Avec Maudits, il y a des choses qui ne changent pas: la beauté des pochettes par exemple. Sur Précipice, ce deuxième vrai album du groupe, c’est encore un superbe travail de l’artiste Dehn Sora qui donne immédiatement envie de découvrir ou de redécouvrir l’univers de Maudits. Cet album fait suite à Maudits, sorti en 2020, et deux EP (Angle Mort en 2021 et un split avec SaaR en 2022). Le trio instrumental est toujours composé de Olivier Dubuc (guitare), Erwan Lombard (basse) et Christophe Hiegel (batterie). C’est album produit par Frédéric Gervais et arrangé par Emmanuel Rousseau et je dois dire qu’ils ont fait un boulot de dingue car le son est superbe. L’album contient sept morceaux, pour 57mn, avec trois morceaux au delà de onze minutes, dont notamment les Précipices Part I et Part II qui à eux seuls représentent déjà 26 minutes de kiff. J’ai dit que l’album comportait sept titres, mais en fait après un petit blanc, il y a un huitième morceau, non indiqué sur la pochette. Une sorte de morceau caché, de golden egg.
Alors je disais en intro qu’ils y a des choses qui ne changent pas, mais une de ces choses c’est la capacité indéniable du groupe à installer une ambiance, à la faire évoluer, à créer des tensions, à aller titiller la rupture, jusqu’à une certaine apothéose, puis repartir vers d’autres plans. Tout ça sans la moindre parole. C’est génial.
L’ambiance globale est toujours mélancolique à souhait avec ce violoncelle, joué par Raphael Verguin (déjà présent dans l’EP Angle Mort), qui vient encore rajouter une couche d’émotion incroyable, ça vous prend aux tripes. Rien que l’intro de Précipice Part I me fout les poils, pourtant, vous allez me dire y’a pas grand chose. On ferme les yeux, on s’imagine, sous l’océan, les fond marins, les baleines qui ondulent doucement. Mais une autre fois, on se verra plutôt en mode rapace, planant au dessus des gorges du Verdon, c’est vous qui voyez. Et puis patatra, après trois minutes planantes, ça s’énerve, avec du riff, qui vient compléter les arpèges doux-amers de la guitare d’Olivier. Au passage on remarque que la batterie de Christophe est magnifique, la basse d’Erwan, subtile et tout en finesse, donne la profondeur nécessaire à l’ensemble pour nous faire ressentir le bord de ce précipice que nous frôlons en permanence. Le violoncelle rajoute la touche ultime, nous voilà entre chaos et beauté. Sur ce morceau, on regarde la pochette, on pense à l’état de la planète, entre chaos et beauté., de celle de notre pays, entre chaos et beauté. J’ai l’air d’un con, la larme à l’œil, en rédigeant cette chronique, la musique à fond.
Seizure n’est pas là pour nous rassurer, son ambiance est lourde, les riffs de la guitare sont appuyés par des claviers (Nicolas Zivkovich). C’est encore un morceau fleuve, très ambiancé, qu’il n’est pas facile de décrire. La batterie, énorme au départ, se fait électronique, avant de revenir à du bons vieux fûts, pour laisser la place au moment "violoncelle". Je passe sur Pretium Doloris, qui comme son nom l’indique, est un petit intermède douloureux. Par contre je me retrouve sur Séquelles, aux rythme rapide et aux riffs surpuissants. C’est un morceau court et percutant, j’adore l’effet des arpèges magnifiques qui viennent se caler sur les riffs surpuissants. Ça rappelle un peu quand ça s’énerve chez Klone.
La Part II de Précipice démarre en mode très calme, dans un style qui me fait penser à certaines intro d’Hypno5e, avec le violoncelle qui rajoute un certain niveau de gravité. On sent la tension monter et qu’il va se passer quelque chose. Et ça se passe, au bout d’un peu plus de 2mn avec le duo batterie et basse qui vient secouer ce petit monde. La ligne de basse tantôt saturée, tantôt bien ronde est superbe. On se reprend à rêvasser, à se faire son propre film, paupières closes (ou pas). Surtout quand la guitare en arpèges, laisse l’espace au violoncelle. J’aime bien le style instrumental quand je travaille car ça me permet de me concentrer (sur du code par exemple) et de l’écouter fort, mais avec Maudits, il y a un léger problème: Mon esprit est accaparé par la musique et il s’évade, je ne suis plus du tout efficace, ça va finir par se voir, il faut que je finisse cette chronique rapidos :-). L’alternance calmes en rimshots et grosses lignes de basse sont très inspirés, vraiment magnifique, manque plus que le retour du violoncelle. Ha ben tiens, le voilà qui pointe le bout de son archer, toujours tout en douceur.
Lights End est un petit bonbon au miel, constitué de guitare acoustique (plusieurs même) en arpèges, de basse et de violoncelle. La grosse caisse met plus de 2mn à arriver pour ajouter un peu plus de structure rythmique et d’effet électro, la basse régale. Vielä Siellä ("Toujours là" en Finnois selon Maitre Google) me rappelle qu’il y avait déjà un titre en finnois dans l’EP Angle Mort. Il faudra penser à leur demander pourquoi cette langue pas si courante est utilisée. Dans ce morceau la batterie sonne électronique dans la première partie, le tout est très sympho, monte en puissance tout au long du morceau, jusqu’à son final.
Après une trentaine de secondes de vide, le dernier morceau (caché donc) démarre. Il est calme, on entend des voix (en Français me semble-t-il), lointaines et filtrées, comme enregistrées sur un répondeur. Seuls présents, la guitare et le violoncelle semblent discuter, se répondre. Etrange final caché.
Il n’est jamais simple de décrire des sensations avec des mots. Ca fait déjà deux albums et un EP que j’essaye... en vain. L’ambiance est dingue, on se croirait dans un film, son propre film. On se dit aussi qu’on aimerait bien avoir cette musique avec un film ou un ciné concert. Allez les gars ! Alors tombera, tombera pas dans ce Précipice, à vous de voir. Moi je suis tombé, mais je m’en fous car, comme dans mes rêves de gosse, je m’envole.