Quatre ans se sont écoulés depuis le dernier passage de Soilwork à Paris. En
2019, je les avais retrouvés avec plaisir (d'autant plus qu'ils étaient accompagnés
d'Amorphis) et, au vu des dernières sorties du groupe
(à savoir les excellents A Whisp Of Atlantic et Övergivenheten), il me tardait de remettre ça. Comme il y a
quatre ans, l'affiche est une co-tête avec, cette fois-ci, Kataklysm comme partenaire de route. En ouverture, les
Américains de Wilderun vont se charger de chauffer la salle.
Pour cette date, La Machine du Moulin Rouge n'affiche pas complet (ce qui me surprend, surtout vu
l'évolution plus que réussie de Soilwork ces dernières années, mais ceci est est une
autre histoire), ce qui ne va pas empêcher la fosse de progressivement bien se remplir dans la
soirée et l'ambiance d'être excellente. Mais commençons par le commencement.
L'affluence est plus que timide quand Wilderun investit
la scène. Et pour cause, il est assez tôt (18h30). Le groupe dispose d'une quarantaine de
minutes pour convaincre... ce qu'il va plutôt réussir à faire même si quelques
petits bémols (relatifs et parfois subjectifs) vont légèrement compliquer sa
mission. La musique proposée par le quatuor est intéressante mais pas forcément
hyper facile d'accès quand on ne connaît pas très bien les morceaux au
préalable... et c'est mon cas, je me dois de le confesser. Les compos proposées sont
longues (une dizaine de minutes), précédées d'intros atmosphériques qui
prennent leur temps. Cela n'enlève rien à la qualité de l'ensemble ou de la musique
proposée mais l'entrée en matière n'est pas des plus percutantes. Pourtant, le
premier morceau proposé, O Resolution, possède une rythmique et une ambiance
assez épiques mais ce qui manque aux Américains est un son à la hauteur. Ca n'est
pas catastrophique, on a déjà entendu bien pire (surtout pour une première partie
à la Machine du Moulin Rouge) mais les guitares manquent de clarté et il n'est pas
toujours évident de bien distinguer toutes les mélodies (aussi bien au niveau des riffs
que du chant). Cependant, on entend suffisamment bien pour se rendre compte qu'il y a du niveau et de
l'ambition.

Ce metal progressif parfois épique, parfois plus folk, incluant
blasts et vocalises extrêmes de temps à autre, me semble vraiment bien écrit
(forcément très changeant et donc un peu décousu par moment, surtout pour le
néophyte que je suis) et je me dis qu'il va falloir que je creuse ça à tête
reposée dans un futur proche. Il semblerait qu'en ignorant ce groupe jusque-là, je sois
passé à côté de quelque chose. Niveau prestation scénique, c'est
solide mais calme. Les musiciens sont plutôt statiques et concentrés, surtout le
guitariste. Le chanteur est agréable, posé et communique (brièvement, il n'a pas
beaucoup de temps) avec nous pour présenter le groupe, les chansons jouées et nous dire sa
joie de jouer à Paris. Le groupe semble humble, enthousiaste et reconnaissant. Au programme, on
notera deux titres extraits du plus récent Epigone (Identifier et Passenger) ainsi que deux compos
provenant de l'album précédent (O Resolution et Far From Where Dreams
Unfurl). J'écoute tout cela avec intérêt et remarque le niveau
indéniable du quatuor, notamment celui du batteur au jeu très varié et
impressionnant. Les conditions ne sont pas totalement optimales pour déclencher chez moi un
enthousiasme démesuré (sans parler du fait que, stylistiquement, par rapport aux deux
autres groupes présents sur l'affiche, Wilderun n'est pas tout à fait raccord et manque un
peu d'énergie) mais cela reste une jolie découverte.
 
Setlist Wilderun :
01. O Resolution 02. Identifier 03.
Passenger 04. Far From Where Dreams Unfurl
Gros changement d'ambiance un peu plus tard avec
Kataklysm. Très honnêtement, je ne suis pas un grand fan du groupe que je
connais assez peu (oui, encore une fois... je ne cache pas que j'ai fait essentiellement fait le
déplacement pour Soilwork). Mais je vais me laisser happer, pendant un temps du
moins, par la prestation des Québécois. Pour être tout à fait honnête,
au moment où le set démarre (vers 19h30) je n'ai pas une envie folle de m'attarder dans la
salle... mais l'ambiance d'un début de concert percutant, le fait que la salle se soit un peu
plus remplie et que le public se montre plus démonstratif, et la présence de compos
rentre-dedans riches en gros riffs puissants et parties de batterie qui décapent me poussent
à rester. Et je trouve ça très sympa. Ca me surprend même. J'avais
écouté quelques titres auparavant et, sans trouver la proposition mauvaise, n'étais
pas tombé amoureux du groupe... mais force est de constater que ce metal de bûcheron
particulièrement solide qui invite au headbanging est particulièrement bien taillé
pour le live. Alors, je reste (presque) jusqu'au bout. Presque parce que, quand même, avec quinze
titres (répartis sur une heure et quart) qui laissent peu de place à la nuance ou à
la variété, une petite lassitude va se faire sentir en cours de route.
 
La prestation est carrée, le groupe bouge bien sur scène, le
guitariste et le bassiste échangent volontiers leur place pendant que le vocaliste harangue la
foule. L'énergie ne manque pas à l'appel... et la fosse se met en mouvement (avec le
premier pogo de la soirée sur Where The Enemy Sleeps). Le groupe pioche
allègrement dans son répertoire (les vétérans ont quand même quatorze
albums à leur actif), ce qui, visiblement, ravit bien l'assistance. Le son est bon, très
compact... et tout cela est bien efficace. Ce qui est très sympa aussi tient au fait que
Maurizio Iacono aborde son rôle de frontman avec décontraction (il n'est
pas le seul d'ailleurs, le guitariste envoie du gros riff qui déboîte... mais toujours le
sourire aux lèvres) et que les échanges avec le public (en français) sont
très sympas et non dénués d'humour (il y aura notamment tout une conversation sur
les expressions québécoises). Reste que, malgré toutes ces qualités, je
décroche un peu en cours de set... Peu importe, je ne suis pas un "connaisseur" mais je vois bien
que les fans se régalent.

Setlist Kataklysm :
01. Push The Venom 02. Guillotine 03.
Narcissist 04. Underneath The Scars 05. Where The Enemy
Sleeps 06. Manipulator Of Souls 07. To Reign Again 08. The
Killshot 09. Outsider 10. Crippled And Broken 11. At The
Edge Of The World 12. As I Slither 13. In Shadows And
Dust 14. The Black Sheep 15. Blood In Heaven
Il est temps de parler du groupe pour lequel je me suis
déplacé : Soilwork. Je n'étais pas inquiet. J'étais
même assez confiant. Et j'avais raison : le concert donné par les Suédois fut
excellent. Peut-être même meilleur que ce à quoi je m'attendais. Je me demandais qui
succéderait à David Andersson (RIP) pour cette tournée, il s'agit
tout simplement du même guitariste aperçu lors de la tournée
précédente en 2019 : Simon Johansson. Rasmus Ehrnborn
est la dernière recrue au poste de bassiste. Pour le reste, on retrouve les mêmes musiciens
: Björn Strid évidemment (chant), le guitariste Sylvain
Coudret (l'élément français du combo, toujours aussi volubile et
habité sur scène, l'indéboulonnable Sven Karlsson aux claviers (le
membre le plus ancien de cette formation, après Strid qui reste le seul
rescapé du line-up originel) et le batteur Bastian Thusgaard fidèle au
poste depuis six ans maintenant.
  
Si certaines formations aiment piocher dans toutes les périodes de
leur carrière et faire plaisir à leurs fans en leur ressortant de nombreux vieux
classiques, Soilwork, lui, ne donne pas vraiment dans la nostalgie. Il semble conscient
que ses disques récents font partie des plus réussis qu'il ait pu sortir et il ne faudra
pas s'attendre à trop de titres provenant des quatre ou cinq premiers travaux de sa discographie.
Ainsi, le show démarre en trombe avec un Övergivenheten pour le moins redoutable.
Le son est plutôt bon, le groupe est en forme, conquérant... et le public remonté
à bloc. L'ambiance est très festive (ce qui m'étonne toujours un peu vu le niveau
de complexité de la musique proposée et le fait qu'elle ne soit pas toujours des plus
chaleureuses)... et cela ne se démentira tout au long du set, bien au contraire.
 
Sans temps mort, le groupe enchaîne avec l'excellente This
Momentary Bliss et le classique Stabbing The Drama qui, il n'y a pas si longtemps que
cela, était le titre avec lequel Soilwork aimait bien clôturer ses
concerts. Cette compo sera d'ailleurs l'une des rares à représenter les premières
années discographiques des Suédois. Et quand je parle de "premières années",
je balaye hyper large car j'inclue tout ce qui est sorti entre 1998 et 2010, ce qui représente
tout de même pas moins de huit albums ! Sachez qu'il n'y aura guère que Bastard
Chain (seule rescapée de l'excellent A Predator's Portrait) à mi-parcours
et Nerve (extraite de Stabbing The Drama) vers la fin du set pour témoigner de
cette époque. Comme dit plus haut, le groupe capitalise sur ses efforts plus récents et ce
sont clairement The Living Infinite, Verkligheten et Övergivenheten qui se taillent la part du
lion. Evidemment, je n'aurais pas boudé quelques "vieilleries" supplémentaires mais
difficile de faire la fine bouche face au déferlement d'excellents morceaux qui composent la
setlist proposée ce soir : les nouveaux titres (que ce soient les speed et rageurs Is It In
Your Darkness et Electric Again ou les plus tubesques singles Valleys Of
Gloam et Harvest Spine) passent haut la main l'épreuve du live, on se
régale quand arrive The Nurturing Glance (introduite par un petit discours à la
mémoire de David Andersson)... Death Diviner, qui porte les couleurs du EP A Whisp
Of Atlantic, nous scotche sur place (ce riff... et cette prestation vocale quatre étoiles
de Strid ! Irrésistible)... Et comment ne pas succomber face à The
Ride Majestic, jouée en première position dans le rappel, ou le hit ultra
mélodique Stålfågel qui servira de conclusion
fédératrice à ce show ?
  
Ce qu'il y a de fort dans ce concert ne tient pas qu'à la
qualité des compos jouées par le groupe. L'interprétation est également
particulièrement convaincante, l'ambiance sur scène (et dans la salle) excellente :
Rasmus est un bassiste charismatique qui participe régulièrement aux
chœurs, les guitaristes Simon et Sylvain ont la bougeotte... la
complicité entre ces trois lascars fait plaisir à voir, ils se regroupent
régulièrement, affichent des sourires éclatants (Sylvain tire
gentiment sur la barbe de Simon pendant qu'ils jouent), échangent leur place...
bref, ils font le show. Bastian, derrière ses fûts est "physiquement"
moins démonstratif, il joue même avec un certain flegme et un sourire tranquille qui ne se
marient pas toujours très bien avec les parties hallucinantes qu'il exécute ! Sven est
plus réservé derrière son clavier mais tout aussi efficace que les autres... et
bien sûr, il y a Björn : impressionnant, aussi bien physiquement que
vocalement. Les fans se régalent, ils chantent, ils crient, ils pogotent, certains montent sur
scène pour se jeter dans le public... la fête bat son plein pendant
l'intégralité du set. Les soixante-quinze minutes passent à une allure folle et
nous laissent avec l'envie de revivre ça rapidement. C'est simple, Soilwork
démontre qu'il n'est pas seulement l'un des groupes de mélodeath les plus créatifs
et performants du moment sur album mais aussi l'un des plus redoutables et fun sur scène. Quel
dommage que tout le monde ne le sache pas, il est en effet quasi-incompréhensible, vu le talent
démontré, que ces Suédois ne jouent pas dans une salle plus remplie ou tout
simplement plus grande. Une prochaine fois ? C'est tout le mal qu'on leur souhaite.

Setlist Soilwork :
01. Övergivenheten 02. This Momentary
Bliss 03. Stabbing The Drama 04. The Living Infinite I 05.
Is It In Your Darkness 06. Electric Again 07. The Living Infinite
II 08. Bastard Chain 09. Valleys Of Gloam 10. The Nurturing
Glance 11. Harvest Spine 12. Death
Diviner ------------------------------- 13. The Ride
Majestic 14. Arrival 15.
Nerve 16. Stålfågel
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