Artiste/Groupe:

Nirvana

CD:

In Utero

Date de sortie:

1993

Label:

Geffen

Style:

Grunge

Chroniqueur:

ced12

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Disque à part, In Utero mérite à mon sens un petit retour tant il y a à dire sur ce disque. Comme toujours, un peu de contexte permet d’appréhender la sortie de ce disque. Apparu à la fin des années 80 avec un Bleach typiquement grunge avec un son de garage, des morceaux épurées et même des paroles non abouties avec réutilisation des mêmes lignes sur les différents couplets, Nirvana prenait déjà le contrepied de la scène glam des 80’s. Biberonné au son des Beatles (où on retrouvera un sens certain de la pop sur Nevermind) et des Pixies (sur lesquels on reviendra), Nirvana se faisait déjà remarquer avec un style garage, un potentiel certain mais aussi un aspect underground indéniable.  

Drivé par un certain Butch Vig qui polira le son de la bête, la tornade Nevermind emportera tout sur son passage y compris son principal héros. Immense succès tant artistique que commercial, starification délirante pour un Kurt Cobain déjà instable sur le plan mental, ce disque allait créer un gigantesque décalage entre un phénomène de starification et un groupe s’étant ouvertement construit en opposition à une scène glam / hard rock alors quelque peu décadente. Souhaitant ramener de la sobriété dans un monde de la musique en manquant alors considérablement, le groupe rejetait alors toute forme de médiatisation mais en était à son tour victime. Immense paradoxe entretenu par un Kurt Cobain archi charismatique, épousant Courtney Love. La compilation Incesticide, surfant sur le succès de Nevermind mais proposant une musique plus en lien avec la période Bleach, maintenait ce décalage.

Souhaitant se sortir de ce succès obtenu contre son gré et qu’il ne parvenait pas à gérer, Kurt Cobain appréhendait l’album suivant Nevermind comme ouvertement anti-commercial et pour ce faire décida de faire appel à Steve Albini, alors réputé pour avoir produit les premiers disques des Pixies. Retour à un rock indépendant donc, pas franchement radio-compatible. Le son de In Utero n’en sera que plus âpre, rugueux. L’anti-Nevermind. Même remarque sur les morceaux, moins accessibles. Point de Smells Like Teen Spirit ou autre Come As You Are dont il ne faut pas attendre plus de dix secondes d’écoute pour déjà sonner comme des classiques et embarquer l’auditeur. Heart-Shaped Box et sa mélodie typiquement grunge fonctionne bien mais il ne fallait pas s’attendre à un immense succès. Ajoutons un morceau comme Rape Me ouvertement provocateur et voilà un disque ouvertement pensé pour ne pas intégrer les rotations alors dominantes MTV.  

Point d’ambiguïté, je mets en avant le rejet médiatique de Kurt Cobain mais le gars ne s’est pas moqué de nous. On trouve de vraies bonnes chansons assez dans l’esprit Bleach tel Serve The Servants, ouverture aux guitares bien noisy mais au chouette refrain plaintif où la voix de Kurt Cobain continue de faire des merveilles et même de nous faire encore ressentir quelque chose, même près de trois décennies après son décès. Il avait quelque chose à nous dire, ce Kurt. Et il l’a merveilleusement dit, ce qui le rend intemporel ! Bien cradingues, les guitares de Scenteless Apprentice avec ce chant bien nerveux renvoient encore une fois à Bleach. Probable que Kurt Cobain voulait aussi signifier que le vrai son de Nirvana c’est bien celui-là et non la version "popisée" proposée dans Nevermind. De là à penser que son géniteur rejetait sa plus grande œuvre il n’y a qu’un pas, à relativiser certes vu le contexte psychologique de notre héros. Un Pennyroyal Tea trouvera une belle seconde vie dans le Unplugged. Je n’en ai que pour Kurt Cobain ce qui est un peu injuste pour une section rythmique alors performante et un Dave Grohl pas encore devenu le génial leader des Foo Fighters. Novoselic, en mode grand frère, permettait de tempérer un peu les délires de son fougueux leader, parfois ingérable. Mais ramener Nirvana au seul Kurt Cobain ne me semble pas non plus être un abusif raccourci tant ce dernier en était l’alpha et l’oméga jusqu’à sa fin tragique.

Disque particulier de par la psychologie de son auteur ainsi que l’immense paradoxe assez typique de notre modèle capitaliste où même les plus antisystèmes finissent par être récupérés par ledit système (la mouvance punk). Incapable de gérer ce décalage, Kurt Cobain tenta d’en sortir tout en ne lâchant rien sur l’aspect artistique tant cet In Utero contient tout de même d’excellentes choses, certes moins policées et de fait moins aisées à appréhender. Le Unplugged, véritable chant du cygne, permet encore de constater à quel point derrière un registre apparemment simple se cachait un immense groupe, très doué et capables de véhiculer de très belles émotions. Groupe de légende tant par sa responsabilité dans le déclin de la scène hard-rock que l’avènement de la scène grunge avant sa fin brutale et tragique (comme d’autres membres éminents de cette scène ayant tant marqué le début des 90’s), Nirvana a profondément marqué son époque et tous les ados fans de rock du début des 90’s. Et le groupe a en plus sorti de vrais bons disques avec de vraies bonnes choses. Légendaire !  

 

Tracklist de In Utero :

01. Serve The Servants
02. Scentless Apprentice
03. Heart-Shaped Box
04. Rape Me
05. Frances Farmer Will Have Her Revenge On Seattle
06. Dumb
07. Very Ape
08. Milk It
09. Pennyroyal Tea
10. Radio Friendly Unit Shifter
11. Tourette’s
12. All Apologies

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