Après les albums de UnCut et Nébulizar récemment chroniqués sur notre site, la Klonosphère embellit encore une fois notre hiver bien morne en nous proposant le premier album éponyme de Maudits. Ce jeune groupe seulement formé en 2019, est composé d'Olivier Dubuc (Guitares et Effets), Anthony Gillet (Basse) et Christophe Hiegel (Batterie), trois musiciens expérimentés officiant ou ayant officié dans les groupes Throane, Ovtrenoir et Last Embrace. Ce trio nous propose une musique sombre oscillant entre post-rock et doom mais qui peut être aussi atmosphérique et progressive. Un bon mix de style, pas facile à décrire, mais qui, une chose est sûre, reste instrumental. Donc si, comme moi, vous êtes fans de musiques instrumentales à fort caractère, cet album va certainement vous intéresser.
Ce que, personnellement j’apprécie avec les albums instrumentaux, c’est que, en l’absence de chant, l’imaginaire fonctionne à plein régime et nous permet de ressentir toute une palette d’émotions. Avec ce genre musical, on voyage pour pas cher et en ces temps de pandémie, c’est quelque chose que j’apprécie particulièrement.
Le morceau éponyme, Maudit, est un exemple du style multi-facettes du groupe. A la croisée du post-rock, du progressif, le morceau à tiroir dépasse les treize minutes et alterne une multitude d’ambiances, comme une sorte de musique d’un film que vous n’auriez plus qu’à imaginer. Un violon (Caroline Bugala) tout doux fait son apparition dans une des variations, un peu de douceur dans un morceau plutôt noir et stressant.
Resilience, c’est encore plus de huit minutes au compteur, avec une ambiance encore assez chargée, sur un rythme plus enlevé. J’adore la ligne de basse magnifique qui sonne très Mariusz Duda de Riverside, elle accompagne à merveille les arpèges de la guitare. Aux deux tiers le morceau break complètement: arrêt total, pour repartir très prog, limite jazz avec un groove basse/batterie génial. Dans une ambiance plombée Resilience s’enchaine avec Liminal, un morceau “ambiance” de cinq minutes, dans laquelle on peut entendre des voix étranges, des bruits inquiétants, pas mal de choses un peu dissonantes: l’ambiance est plantée, elle laisse la place à une guitare acoustique et un Theremin (Dehn Sora) dans le rôle du chant d'une baleine qui s’égosille en fond. Les choses s’animent à nouveau avec Grain Blanc. On retrouve un côté plus metal prog à la Riverside, avec une excellente section rythmique, des passages assez violents et d’autres plus posés avec des claviers (Emmanuel Rousseau): Comme un rouleau compresseur, conduit avec des gants de velours, très agréable et classieux. En parlant de classe, voilà le retour de plusieurs couches du violon cajoleur de Caroline. Gros travail de Christophe à la batterie sur le final en apothéose. Après cette explosion finale, Solace, prend tout le monde à contre-pied avec presque cinq minutes (le morceau le plus court de cet album) d’un festival de douceurs et de zénitude: violon, arpèges et nappes. Mais parce que le groupe adore jouer avec nos nerfs et nos émotions, voilà que Verloren Strijd (Peine perdue en néerlandais ?!) déboule avec cette lugubre marche funèbre. On touche ici au doom dans toute sa splendeur, ça transpire l’horreur, le malheur: larsens trainants d’intro, le riff répétitif jusque malsain, la lourdeur, les guitares multiples. On croirait vraiment être conduit à l’échafaud, lourdement enchaîné, ou juste en train de contempler les dégâts irréversibles de l’Homme sur sa propre planète. Ca fout la haine quoi !
Voilà un album que j’ai vraiment adoré et qui sera mon dernier coup de cœur de l’année (8 coups de coeurs cette année). Ambiances incroyables, sombres, pesantes et inquiétantes, dans un style à géométrie variable, très cinématique qui fait travailler les neurones. Un petit mot pour la pochette absolument magnifique (de Dehn Sora et Melle Ocytocine) qui donne envie de s’offrir l’objet en vinyle, oui monsieur ! Bref, avec cet album de Maudits, plus la peine de chercher: on tient bien là, la bande son de cette maudite année 2020.
Tracklist de Maudits :
01. Maudit 02. Resilience 03. Liminal 04. Grain Blanc 05. Solace 06. Verloren Strijd
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