Drôle de parcours que celui de Fear Factory. Jeune loup ultra-prometteur au cœur des 90’s, membre d’un big 4 Groove Metal (inventée par un pote à moi et dont j’adore le concept) avecSepultura (période Chaos ADet Roots), Panteraet Machine Head, Fear Factory présentait tous les éléments pour devenir un mastodonte, pouvant postuler auprès des Géants. Après moults péripéties, il n’en sera rien mais j’insiste sur le fait que Fear Factory a conservé une fan-base solide et reste une référence respectée continuant de drainer un public. Mon point serait plus d’y voir la non-conclusion d’un potentiel incroyable. Parce que tout de même, au tournant du millénaire, le groupe avait pondu un disque référentiel (le génial Demanufacture, grand classique des 90’s et Obsolete), un concept très fort avec une imagerie post-apocalyptique dans la continuité d’un Terminator II ayant régné le box-office quelques années auparavant. Ajoutons à cela des musiciens charismatiques, un frontman immédiatement reconnaissable, un type de chant alors révolutionnaire avec cette alternance chant clair – hurlé d’une redoutable efficacité bref Fear Factory était dans une dynamique démente et avait le Temps de son côté vu la jeunesse de la formation qui semblait avoir dix ans d’avance sur la concurrence (son, type de Metal ultra modernisé). Sauf que patatras (oui expression qu’on ne retrouve pas trop dans des films apocalyptiques), tout a vrillé jusqu’au split de fin 2002 avant un retour en 2003 mais sans l’ami Dino Cazares alors hors-jeu (ironique de se dire que deux décennies plus tard, il est le seul aux affaires !). C’est que Digimortal (2001) avait commercialement déçu et on avait presque eu l’impression que Fear Factory était « dépassé » sans qu’on ne l’ait vu venir. Digimortal avait il est vrai prolongé l’aspect catchy qu’on retrouvait déjà dans un Obsolete, moins froid et clinique que le cultissime – et indépassable – Demanufacture.
Cela devait être la pagaille en interne car le cycle Digimortal a accouché d’un split passé presque inaperçu (en tout cas bien moins retentissant que celui de Sepultura quelques années avant et moins commenté que la fin d’un Pantera épuisé) dans mes lointains souvenirs preuve qu’en musique, ça va décidément très vite. Il est vrai que le groupe ayant annoncé son retour dès 2003, cela a relancé l’implacable machine. Sauf que ce comeback se fit sans Dino Cazares ce qui peut paraître presque inconcevable. Un pote vient d’apprendre l’info il y a peu et cela confirme deux points : le relatif désintérêt généré par les problèmes de FF à l’époque et surtout la grande difficulté d’imaginer Fear Factory sans Dino. Déjà sans Burton, ce n’est pas simple mais les difficultés vocales de ce dernier ont tout de même fait dire à pas mal qu’il fallait arrêter la débâcle (en live). A un moment donné (comme on dit dans le Sud avec l’accent bien forcé), il faut aussi prendre acte. Des problèmes d’ordre business entre membres permettront bien plus tard d’acter ce point. Et pendant ce temps-là, la scène metalcore reprenant le type de vocaux de FF allait emporter la mise et déferler dans le monde du Metal. Le destin est parfois injuste avec les précurseurs.
Oui Archetype est le premier Fear Factory proposé sans Dino et c’est Christian Olde Wolbers qui s’est chargé des guitares en plus de sa basse. L’ironie c’est qu’on n’entend pas la différence, le groupe restant dans les standards Fear Factory avec ce son froid, clinique, si caractéristique et instantanément repérable. Sans Dino mais au final un bon disque, vraiment. Costaud, toujours ces gros riffs qui tabassent bien, cette batterie presque indus qui fait mal, très mal avec l’implacable Raymond Herrera. Et ce sens du refrain en chant clair que Fear Factory a toujours proposé, presque jusqu’à la caricature parfois. On notera le morceau titre, marquant et réussi que le Fear Factory a joué lors de sa première tournée post Burton preuve de son indiscutable efficacité. Si l’album est bien trop long (plus d’une heure, standard d’une autre époque) surtout avec une formule aussi marquée et un registre aussi balisé que celui de Fear Factory.
En 2005, le groupe sortira un Transgression qui ne fera que confirmer le trou d’air rencontré par le groupe. Le retour de Dino en 2009 avec un Mechanize en forme de fan-service / zéro prise de risque relancera la machine. Bien sûr, d’autres problèmes surviendront mais c’est une autre histoire, ultérieure et la finalité en est la prise de contrôle totale de Dino. Mais si cet Archetype est un (très) bon disque qu’on recommandera volontiers, Fear Factory n’a pas su exister sans son guitariste historique dont la main droite fait rêver nombre de guitaristes (quelle étrange formulation pour signifier l’époustouflant talent rythmique du gonzo !). De là à dire que Fear Factory c’est Dino, il n’y a qu’un pas qu’on peut désormais franchir sans poser à polémique. Et sans dénuer le talent et le charisme de l’attachant Burton désormais plus en capacité technique d’évoluer dans les registres hurlés. Je persiste et signe, sentiment de gâchis que le parcours de Fear Factory.