Artiste/Groupe:

Mastodon

CD:

Hushed And Grim

Date de sortie:

Octobre 2021

Label:

Reprise Records

Style:

Vous plaisantez, j’espère ?

Chroniqueur:

Bane

Note:

19/20

Site Officiel Artiste

Autre Site Artiste

Que dire, bon sang, que dire ? Qu’est-ce qu’on se sent bête et impuissant face à de tels albums…

Qu’est-ce qu’on se sent bête et impuissant face à de tels groupes, d’ailleurs ! Mastodon, un poil plus de vingt ans d’existence, huit albums au compteur, pas une seule merde, que du très bon minimum. Qui peut en dire autant, franchement ? Déjà l’enchaînement quatre-à-la-suite (cette chronique est sponsorisée par Questions pour un Champion) relève du génie, mais alors HUIT ?! Le tout en révolutionnant le Metal en général, avec un son et un style tout bonnement uniques. Le tout en faisant évoluer la formule à chaque album, passant du hardcore au prog, en passant par le stoner et j’en passe. Le tout en balançant ce qui reste le meilleur riff de tout le vingtième siècle (Blood And Thunder, bien entendu) et en s’offrant même une reprise incroyablement réussie du Stairway To Heaven de qui-vous-savez-très-bien... Le tout, évidemment, avec quatre excellents musiciens, dont trois se paient le luxe de prendre le micro, trois voix différentes mais complémentaires… Allez, on arrête là, sinon certains vont avoir des complexes. Conclusion : en ce qui me concerne, Mastodon est LE meilleur groupe de la scène actuelle. Bam.

On ne va pas revenir sur toute la disco, mais un petit résumé s’impose. Un début avec des album assez brut(aux) -Leviathan-, puis des plongées dans le prog -Crack The Skye- puis une tendance à basculer vers un public plus large avec des albums de moins en moins complexes. Tendance pour laquelle le petit dernier en date, Emperor Of Sand, constitue le point d’orgue, un genre de Black Album pour le groupe. Aaaah, Emperor Of Sand, voilà un album que j’ai écouté dans tous les sens. Sorti en 2017, il a tourné tellement de fois que j’ai eu peur de bousiller le CD. C’est celui-ci qui m’a fait découvrir le groupe, je l’avoue. J’avais déjà entendu quelques titres avant mais c’est avec Emperor que j’ai remonté la disco. Depuis, tous les albums trônent fièrement sur mon étagère, même la plus-que-dispensable compilation d’inédits qu’ils ont pondue l’an dernier, compilation que j’ai achetée uniquement pour le très bon titre inédit.

Mais je m’égare. Boarf, c’est un peu la spécialité du groupe, on va dire que je fais dans le méta, allez. Emperor, donc. Un groupe allégé, mais pas assagi. Les puristes ont dû avoir une sacrée frousse quand il est sorti. Qu’allait faire le groupe ? Aller encore plus loin ? Faire un album encore plus léger ? Ha. Ha. Ha. Ha. Hushed And Grim, quinze titres, une heure et vingt-six minutes de Metal, teinté stoner, sludge, prog. Alors, les puristes, on dit quoi, là ? Eh ben on dit "merde", parce que ça fait un sacré morceau ! Sous couvert d’une pochette tout bonnement somptueuse -la plus belle depuis Leviathan-, Mastodon nous propose là un VRAI double-album (contrairement, au hasard, au dernier Maiden, qui n’a que dix titres, qui est donc un simple étalé jusqu’à plus soif sur deux disques).

Et quel double-album ! Voyez-vous, il existe une théorie : le double-album, le tenter, c’est le rater. Y’a que le grand Led Zep qui a réussi le pari, avec le magistral Physical Graffiti. Et les Beatles, bien entendu, avec le Double Blanc. Sinon, double-album est forcément synonyme de remplissage. Pas forcément de foirage complet, hein, mais au moins de remplissage. Évidemment, comme toujours, Mastodon explose les théories fumeuses : Hushed And Grim est tout simplement excellent, aucun titre ne fait remplissage, le pari est réussi. Comment. Ils. Font. Bon. Sang ???

Dans une interview pour nos confrères de Rock Hard, Troy Sanders, le bassiste/hurleur du groupe définit cet album comme "un kaléidoscope" de leur carrière. Je n’aurais pas dit mieux, c’est exactement à ça qu’on pense en écoutant l’album. Quel que soit votre galette préférée du Mastodonte -rarement vu un groupe qui porte aussi bien son nom-, il y a fort à parier que vous trouverez votre compte ici. Toutes les facettes du groupe sont là : le côté faiseur de tubes avec Pushing The Tides, l’aspect prog (avec des influences allant de King Crimson à Tool), les relents bien plus rudes sur The Crux… Mais comme si ça ne suffisait pas, Mastodon rajoute beaucoup d’éléments et d’ambiances qu’on ne lui connaissait pas : un solo de basse sur Teardrinker, de l’atmosphérique ponctué de moult instruments indiens sur Dagger, une ballade qui serre le cœur avec du cor, joué par la mère de Troy, avec Had It All, un solo de clavier très 70’s sur Skeleton Of SplendorMastodon ose tout, c’est même à ça qu’on le reconnaît, il fait véritablement progresser sa musique, pour toujours nous surprendre sans nous choquer.

À ce titre, forcément, il nous faudra un million d’écoutes avant de pouvoir tout emmagasiner, hein ? Même pas ! Bien consciente de la longueur et du délire qu’est son album, la bande d’Atlanta s’est débrouillée pour nous donner des points d’accroche un peu partout : un petit riff, un refrain qui tue, quelque chose. Au final, on se surprend à trouver nos marques vraiment vite et à retenir les titres dès la deuxième/troisième écoutes. Complexe, oui, mais pas compliqué. Fort heureusement, il y a tellement à manger sur cet album que, même si on commence rapidement à s’y retrouver, on pourra l’écouter une giga-tonne de fois pour essayer d’en maîtriser le moindre détail. Un genre de très gros menu, roboratif comme pas deux, mais avec suffisamment d’épices pour nous satisfaire tout du long et ce à chaque repas. Comment est-ce qu’ils font, bon sang ???

Le son de l’album est tout simplement massif. Énorme respect au mixage, qui met à l’honneur la gargantuesque orgie d’instruments présents ici -écoutez un peu le déluge de grattes sur le final de More Than I Could Chew ou les arrangements de Gigantium ! Les quatre gus sont toujours aussi bons : les riffs et les soli des deux gratteux sont jouissifs (petite préférence personnelle pour les ambiances psychés du sieur Brent), Brann reste un des meilleurs batteurs de sa génération (même s’il en fait moins qu’avant, il demeure pour moi une espèce de poulpe à huit bras, c’est la seule explication) et les trois voix sont, encore et toujours, une énorme force pour le groupe. Troy, en général très rugueux, nous offre pas mal de variations vraiment agréables sur Skeleton ou Had It All ; Brann est définitivement un excellent chanteur, notamment pour les refrains et l’ami Brent, avec son timbre nasillard qui rappelle parfois le grand Ozzy, pond toujours des lignes de chant que je trouve géniales. Forcément, The Beast s’impose comme mon titre préféré de la galette, puisque les trois messieurs chantent dessus, chacun dans son registre, pour créer un crescendo pile comme j’aime, avant un solo à pleurer de bonheur. Dingo.

Reste le paramètre encore plus subjectif que le reste de ce papier, bien plus personnel. En effet, peut-être que toi, ami lecteur, tu ne prendras pas une aussi grande claque que moi en écoutant ce Feutré Et Sombre. Parce qu’il porte bien son nom. C’est sans doute l’album le plus mélancolique, le plus tristoune du groupe. En gros, la grande marrade, la grosse poilade ne sont pas au programme. Et comme je suis exactement dans cette humeur-là, dans ce genre de spleen cher à Baudelaire, depuis quelques mois, cette heure vingt-six en compagnie de Mastodon me parle particulièrement, encore plus que d’habitude. Un peu comme si ce disque tapait pile au bon endroit, pile au bon moment. Et ça, ça n’arrive pas tous les jours. Hushed And Grim résonne, Hushed And Grim me comprend, Hushed And Grim me bousille parfois, mais pour mieux me retourner la gueule et me flanquer les petits frissons qui vont bien et le sourire franc à la fin. Comment est-ce qu’ils font, bon dieu ?

Huit albums fantastiques à la suite, dont une bonne moitié aurait sa place dans un top 100 Metal. Plus de deux décennies sans que le line-up du groupe bouge d’un pouce. Et finalement, ce double-album réussi. Je ne sais pas si c’est leur meilleur album. Mais en ce qui me concerne, ce Hushed And Grim constitue le magnum opus de Mastodon, un coup de cœur absolu et sera, sans aucun doute, mon album de l’année. Bon sang de bonsoir, nom d’une pipe en bois, sapristi de saperlipopette, bordel de flûte, bonté divine mais COMMENT ILS FONT ???


Tracklist de Hushed And Grim :

CD1
01. Pain With An Anchor
02. The Crux
03. Sickel And Peace
04. More Than I Could Chew
05. The Beast
06. Skeleton Of Splendor
07. Teardrinker
08. Pushing The Tides

CD2
01. Peace And Tranquility
02. Dagger
03. Had It All
04. Savage Lands
05. Gobblers Of Dregs
06. Eyes Of Serpents
07. Gigantium

Venez donc discuter de cette chronique sur notre forum !