Le 17 novembre dernier, Evergrey est venu nous présenter son nouvel album, Theories Of Emptiness, au Petit Bain. Ils étaient déjà passés dans cette salle en octobre 2022 pour la tournée précédente... et à cette occasion, c'était déjà le groupe italo-suisse Virtual Symmetry qui faisait office de première partie. On prend les mêmes et on recommence donc ! En deuxième position sur l'affiche, pas de Fractal Universe cette fois-ci mais le groupe Klogr. Evergrey est un groupe que je trouve vraiment à part et pour lequel j'ai une admiration certaine (par conséquent, je développe une incompréhension de plus en plus développée face au manque de reconnaissance que ces Suédois subissent mais bon... ça, c'est une autre histoire...), il était donc écrit que je me rendrais à nouveau au Petit Bain pour être l'un des témoins de ce nouveau set. Evidemment, j'ai bien fait. A dix-neuf heures pile, les lumières de la salle s'éteignent et la musique du film Terminator pose l'ambiance. Virtual Symmetry investit la scène avec le sourire et balance son metal progressif mélodique et entraînant avec assurance. Un nouvel album (Veils Of Illumination) sort en décembre mais il est déjà présent au stand merch ce soir... et c'est bien sous le signe de la nouveauté que ces messieurs attaquent la soirée car ils proposent d'entrée de jeu les deux premières pistes de cet opus : Heart's Resonance et Canvas Of Souls. On est face à une musique qui n'est pas sans rappeler celle de leurs compatriotes de DGM, avec des influences Dream Theater indéniables... et c'est plaisant sans être totalement scotchant. Les nouvelles chansons ont de belles mélodies sous le capot et la virtuosité des musiciens est évidemment remarquable. J'apprécie la simplicité, le sourire des gars... le bassiste a l'air très content d'être là, le batteur ne se ménage pas, le claviériste est bien plus sobre et concentré, le guitariste prend des poses et expressions faciales plus concernées... le chanteur Marco Pastorino - également connu par les fans de power comme guitariste ou chanteur (ou les deux) chez Serenity ou Temperance - a une belle voix et fait preuve d'une certaine nonchalance sur scène... il est tout aussi sympathique que les autres mais gagnerait - à mon humble avis - à travailler un peu plus son côté frontman. Un poil de charisme supplémentaire ne nuirait pas... même si on notera ses efforts pour se mettre l'assistance dans la poche... avec, par exemple, la ruse classique de la phrase faussement provocatrice qui compare Paris à une autre ville : "hier, on a joué à Nantes, le public était incroyable, on s'était dit que Paris n'arriverait pas faire autant de bruit"... personne n'est dupe mais on se prête au jeu avec le sourire. Il se risque même à une petite phrase en français, plutôt bien exécutée : "la prochaine chanson s'appelle The Paradise Of Lies". Après la nouveauté, viennent logiquement des titres plus anciens comme The Paradise Of Lies, entraînante... mais pas autant qu'Exodus et son refrain fédérateur sur lequel Pastorino fait agiter les mains du public en rythme (façon "essuie-glaces"). Pour info, pendant que Virtual Symmetry s'exécute, on peut aussi regarder les clips du groupe diffusés sur deux écrans disposés sur scène. Cela ne me pose pas spécialement de souci (d'autant plus que les vidéos ont été tournées dans de beaux endroits ou paysages) mais certains y verront peut-être une distraction pas forcément nécessaire, attirant parfois leur regard sur des musiciens filmés en vidéo alors que les vrais gars sont juste devant nous. Un Come Alive énergique (avec un riff bien accrocheur) viendra clôturer un set bien agréable de trente-cinq minutes passées très vite. J'en aurais même bien repris un peu... mais la soirée est loin d'être terminée. Setlist Virtual Symmetry : Heart's Resonance Canvas Of Souls The Paradise Of Lies Exodus Come Alive Le deuxième groupe à jouer ce soir est d'origine italienne et se nomme Klogr... nom que ne je ne savais absolument pas prononcer correctement avant d'entendre la vérité sortir de la bouche du frontman du groupe, le chanteur guitariste Rusty. Maintenant je sais, ça se dit "Kay Lo Gar". Voilà pour l'anecdote absolument pas indispensable. De rien. Musicalement, gros changement de style et d'ambiance. On est en présence d'un metal alternatif plus moderne et sombre. Et cela se perçoit d'ailleurs immédiatement à travers les vidéos bien moins bucoliques que celles de Virtual Symmetry. Sur les écrans, des visions cauchemardesques, des corps qui se tordent, des visages qui hurlent, des animaux morts et j'en passe... Pour ma part, je découvre totalement le groupe ce soir et me rends assez rapidement compte que la proposition musicale n'est pas tout à fait ce qui me fait vibrer. Mais cela n'enlève rien à la force de frappe de Klogr ni à l'intensité qui se dégage de sa prestation. La section rythmique est particulièrement percutante, le show est plus théâtral, Rusty fait bien plus ressentir son implication dans sa façon d'incarner ses chansons sur scène, il y a moins de nonchalance ou de décontraction qu'en début de soirée, c'est clair... c'est évidemment plus raccord avec une musique à l'identité plus dark ou lourde. On sent une démarque artistique plus poussée, barrée... une adéquation plus forte entre le fond et la forme. Les derniers morceaux du set m'accrochent davantage, je les trouve plus entraînants, plus rapides... Mais globalement, je dois me rendre à l'évidence, Klogr, ça n'est pas trop "ma came" comme on dit. Le frontman s'adresse plusieurs fois à nous, parfois en français "Fais du bruit !!", nous fait part de son engagement écologique avant d'introduire une chanson s'y référant et balance un petit "Free Paul Watson right now" (vous savez, le gars incarcéré au Groënland en raison de ses actions contre la flotte baleinière japonaise), le tout dure quarante-cinq minutes se conclut sur un enthousiaste "this was the best Klogr show ever, because of you"... et je suis bien dans l'incapacité de vous fournir une setlist détaillée du show. Toutes mes excuses. S'il y a bien un point commun entre les trois groupes de ce soir, c'est la volonté de proposer un show visuel un peu plus poussé qu'à l'accoutumée (pour ce genre de "petit concert" dans une salle intimiste, j'entends) par le biais des fameux écrans disposés sur scène. Juste avant l'arrivée d'Evergrey, on note que la disposition est d'ailleurs un peu différente, avec une autre dalle lumineuse placée en fond de scène qui va nous en mettre plein les yeux pendant le set à venir. Les Suédois s'apprêtent à monter sur scène, tête d'affiche oblige l'ambiance est montée d'un (gros) cran... un compte à rebours est lancé sur les écrans et des animations conformes au style visuel du dernier album Theories Of Emptiness nous occupent la rétine pendant que le Petit Bain est plongé dans l'obscurité (partielle, forcément). Les musiciens sont chaleureusement acclamés quand ils montent sur les planches et Rikard Zander abandonne tout de suite son clavier pour venir headbanguer aux côtés du bassiste Johan Niemann sur les premières mesures de Falling From The Sun. Excellent ! Gros son, grosse ambiance, titre entraînant et fédérateur... ça démarre sur les chapeaux de roue. Mais on note un petit souci de son sur le micro de Tom Englund. Dommage, soit la réverb est excessive à certains moments, soit on a du mal à entendre le chanteur. Ca va s'améliorer, bien heureusement, par la suite... même si d'autres imperfections seront à signaler. On en reparle. Le nouvel album continue d'être mis en valeur avec l'excellente Say en deuxième position. Et ce n'est pas fini puisque je peux déjà vous spoiler la suite en vous révélant qu'il y aura cinq morceaux extraits de Theories Of Emptiness... ... ce qui permet d'affirmer qu'Evergrey n'est pas un groupe nostalgique. En effet, il compte bien "défendre" son nouveau bébé sur scène. Cette remarque n'est pas seulement valable en raison de cette promotion d'une sortie récente, non, les fans des premières heures des Suédois ne seront pas à la fête ce soir, setlistiquement parlant. Pas UN SEUL TITRE émanant d'un des quatre premiers albums du groupe (pas la peine d'attendre Solitude Within, Masterplan ou Recreation Day... tous ces classiques brillent par leur absence). Si l'on prend les huit premiers opus sortis par Evergrey entre 1998 et 2011, on se rend compte qu'un seul morceau de cette période est conservé : A Touch Of Blessing (album The Inner Circle, 2004), c'est tout. Mais si vous aimez ce qu'Evergrey fait depuis 2014 (année de sortie de Hymns For The Broken), la setlist de ce soir était taillée pour vous. Suis-je en train de me plaindre parce que je n'ai pas eu mon compte de vieilles chansons ? Non, pas du tout. Car le moment passé et les titres proposés sont excellents. Midwinter Calls est une tuerie et son refrain avec ses "Wo-ho"est longtemps repris par les fans, même le morceau terminé. Distance, rescapée de The Storm Within, est énorme... La classe de ce morceau, c'est quelque chose ! Les hits s'enchaînent... comment résister à l'impact produit par Eternal Nocturnal, les riffs implacables de A Silent Arc, la mélancolie mélodique de Call Out The Dark ou le gros moment unificateur qu'est One Heart (on l'avait bien senti au moment de la sortie de l'album, que ce titre était taillé pour le live) ? Aucun temps mort, les musiciens sont excellents (Henrik Danhage prend bien la pause sur le devant de la scène à chaque solo), les fans ont l'air ravi... Le nouveau batteur, Simen Sandness se démène avec énergie (sa batterie est d'ailleurs placée sur le côté droit de la scène et de profil, histoire de bien montrer que le remplaçant de Jonas Ekdahl n'est pas un rigolo), il se met souvent debout, monte sur son tabouret, remue les bras pour inciter la foule à acclamer le groupe... bref, il se dépense sans compter. Par contre, j'avais dit qu'on en reparlerait du son et de la voix et c'est maintenant : vocalement, on a connu Englund en plus grande forme. Sa performance n'est pas honteuse mais le chanteur guitariste a parfois l'air un peu fatigué. Alors oui, il y a quelques soucis de micro mais ce n'est pas tout, Tom manque parfois un peu d'aisance ou de puissance. C'est comme ça, ça arrive... et par ailleurs, il nous livre quand même de très belles choses. On ne lui en voudra donc pas. D'autant plus que le bougre compense avec un jeu de guitare remarquable et des échanges très sympas ou drôles avec l'assistance. Des exemples ? Il répond "non" à un gars du public, après l'avoir dévisagé quelques secondes, lorsque ce dernier crie "on veut passer la nuit avec vous"... il fait mine de demander aux fans quel titre ils veulent entendre maintenant, interroge même des personnes du premier rang, pour finalement lâcher "on s'en fout de ce que vous voulez, on va jouer la setlist, je me reposais juste la voix", il dira que Nick Cave est en concert ce soir à Paris et que certaines personnes ont préféré aller le voir avant de crier, sur le ton de la plaisanterie évidemment, "Fuck Nick Cave !", fera monter un jeune garçon fan du groupe sur scène avant de lui passer sa guitare autour du cou et lui offrir un médiator... Bref, plein de moments très cool, voire mémorables, qui font qu'un concert n'est pas qu'une suite de chansons interrompue par quelques applaudissements. Après un Save Us aussi fédérateur qu'écrasant, le groupe abandonne temporairement la scène, se fait rappeler comme il se doit et enchaîne A Touch Of Blessing (LE vieux classique du set), l'imparable hymne King Of Errors et, de façon plus surprenante, un beau titre du dernier album, moins metal, moins hymnesque, puisqu'il s'agit de Our Way Through Silence. Je ne m'attendais pas à une conclusion comme celle-là mais je ne m'en plains pas, ça fonctionne très bien. Encore une fois, Evergrey a donné un très beau concert chez nous. Espérons que la prochaine fois (qu'il n'y a aucune raison que je loupe), il y aura encore plus de monde (mais il faudra une salle un peu plus grande, Tom le suggère d'ailleurs à la fin du concert, car c'était bien bondé ce soir), qu'Englund sera un poil plus en forme... et que le groupe continuera de nous éclabousser de son immense talent (pas trop de doutes à ce sujet) et ce sera parfait ! Peut-être deux trois vieux titres en plus quand même ? Juste pour le vieux fan que je suis, ça ne gâcherait rien. Un grand merci à Garmonbozia pour l'accréditation ! Setlist Evergrey : Falling From The Sun Say Midwinter Calls Distance Eternal Nocturnal A Silent Arc Call Out The Dark One Heart Where August Mourn Weightless Misfortune Save Us ----------------------------- A Touch Of Blessing Kings Of Errors Our Way Through Silence
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