Artiste/Groupe:

Salò

CD:

Sortez vos morts

Date de sortie:

Février 2021

Label:

Cold Dark Matter Records

Style:

Blackened Crust

Chroniqueur:

Mythos

Note:

16.5/20

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Si tu commences 2021 sur un album titré Sortez vos morts, c’est que tu entames bien l’année (et ton moral au passage…). Alors si tu ajoutes que l’opus sort sur les labels Coups De Couteau (« dans la glotte », j’en rajoute un peu) et Cold Dark Matter Records. Et enfin, que le groupe s’appelle Salò, alors là, définitivement, tu peux, au choix et dans l’ordre que tu veux, te tirer une balle dans le crâne, te taillader les veines (choisis bien ton sens), ou t’ouvrir le bide.

Oui, messieurs dames, vous avez bien entendu, Sortez vos morts.

« Sortez vos morts », pour ceux qui n’ont pas forcément la référence, c’est le cri d’alerte, un peu hagard, que vous pouviez entendre durant la peste noire… Rapport aux cadavres que chaque maison devait vider après les différentes vagues de l’épidémie. Pour bien comprendre de quoi il en retourne, allez voir ce passage de Sacré Graal des excellents Monty Python.


Enfin, je pense qu’il n’est pas utile de vous rappeler dans quelle situation on se trouve… Bref, à la manière d’un Sordide à son époque (cf. La France a peur), Salò vise très juste. Alors bien sûr, Sortez vos morts est bourré de références. Le nom du groupe provient, sans aucun doute, du film du quasi même nom, signé Pier Paolo Pasolini, Salò ou les 120 Journées de Sodome. Un film qui raconte les dernières heures du régime fasciste italien, le régime de Salò installé en 1943 dans cette même région, où quatre notables (représentants les quatre fonctions primordiales : le Duc, l’Évêque, le Juge et le Président) imaginent un plan assez sordide (c’est le cas de le dire) divisé en quatre étapes : « Vestibule de l’enfer », « Cercle des passions », « Cercle de la merde », « Cercle du sang », inspiré du marquis de Sade et de Dante. Si vous n’avez pas encore vu le film, sans doute que l’album vous touchera beaucoup moins. Personnellement, les images du film me sont assez vite revenues, chaque cercle étant assez « fin », à sa manière… Précautions utiles : ne mangez pas, avant, ni pendant le film, préparez un seau, et ne détournez jamais les yeux, malgré l’horreur. Et là, je fais utilement référence à une phrase de l’historien Georges Didi-Huberman, à propos de la Shoah :

« Malgré l’enfer [dit-il], malgré les risques encourus. Nous devons en retour les contempler, les assumer, tenter d’en rendre compte. Images malgré tout : malgré notre propre incapacité à savoir les regarder comme elles le mériteraient, malgré notre propre monde repu, presque étouffé, de marchandise imaginaire ».

Oui, il faut regarder, regarder pour prévenir, regarder pour comprendre.

Il en va de même pour Salò, le film, comme Salò, le groupe, écouter pour prévenir, écouter pour comprendre, ce qu’il se passe, dans nos sociétés contemporaines.

Vous allez me dire, « mais alors, niveau musical, de quoi il en retourne ? ». C’est vrai, je n’ai pas encore parler du principal, de ce qui vous importe sans doute le plus à la lecture d’une chronique : « qu’en est-il, musicalement parlant » ?  

On se situe entre du Black ultra référencé (Glaciation, Decline Of The I, pour ne citer qu’eux) et du Crust bien virulent (Sordide revient par ici). Car l’ultra référencement continue dans le texte. On ouvre le bal macabre avec la première piste, La moral c’est ça..., qui n’est rien d’autre que l’introduction du meilleur film de Gaspard Noé (à mon sens) : Seul contre tous. Là aussi, l’idée fait mouche, et comme dans Seul contre tous, c’est frappant, direct, incisif. Si ce n'est pas fait, allez voir le film de toute urgence. Tu vas manger tes morts.


Donc, du très très bon Blackened Crust de Normandie, bien ficelé, puissant, rapide, un bon gros coup du lapin, amené avec une voix grave et criarde qui rappelle Famine (désolé, ou pas, à vous de voir, pour la référence). La musique sert ensuite un propos qu’il est assez important de déceler et que je vous résume, pour faire simple, en quelques mots : critique de la société capitaliste, marquée par une césure assez forte entre les Puissants (les Riches) et le reste, les Pauvres, le tout confronté à la crise sanitaire que l’on connait… Ça picote.

Bref, je ne vais pas vous faire une analyse sémiotique complète du bébé monstrueux. À vous de capter le reste des références cachées... En tout cas, Sortez vos morts est très solide, hyper cohérent, avec le plaisir du texte cryptique. Néanmoins, rassurez-vous, on peut tout aussi bien profiter de ce skeud en y allant naïvement, joyeusement (?), là est toute la force de cet opus : il capte et séduit en moins de deux écoutes au chrono, peu importe votre "background". Ajoutez à ça que le logo est signé Dehn Sora (par ici)... Je veux ma copie cassette de toute urgence, avec un petit coup de couteau s'il vous plaît.

Finissons quand même par ce passage de Seul contre tous, qui aurait pu être l’interlude de Sortez vos morts, s'il avait eu un peu plus de longueur…



Tracklist de Sortez vos morts :

01. La morale c’est ça…
02. Sans gêne ni haine
03. Sans toit ni loi
04. Tant d’interdits
05. Sonnez la curée
06. Contagion

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