Evergrey, pour les connaisseurs, est un groupe qui illustre bien une certaine idée de la constance. Tout le monde n’aime pas, les Suédois ne touchent pas un public très large, c’est vrai... mais que l’on soit fan ou non, on peut reconnaître que la formation propose une musique toujours assez classe, mélancolique et à la personnalité forte. Sa discographie est prolifique et solide, avec beaucoup d’albums réjouissants et, finalement très peu de faux pas (voire aucun véritable ratage... personnellement, je n’ai jamais réussi à être emballé par Torn ou Glorious Collision mais je ne les trouve pas honteux pour autant). C’est donc avec une certaine confiance que j’aborde ce quatorzième album (oui, Englund et ses amis n’ont pas chômé depuis leur premier opus sorti en 1998) nommé Theories Of Emptiness.
Falling From The Sun est un bon titre d’ouverture, enlevé, concis et efficace, qui me rappelle un peu la chanson Monday Morning Apocalypse. C’est entraînant et le refrain - très mélodique et lumineux - reste bien en tête... pas une grosse claque comme certains "openers" passés (je ne retrouve pas l’intensité d’un Save Us, par exemple) mais tout à fait honorable. Disons-le tout de suite, ce morceau est l’un des plus légers et rythmés de l’album, ce qui suit sera plus lourd et mélancolique. Il faudra attendre la septième piste, la surprenante et fédératrice One Heart, hymne taillé pour le live sur lequel le groupe a invité les fans à fournir les chœurs scandant "One heart ! One Heart ! One heart ! Our hearts united !", pour retrouver ce type d’énergie. Un des rares "tubes" de l’album et assurément un moment à ne pas rater lors des prochains shows des Suédois. A part cela, au cas où cela serait un sujet d’inquiétude, soyez rassuré, la tradition est respectée : le son est massif et moderne, la production et les sonorités employées étant globalement très proches de celles observées sur A Heartless Portrait. Entre ces deux compos, une suite de chansons plus lentes donc... comme Misfortune, à la rythmique puissante et au refrain mettant en avant les claviers de Rikard Zander et des wo-ho-hooo amenés à être repris par les fans en concert, suivie de la lourde To Become Someone Else (au break plus aérien, avec de magnifiques claviers), ou de Say servie par un très bon riff, une basse bien présente sur le couplet et un refrain entêtant qui fait comprendre pourquoi elle a été choisie comme single (les parties instrumentales ont une touche prog moderne que Evergrey se plait à développer depuis quelques temps avec beaucoup de réussite).
En cinquième position, Ghost Of My Hero continuer de proposer du tempo lent puisqu’il s’agit d’une ballade. Assez répétitive et émotionnellement chargée, elle fonctionne assez bien grâce à un beau refrain souligné par des orchestrations symphoniques pas si habituelles que cela chez Evergrey. La mélancolie de ce titre m’a fait penser à du Silent Skies (projet "ambient" de Tom Englund accompagné du claviériste Vikram Shankar). Le groupe réinjecte du muscle dans son propos avec We Are The North, un titre puissant, plus menaçant, bien heavy et conquérant... puis arrive One Heart déjà évoqué plus haut. Ensuite, The Night Within affiche une facette plus progressive, notamment de par son thème principal fourni par le clavier de Zander, et offre de belles harmonies vocales au moment du refrain. Je ne l’ai même pas dit, cela est une évidence, mais évidemment Tom Englund chante toujours avec la même implication (l’un des atouts du groupe reste l’émotion véhiculée par son vocaliste) et les musiciens sont - comme d’habitude - impeccables. Cependant, j’avoue que j’aime davantage Evergrey quand il propose plus de morceaux qui bougent et de riffs qui me donnent envie de faire du air guitar. C’est probablement ce qui m’a un peu décontenancé lors de la première écoute... j’avais envie que ça remue plus et que ça gratouille avec plus de dextérité et rapidité. Mais les écoutes suivantes ont eu raison de ma petite réticence initiale parce que, quand même, Evergrey, c’est classe, Evergrey c’est beau. Ce qui se vérifie d’ailleurs sur la sombre et envoûtante Cold Dreams, compo où sont invités Jonas Renke (de Katatonia) et Salina Englund (la fille de Tom).
Le voyage se conclut avec Our Way Through Silence, un autre morceau plus dominé par les mélodies (accrocheuses) du chant et des claviers que par les guitares, une sorte de dark pop soulignée par une instrumentation et un son plus metal (et un beau solo de guitare... là aussi, sur l’ensemble du disque, Englund et Danhage exposent le savoir-faire qu’on leur connait avec de belles interventions) et A Theory Of Emptiness plus surprenante dans la mesure où il s’agit plus d’une piste éthérée (aux allures d’outro) de deux minutes, totalement dominée par le piano de Zander (et un texte livré par une voix féminine). Voilà, c’est confirmé, Evergrey a encore sorti un bel album. Pas mon préféré, par leur plus heavy... mais une œuvre qui porte clairement et fièrement la patte de ses géniteurs, son lot d’ambiances travaillées, d’instrumentations classes et belles mélodies. Je ne l’ai pas trouvé si novateur que certains le disent ; oui, il y a bien une ou deux surprises mais il m’a globalement semblé retrouver le Evergrey que je connais bien... Bonne nouvelle : les Suédois seront de passage en France en novembre prochain (le 16 à Nantes et le 17 à Paris). Ce sera notamment l’occasion de découvrir leur nouveau batteur (puisque nous avons appris, en, visionnant le clip de Say, que Jonas Ekdhal se retirait... tout en restant dans les parages car ce sont surtout les tournées qui lui posent problème). A suivre...
Tracklist de Theories Of Emptiness :
01. Falling From The Sun 02. Misfortune 03. To Become Someone Else 04. Say 05. Ghost Of My Hero 06. We Are The North 07. One Heart 08. The Night Within 09. Cold Dreams 10. Our Way Through Silence 11. A Theory Of Emptiness