Flotsam And Jetsam a passé quatre décennies à faire du thrash (parfois très bien... mais pas toujours). Voici ces Américains de retour une nouvelle fois, apparemment pas fatigués, pour un quinzième album studio intitulé I Am The Weapon. Celui-ci a le mérite d’être particulièrement attendu par votre serviteur puisqu’il arrive après une suite de trois albums réussis qui avaient ravivé mon intérêt pour ce groupe. Je dirais même que depuis 2016 (date de sortie de l’album sans nom), chaque nouvelle offrande m’a paru un petit cran au-dessus de la précédente. J’ai donc vraiment apprécié The End Of Chaos en 2019 et fortement aimé Blood In The Water deux ans plus tard. Si le groupe devait continuer à évoluer dans ce sens, le I Am The Weapon qui nous intéresse aujourd’hui serait absolument excellent... Mais, malgré d’évidentes qualités, il n’en est malheureusement pas tout à fait ainsi.
Et pourtant, ce quinzième opus est objectivement bien fichu, solidement produit (avec un gros son moderne qui claque), énergique, entraînant... il est la suite logique de Blood In The Water, avec une orientation power/heavy peut-être un peu plus appuyée, l’accroche mélodique étant de toute évidence de plus en plus travaillée. Il ne s’agit pas de pur thrash joué pied au plancher ici mais plutôt de mélothrash ou heavy thrashisant selon les compos. Le départ est évidemment très vitaminé (mais moins féroce que sur l’album précédent) avec A New Kind Of Hero qui pose une ambiance sympa avec ses guitares en son clair avant que la batterie de Ken Mary (remarquable, comme à son habitude) ne déboule. J’en profite pour placer que le line up est le même que sur Blood In The Water, on ne s’en plaindra pas tant il faisait déjà des étincelles en 2021. Revenons-en à cette première compo : c’est impeccable. Le riff est thrash old-school, les guitares galopent et s’offrent des petites interventions acrobatiques maitrisées, Eric A. Knutson survole tout cela de son chant puissant et assuré, avec tout ce qu’il faut de hargne (mais également de mélodie) pour convaincre et Mary ne laisse pas sa batterie respirer, il en met partout ! Emballez, c’est pesé... voilà un démarrage convaincant. Puis Primal arrive et met en avant une facette plus heavy metal, ça n’est pas vraiment thrash mais le morceau est carré, direct, rythmé, en un mot : efficace. La chanson titre, en troisième position, se chargera de remettre le thrash au premier plan et s’affirme comme la compo la plus décoiffante de cette première moitié d’album (la plus concise aussi avec ses trois minutes dix-sept). Ecoutez cette intro guitare/basse/batterie... ça dépote ! Le groupe est en grande forme et fait preuve d’une belle vigueur (mais reste bien mélodique au moment du refrain).
Des compos survitaminées comme la chanson titre, il y en a quelques autres comme la véloce Gates Of Hell (et ses belles attaques de double grosse caisse qui soutiennent le riff d’ouverture), elle-même suivie d’une bonne speederie classique nommée Cold Street Lights. La paire de gratteux Gilbert/Conley signe une collection de riffs abrasifs bien gaulés ainsi que quelques jolies descentes (ou remontées) de manche joliment maîtrisées. Leur savoir-faire en la matière intime le respect. Et parfois, ils font même un peu plus fort en ne se contentant pas de "simple" efficacité, notamment quand ils balancent le très chouette riff de Burned My Bridges dont la mélodie reste en tête bien après la fin de l’album. Puisqu’il faut tout de même varier le propos et divertir son auditoire, Flotsam And Jetsam emprunte parfois quelques chemins différents comme sur Beneath The Shadows, toujours metal, mais avec une rythmique typée blues rock. Pensez à du ZZ Top en plus heavy. Le dernier titre, Black Wings, revêt même une enveloppe épique qui le distingue des autres avec quelques claviers discrets et une atmosphère plus "fantastique".
Malgré tous ces atouts, les premières écoutes de I Am The Weapon ne m’ont pas emballé autant que je m’y attendais. Et j’ai eu du mal à trouver pourquoi. Des bons titres, de bonnes mélodies, des guitares qui régalent, un Ken Mary excellent derrière ses fûts... beaucoup de compos que j’aimais bien... et pourtant, l’ensemble, pris d’une traite, n’arrivait pas à me passionner jusqu’au bout. Une certaine lassitude gagnait du terrain après une demi-douzaine de pistes. J’y suis revenu plusieurs fois et ne suis pas totalement débarrassé de ce sentiment même si j’apprécie plus l’album aujourd’hui qu’il y a quelques semaines. Peut-être trop de tempos ou ambiances semblables, une certaine linéarité (en dépit des efforts fournis par les Américains pour y échapper) qui finit par s’imposer à moi ? J’ai donc plus accroché aux efforts récents / précédents, surtout Blood In The Water que j’avais trouvé un peu plus convaincant... et thrashy aussi. Pas impossible que les intentions plus mélodieuses développées ici diminuent légèrement l’impact de l’ensemble. Mais je vous conseille tout de même de vous intéresser à ce disque puissant, enlevé et bourré de qualités. Plus je l’écoute, plus je m’interroge sur ce qui me fait tiquer... il me manque un petit je ne sais quoi mais ça reste objectivement du très bon travail et une proposition à considérer avec tout le respect qu’elle mérite.
Tracklist de I Am The Weapon :
01. A New Kind Of Hero 02. Primal 03. I Am The Weapon 04. Burned My Bridges 05. The Head Of The Snake 06. Beneath The Shadows 07. Gates Of Hell 08. Cold Steel Lights 09. Kings Of The Underworld 10. Running Through The Fire 11. Black Wings