Toute cette histoire allait mal, très mal, comme un divorce. Pourtant, tout avait si bien commencé... Une très belle aventure amoureuse, passionnelle et intense : la relation entre Enforcer, joyeuse bande de ménestrels suédois, et moi-même. Si j’ai fini par acheter le premier album, sympathique mais anecdotique, c’est surtout avec Diamonds, leur deuxième sortie, que les p’tits gars m’ont totalement séduit. Imaginez un peu : du heavy typé 80’s, joué à 3000km/h, avec un chanteur à voix aiguë, des riffs supersoniques et une énergie à faire passer la cocaïne pour de la maïzena. Ces mecs avaient tout compris à ce que devait être du revival : on fait pas de pompage malgré nos influences, on joue avec un vrai son des années 2010 et, surtout, on éclate tout sur notre passage ! Loin, très loin de toute cette vague insignifiante qui ne faisait que pomper les vieux tout en proposant des albums bien chiants, tellement au-dessus de tout ça. Into The Fire, moins bon mais tout à fait recommandable quand même, avait suivi, avant qu’Enforcer nous balance son album ultime en pleine poire en 2015 : l’excellentissime From Beyond, sorte de synthèse de tout ce qu’il faut faire dans le genre, inspiré, varié, riffu et bourré de mélodies qui tue.
Vraiment, à ce moment-là, notre idylle était à son zénith. Vous l’avez ? Parce qu’en 2019, c’est la débandade. En effet, c’est cette année-ci que le groupe a sorti son quatrième album : Zenith (vous l’avez maintenant ?). Et là, rien ne va plus. Parce que le groupe adoucit la formule, change un peu de style et passe plus sur du hard US que sur du heavy/speed ? Bien sûr que non ! Changer de style, ça ne veut pas dire devenir naze, loin de là. Je prends toujours le même exemple : Load et Reload ne sont pas nuls parce que Metallica ne fait plus de thrash, Load et Reload sont nuls parce qu’on s’y emm*rde comme rarement. Pareil ici : Zenith n’est pas nul parce qu’Enforcer cherche le tube typiquement US, non. Zenith est nul parce qu’Enforcer le fait n’importe comment, se contentant de pomper tout le monde, avec un son cradingue des 80’s et sans inspiration. En gros, ils tombent dans tous les travers qu’ils avaient si intelligemment esquivé jusqu’à maintenant. Y’a un p’tit live après, qu’est pas palpitant non plus. Bref, on est en 2019, je suis triste et déçu : Enforcer et moi, c’est fini.
On pourra me reprocher d’être un poil totalitaire et extrémiste dans mes relations amoureuses. C’est pas faux. M’enfin c’est normal : quand on a tant aimé, on est toujours plus enclin à être triste. En plus, les gars n’avaient pas l’air d’avoir envie de revenir en arrière. Alors bon, pas grave, ils m’ont déjà offert une triplette d’albums ultra cool, c’est déjà bien plus que la plupart des groupes. C’est donc l’heure du divorce, en bons termes, même que je récupère la garde des trois gosses. Mais comme je ne suis pas si rancunier que ça, je zieute de loin ce qu’ils font. Je les ai trop aimés pour les oublier. Ils sortent un p’tit single en 2021, Kiss of Death, c’est encore un truc qui ne me semble pas si inspiré que ça, avec un son de batterie 80’s à vomir. Allez, c’est bon, je fais le deuil, après seulement une écoute - ce qui est sacrément con, il s’avère qu’outre son son qui me déplaît au plus haut point, c’est un sacré foutu tube.
Mais pas vraiment, encore une fois. Parce qu’un nouvel album est annoncé, que la pochette TUE et que le premier single, c’est Coming Alive...
Ça y est, les cœurs dans les yeux, je re-bave. Je vous vois, Enforcer, je sais ce que vous faites. Vous essayez de me récupérer avec un machin bien speed, bien riffu, bien couillon et bien énergique comme à l’époque. Vous essayez, sans même vous cacher, de me reconquérir. Mais je ne suis pas né de la dernière pluie, va en falloir un peu plus pour m’avoir ! M’enfin, quand même, ces petits filous ont maintenant toute mon attention, je ferai l’effort d’écouter l’album. Ils n’ont cela dit pas décidé de faire de nos retrouvailles une chose facile, puisque le deuxième single de l’album sera son morceau-titre, une espèce de ballade à la Still Loving You. Et moi, j’aime pô les ballades. Surtout qu’Olof, tête pensante du groupe, n’est pas forcément le plus grand des chanteurs : pour hurler sur du speed, c’est l’idéal mais quand faut être délicat, ça passe moins. Bon, ça va, y’a des passages pas désagréables dans votre chanson. Je l’écouterai, votre disque. J’ai peur, mais je l’écouterai. Arrive donc le jour fatidique de la sortie et...
À quoi bon essayer de créer du suspense et de la surprise, franchement ? Vous avez déjà vu la note : j’ai adoré ce disque ! Pourtant, sur le papier, je ne risquais pas d’être si convaincu que ça. Rien que cet insupportable, imblairable, inacceptable son de batterie suffirait normalement à me faire partir en croisade pour défendre le bon goût. Sérieux, s’il y a bien un truc à ne pas reprendre dans les sons des années 80’s, c’est bien ces caisses claires kitschouilles. Ça m’énerve d’autant plus chez Enforcer qui, je l’ai déjà expliqué en préambule, ne tombait normalement pas dans ce piège. Donc ouais, le son m’a posé problème lors de mes premières écoutes. Et puis, finalement, la mauvaise foi et la subjectivité ont pris le dessus, la faute à des super chansons, calibrées pour me faire plaisir, dans un format franchement idéal. Douze vrais titres (et pas "13 heavy metal anthems" comme le dit le sticker sur le CD, puisqu’Armageddon est une intro au clavier), pour quarante minutes de plaisir, une seule ballade pas totalement horrible - je fais encore des cauchemars quand je pense à celle sur l’album précédent, un insupportable machin avec du piano -, du gros tube, du speed, des refrains à ne plus savoir quoi en foutre, un peu de Maiden, un peu de Scorpions mais que du bonheur !
Tiens, cliquez donc sur la vidéo juste au-dessus, mangez Unshackle Me en pleine tronche et priez pour vos âmes : depuis que j’ai lancé l’album pour la première fois, ce foutu morceau me reste coincé dans la tête. Pourtant, ce n’est pas une p’tite speederie comme je les aime, c’est pas Roll the Dice ou Destroyer. Mais c’est un méga tube, ultra accrocheur, avec un super riff et un refrain bête comme chou mais ô combien efficace. Et quand en plus on enchaîne avec Coming Alive et Heartbeats, un super titre qui commence un peu comme Children of the Sea - Olof n’est pas Dio, cela dit - avant de partir en sucette avec une deuxième partie bien plus véloce et bourrée de guitare bien mélodique comme il faut... j’aime autant vous dire qu’on tient déjà un début d’album tout bonnement jouissif.
D’autant plus jouissif qu’une bonne partie de l’album ressemble à Zenith, mais Zenith RÉUSSI, ce qui change tout. En effet, pas mal de titres sont des petites pépites hard rock typé années 80, comme si le groupe pondait plusieurs Rock You Like a Hurricane - dans l’idée, hein, pas de plagiat cette fois - différents mais dans le même esprit : Demon, No Tomorrow, Keep The Flame Alive qui s’offre même des passages de pure pop de l’époque... Mais, si vous préférez quand le groupe va vite, vous aurez aussi votre compte : j’ai déjà cité Coming Alive, qu’Olof décrit comme une bonne synthèse de ce qu’est Enforcer et je ne peux pas lui donner tort, mais Kiss of Death ou Metal Supremacía, chantée en espagnol pour ravir leur public sud-américain, sont autant de missiles qui vous feront sauter partout. Et je ne peux décemment pas oublier le final, Crossfire, qu’on croirait sorti de Diamonds.
Reste à choisir mon titre préféré là-dedans et c’est franchement difficile, pour ne pas dire impossible, parce que tout est au moins bon. Nostalgia est sans doute le titre qui me botte le moins, mais il est stratégiquement placé en plein milieu de l’album, entre un morceau bien rapide et un giga tube à gros refrain, donc ça passe. Mais en ce qui concerne mon préféré... Pffff, j’en sais rien, ça change à chaque écoute, de toute façon. Mais punaise, White Lights, c’est quand même une super chanson, c’aurait été dommage de finir cette chronique sans la citer... M’enfin, hein, tout est bien, alors bon. À noter qu’en plus, vu que tout est bigrement accrocheur, on se surprend très très vite à fredonner les refrains, dès la deuxième ou la troisième écoute.
Donc voilà, ça va beaucoup mieux entre Enforcer et moi. Après un douloureux divorce, voilà qu’on se "date" de nouveau, qu’on se dit des mots d’amours, des mots de tous les jours et ça me fait quelque chose, comme dirait l’autre. Nostalgia, qui porte sacrément bien son titre, est un très chouette disque, bourré ras-la-gueule de tubes et de gros refrains, avec toutes les facettes que j’aime bien chez le groupe. Un bon p’tit album qui risque de pas mal tourner cette année. Même que je songe à me prendre un t-shirt avec la pochette, vu qu’elle pète sérieusement la classe. Allez, maintenant, il ne vous reste plus qu’à passer sur Paris, j’ai hâte d’aller beugler les refrains dans la fosse !
Tracklist de Nostalgia :
01. Armageddon 02. Unshackle Me 03. Coming Alive 04. Heartbeats 05. Demon 06. Kiss Of Death 07. Nostalgia 08. No Tomorrow 09. At The End Of The Rainbow 10. Metal Supremacía 11. White Lights In The USA 12. Keep The Flame Alive 13. When The Thunder Roams (Crossfire)