Alertes orageuses ce soir sur Toulouse, encore au cœur d’un mois de juin où nous en avons pris quelques-uns et des méchants. Alors que la Ville Rose célèbre encore l’éclair de NTamack qui a redonné le titre au Stade Toulousain aux dépens de vaillants Rochelais, les fans de Metal se remettent doucement d’un Hellfest qui fut encore une belle réussite selon les premiers échos reçus. La saison des festivals offre ce petit plus en proposant des concerts de formations occupant ainsi l’espace (ainsi que leur temps) entre les différents weekends. Et ce soir, les Toulousains se voient offrir un beau cadeau avec la présence en ville de Meshuggah, formation hautement référentielle. Le groupe suédois devait déjà venir au printemps 2020 mais la date fut annulée pour les raisons que chacun connaît. Dire que cette soirée est attendue de pied ferme est un euphémisme tant c’est l’ambiance des grands soirs qui règne au Bikini : date à guichets fermés, présence massive du public dès l’ouverture, tout le monde est à bloc.
Gorod
Ça commence bien pour moi, car lorsque je rentre dans la salle, les lumières s’éteignent et l’intro de Gorod résonne. Timing parfait. Autant le dire, je ne connaissais Gorod que de nom, le groupe ayant les faveurs de l’ami Jean-Mich’Hell, grand fan des Bordelais. Pour ma part, j’étais un peu craintif car leur musique semble exigeante tant l’étiquette death technique progressif me fait un peu peur (quand bien même je sais qu’il faut se méfier de ces dernières mais que voulez-vous !). Et quelle belle surprise que ce show de Gorod ! Si ça démarre pied au plancher avec une compo assez in your face, les qualités du groupe sautent aux yeux : chanteur puissant et présent, guitaristes surdoués affichant d’emblée un niveau technique hors-sol, un bassiste remuant, souriant, lui aussi très présent et un batteur à la frappe solide et claire. Dès la deuxième compo, le plan mélodique m’impressionne. Cela m’a rappelé le Gojira de Global Warning et c’est un délice. Plus globalement, j’ai vraiment aimé la capacité de Gorod à aérer son death bien coriace avec ce type de passages qui donnent de l’ampleur à leur musique et permettent de bien respirer. Globalement, Gorod aura alterné titres plus percutants et d’autres plus mélodiques avec au passage un solo de batterie d'une fluidité remarquable suite à un passage où les guitares étaient plus légères avant de repartir pied au plancher sans que le rythme ne faiblisse. De la très belle ouvrage, il y a du savoir-faire chez Gorod.
Julien « Nutz » Deyres communique bien avec le public qu’il remercie de sa présence tout en précisant ne pas être dupe quant aux raisons de sa vraie venue... même si je me permettrais de nuancer car la salle était déjà copieusement garnie et Gorod y était attendu... et pas que par politesse. Aussi, vu la moiteur dans la salle, que les musiciens n’aient pas de doute, si on est resté, c’est que ça nous plaisait ! Proposant quelques nouvelles compositions de leur dernier The Orb (paru au premier trimestre 2023), Gorod en profite pour bien brasser même si, timing oblige, une sensation de trop peu se fera sentir à la fin de leur show. Un bel hommage, élégamment exprimé, est rendu par le chanteur à un ami du groupe décédé. Les musiciens sont par ailleurs très impliqués et heureux de reprendre la route avec ce nouvel effort. Une très belle découverte (bien tardive !) pour moi. Très bon show, bien costaud, qui aura ravi un public conquis qui se sera bien remué en dépit d’une chaleur contraignante dans le Bikini. Un excellent démarrage.
Je profite de la pause pour prendre l’air et ça fait du bien. Le Bikini fête en ce mois de juin ses quarante bougies avec un lot de concerts aussi qualitatifs que variés de Manu Chao, Louise Attaque, à la traditionnelle doublette Psykup – Sidilarsen en passant par Papa Roach ou autre Nada Surf... bref du très bon. Les extérieurs sont en mode estival avec installation d’un terrain de pétanque, différents jeux et une atmosphère de guinguette de saison. Bière en main, je retourne dans la salle, aperçois les musiciens de Gorod présents à leur stand et récoltant de bien légitimes louanges, confirmant cette réputation de types souriants qui les suit.
Meshuggah
Place au groupe hyper attendu de la soirée, les « déglingués » de Meshuggah. Remarque affectueuse sur un groupe qui va encore tour écraser sur son passage ce soir. Tout est hyper carré avec les Suédois et on ne s’étonnera pas d’un démarrage hyper ponctuel (à la scandinave !!) avec les horaires annoncés par le tourneur. D’entrée de jeu, tout impressionne. Le son, monumental, reste une des marques de fabrique du groupe. Quelle force de frappe, quelle puissance dévastatrice... d’une absolue clarté. Seul le paquet d’Avants du Stade Rochelais peut m’offrir un semblant de comparaison (pour celles et ceux qui l’ont !). La scénographie ensuite, très belle. La batterie du phénoménal Tomas Haake surplombe une très belle scène avec quatre éléments de décor reprenant l’artwork du petit dernier Immutable, chaque musicien se positionnant devant et étant ainsi éclairé (dans un très beau rouge) par l’arrière. Rendu somptueux, rythmique "basique" implacable dans une longue intro ébouriffante, Meshuggah défonce tout le monde d'entrée de jeu.
Comme toujours, les musiciens brillent par leur immobilisme sur scène, chacun restant bien figé à sa place. Autre spécificité du groupe, un chanteur réduisant la communication au minimum syndical. Seule la musique doit parler et alors là, pfff... quelle baffe !!! L’immersion est aussi permise par des jeux de lumières sublimissimes entre effets stroboscopiques, lights colorés, ça le fait vraiment !! L’expérience est totale, toujours aussi hallucinante. Alternant titres en mode rouleau compresseur en apparence basique (gros riffs roboratifs qui martèlent et détruisent à l’usure l’auditoire) et riffs typiques djent, poisseux qui font remuer une foule ne sachant trop s’il faut suivre les guitares ou la batterie, tout ce petit monde ne jouant pas systématiquement sur les mêmes temps ! Spécificité incroyable de ce groupe tant suivi et imité sans que jamais qui que ce soit n’ait pu les égaler. Ah, sacré concept que ces structures polyrythmiques. Dernier point, et pas des moindres : les vocaux de Jens Kidman, lui qui arbore désormais une belle barbe (comme tous ses camarades), sidèrent toujours autant. Puissance vocale impériale, voix très profonde, il en faut du coffre pour exister face à un tel mur sonore ! De même, il est toujours aussi charismatique en dépit d’interventions réduites à portion congrue.
Ce qui m’a particulièrement impressionné (une fois de plus avec eux) c’est l’épaisseur du son, la clarté de ce dernier mais aussi la structure générale du show où les alternances subliment certains passages dont les riffs ont fait exploser une salle sidérée. Ayant rejoint le balcon où la densité humaine permettait de limiter les effets de la chaleur d’un Bikini en fusion, le rendu général est visuellement fascinant avec ces colosses imposants sur une scène inondée de beaux lights. Groupe profondément marquant dont on n’est pas toujours certain de tout comprendre (pas très souvent même pour être sincère) mais qui vous scotche littéralement avec des riffs presque surréalistes de violence maîtrisée. Grosse date ce soir au Bikini avec un Gorod bluffant d’aisance et un Meshuggah toujours aussi impressionnant. Un groupe à part aux performances live toujours délirantes. A voir absolument, pas toujours simple à absorber tant c’est dense, épais, tortueux mais incomparable, profondément immersif. Et ce son … Mais sérieux comment font-ils ?! Amusant aussi de voir la réaction du public, où on peut observer (sommairement) deux types de réaction entre gens médusés et sincèrement bluffés et d'autres plus à s'éclater dans la fosse notamment. Un groupe à part !
Setlist de Meshuggah :
Broken Cog
Light The Shortening Fuse
Rational Gaze
Pravus
The Hurt That Finds You First
Born In Dissonance
Mind's Mirrors (Instru)
In Death - Is Life
In Death - Is Death
The Abysmal Eye
Straws Pulled At Random
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Demiurge
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