains leads de Petrucci épiques (parfaitement accompagnés par le clavier de Rudess) restent en tête, on n’en dira pas autant du refrain qui, sans être mauvais, n’est tout simplement pas à la hauteur du reste. Cette remarque s’appliquera à d’autres compos. Ensuite, Answering The Call et Invisible Monster, tout en ancrant leur propos dans un style metal progressif heavy et technique privilégient les mélodies et ambiances plus que le feu d’artifice instrumental. N’allez pas croire que le groupe sombre dans le "easy-listening" (l’instrumentation reste à un niveau stratosphérique) mais on est face à quelque chose de plus posé et mémorable. De bons morceaux, très agréables à l’écoute, même si je les vois mal devenir de nouveaux classiques.

Sleeping Giant est une compo de dix minutes qui se veut un peu plus épique. Il s’y passe pas évidemment pas mal de choses, on retiendra notamment la tentative de créer des mélodies plus "hymnesques" avec quelques "ho ho ho" (rassurez-vous, on n’est pas chez Maiden non plus) et une intervention au piano à l’esprit très ragtime. Transcending Time est le morceau le moins metal de l’album (il est plus rock progressif et optimiste), c’est aussi celui qui rappelle que le théâtre des rêves compte Rush parmi ses influences... alors que Awaken The Master prend une direction opposée, bien plus sombre, moderne et metal, donnant l’occasion à Petrucci de sortir sa nouvelle huit-cordes et balancer du gros riff torturé à foison. On revient à quelque chose de plus complexe et costaud, comme avec The Alien. Quelques superbes passages, une atmosphère dark sympa... mais là aussi, un manque de mélodies vraiment marquantes. De façon générale, on remarquera que LaBrie chante bien, reste largement dans les médiums (ça évitera les envolées trop périlleuses en concert) et qu’il n’en fait pas des tonnes. C’est bien mais, du coup, on l’a connu plus varié et expressif. Le voyage s’achève avec la chanson titre, compo épique de vingt minutes. Attendez-vous à la pyrotechnie habituelle, aux orchestrations de rigueur, à des passages à couper le souffle mais aussi à quelques accalmies bienvenues (tout le milieu du morceau est plus calme, proposant en quelque sorte pendant un moment la ballade mélancolique qui manquait au disque). Je ne suis pas scotché comme j’ai pu l’être avec A Change Of Seasons ou The Count Of Tuscany (c’est un peu moins fort, émotionnellement parlant) mais l’ensemble reste très bon et offre une belle conclusion à cet album. 

J’aurais aimé être un peu plus surpris ou ému par cet album de Dream Theater. Il faut être raisonnable : à ce stade de notre relation, impossible de recréer les coups de foudre ressentis à l’époque d’Images And Words, Awake ou Scenes From A Memory. Mais si l’émerveillement s’est fait la malle, je ne peux nier que ce AVFTTOTW est très bien fait et porte en lui suffisamment de qualités pour satisfaire le compagnon fidèle que je suis depuis presque trente ans maintenant. On a beau être critique (et on a raison de l’être), ces gars-là ne sont quand même pas n’importe qui et ils se chargent bien de nous le rappeler tout au long de cette nouvelle aventure. L’ensemble est classe, toujours techniquement époustouflant, solide, heavy, très bien produit, plutôt homogène (qualitativement parlant) mais manque de mélodies mémorables et de surprises, ce qui l’empêche de rivaliser avec les grands classiques du groupe. Du bon Dream Theater donc... à défaut d’être exceptionnel.
 

Tracklist de A View From The Top Of The World :

01. The Alien
02. Answering The Call
03. Invisible Monster
04. Sleeping Giant
05. Transcending Time
06. Awaken The Master
07. A View From The Top Of The World

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