Débat récurrent depuis quelques années, le phénomène tribute-band continue de faire parler et d’interroger. Dépassant largement le cadre de nos musiques, ce sujet avait été abordé avec amusement dans le film Podium où la thématique des sosies était traitée avec humour, mais aussi un peu de fond. Nos artistes étant comme tout un chacun sujets aux affres du Temps qui passe, comment gérer l’héritage ? Le sujet a déjà été évoqué, encore très récemment avec la reformation de Linkin Park (cf l'édito de Bane qui pose de très bonnes questions de fond), et on comprend vite qu’entre nostalgie des uns, volonté des jeunes générations de s’offrir un voyage dans le Temps, transmission filiale sur une passion, critiques (légitimes) contre ce business trop souvent cynique, le débat ne sera jamais réglé et chacun l’appréhendera à sa façon. Plus concrètement, le AC/DC 2024 n’est plus « au niveau » du AC/DC de Donington 1991 mais qui oserait reprocher à des jeunes de 15 ans d’être allés les voir à Longchamp cet été ? Après tout, chacun fait ce qu’il veut et des puristes pourraient même vous dire que le AC/DC période Bon Scott reste inégalé sans que l’on sache si c’est un commentaire justifié / avéré ou une simple posture… Payer nettement plus cher pour voir un groupe qu’on a déjà vu en « meilleure forme » ça paraît un peu absurde exprimé ainsi, mais là encore chacun fait ce que bon lui semble et surtout il me semble plutôt sain d’accepter au mieux les choses telles qu’elles sont au lieu de se contenter d'un « c’était mieux avant » certes parfois justifié mais souvent « réécrit" voir idolâtré a posteriori. J’en oublierai presque des musiciens sincèrement passionnés et heureux de porter l’héritage de groupes qu’ils ont tant aimé. Ne voyons pas du cynisme partout même si forcément, on aimerait que des jeunes musiciens portent une démarche novatrice mais c’est bien plus facile à dire… Et puis dans le cadre d’un AC/DC, la volonté d’innover n’a jamais fait partie de l’ADN du groupe, l’imagerie du groupe est très marquée par des décennies d’un immobilisme rassurant alors des tribute-band pourquoi pas ? Beaucoup de questions sans réponses figées. Rendez-vous donc au Bikini, beau site qui permet d’entrée de s’étonner du fait qu’un tribute-band peut remplir de plus belles salles que de jeunes groupes plus novateurs. Constatation que c'est un business qui fait recette. Ce qui donne raison à celles et ceux qui y participent et qui le font tourner. Bon, j’arrête là car si je suis venu, c’est que j’ai accepté de jouer le jeu et de me faire plaisir en retrouvant l’ambiance d’un groupe mythique dont les performances live m’avaient sacrément marqué au tournant du millénaire. Et plus encore par la suite lors de l’ébouriffant Black Ice Tour, derniers feux scéniques d'un Malcolm Young pas assez valorisé selon moi. Il est vrai que Brian et Angus ont toujours tellement pris la lumière (à raison, c'est un sacré phénomène cet Angus)… La salle est convenablement remplie, même si d’entrée, je note que le balcon est fermé (ce qui aura ses vertus, j'y reviendrai). L’ambiance reste plutôt calme, le public est plutôt intéressant car on trouve autant de sexagénaires (voir septua) que de jeunes et même de très jeunes (dont trois gamins promis à un bel avenir rappelant à leur père que « pour Pantera, il reste des places ! ». 10 ans !! Propre). The 5 Rosies La scénographie se remarque avec une jolie scène, une cloche avec un éclair dessus accrochée au plafond, des murs d’ampli Marshall sur lesquels on trouve trois canons de chaque côté. On sait où nous ne sommes pas perdus. Petit regret cependant avec l’absence de première partie, ce soir on aura les 5 Rosies et rien de plus. Le concert de 1h45 sera généreux, pas de soucis mais c’est qu’on a nos petites habitudes. Les quelques bandes d’introduction s’enchaînent et le groupe débarque sur Shoot To Thrill, morceau génial qui, sauf erreur, n’a jamais été utilisé par AC/DC pour ouvrir ses shows. Je précise d’entrée que ma connaissance du groupe australien est plutôt convenable mais loin d’être érudite et comme je sais que ce groupe a des puristes « jusqu’au-boutistes » je préfère préciser et afficher une certaine humilité. Visuellement, le spectacle proposé répond aux attentes. On s’y croirait. Un batteur (Eric) en mode Chris Slade (pour moi le batteur le plus impressionnant qui ait joué pour AC/DC n’en déplaise aux fans de Phil Rudd considéré comme l’authentique titulaire du poste), un guitariste rythmique (Pascal) et un bassiste (Zav) positionnés en retrait et n’avançant que pour assurer des chœurs, un Angus (Romain) plus vrai que nature avec un beau costume d’écolier bleu (et qui va cabotiner comme il se doit tout le show). Le quatuor est vite rejoint par Ed’, un Brian Johnson très crédible. Très vite, on note les détails. Les guitares et basses sont les mêmes, le béret de Brian est raccord et les mimiques, attitudes scéniques, coupes de cheveux sont vraiment très proches des originaux. C’est assez surprenant et très vite, mon cerveau a eu besoin de s’adapter tant l’illusion est bluffante. Bon forcément je n’ai jamais vu AC/DC dans un tel format de salle (donc d'aussi près) ce qui réhausse l’expérience tribute-band au passage (un argument pour les pour au passage). La setlist est une démonstration de force, très très orientée sur la période Bon Scott (même si Powerage probablement le meilleur disque du groupe est comme trop souvent zappé) et Back In Black évidemment, dont le morceau-titre est très vite dégainé. Tout juste un Stiff Upper Lip vient nous rappeler les futures livraisons du groupe et bien sûr, l’hymne Thunderstruck (très très bien assuré à la gratte au passage). Vocalement, le timbre de Ed’ est bien présent et si ça manque un peu de whisky / jus de houblon sur les cordes vocales (ce qui est plutôt sain pour Ed’ à tout dire) ça le fait super bien. Non vraiment, la boîte à souvenir fonctionne à fond, les hits s’enchainent avec de fait assez peu de surprises mais il y a tant de classiques indémodables que le groupe francilien ne peut échapper aux fondamentaux. Girls Got Rythm fait un bel effet, If You Want Blood … également rappelant que Highway To Hell c’était plus qu’un single fracassant (qui n’est d’ailleurs pas ma chanson préférée du groupe très loin de là mais cette information n'a guère d'intérêt). Le groupe va très loin dans le mimétisme, notamment avec le strip-tease sur The Jack (pas nécessaire mais bon ça fait toujours marrer). Hells Bells est toujours impressionnante d’intensité avec ce riff hommage à Bon Scott toujours aussi dantesque. Les You Shook Me All Night Long (quelle efficacité !), T.N.T. fédèrent toujours autant. Forcément attendu sur les solos, Romain s’en sort incroyablement bien et si j’adore le riff bourre-pif de Let There Be Rock, je craignais un peu le long solo final (longuet avec AC/DC) mais là, le Romain transformé en rideau de flotte à l'instar de son modèle régale, arpentant la salle, montant au balcon pour épater l'auditoire pendant que la section rythmique assure le job sans coup faillir. Idem, on a le petit solo final sur la scène, qu’Angus ne fait plus depuis belle lurette. Le rappel, hyper classique avec l’iconique Highway To Hell et bien sûr le final For Those About To Rock (We Salute You) font toujours sensation, surtout ce passage accéléré entre deux coups de canon sur le final. |