Artiste/Groupe:

Nine Inch Nails

CD:

The Fragile

Date de sortie:

1999

Label:

Nothing

Style:

Indus

Chroniqueur:

ced12

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Trent Reznor est une légende de la musique industrielle. Ce n’est pas un scoop mais c’est difficile de proposer une chronique de Nine Inch Nails sans mentionner l’aura de son leader. Il est vrai aussi qu’on a moins de nouvelles de Trent Reznor. Ce dernier s’occupe plutôt depuis le début des années 2010 de BO de films, il a été oscarisé pour cela (avec son acolyte Atticus Ross) et leur travail sur ce film d’une qualité exceptionnelle qu’est The Social Network. On en oublierait presque le parcours fascinant de Trent Reznor qui s’est révélé à la toute fin des années 80 avec Nine Inch Nails et ce fameux Pretty Hate Machine qui fut un sacré choc. L’arrivée de machines au service d’un rock indus révolutionnaire, une esthétique particulière (destroy et post-apocalyptique) et une énergie très agressive. Une participation à la tournée des Guns, alors maîtres du monde, fut bien compliquée , le groupe étant très mal reçu par un public perturbé par une musique pas forcément adaptée (mais Axl à l’époque n’en faisait qu’à sa tête). Le milieu des années 90 représenta l’âge d’or commercial de NIN avec The Downward Spiral, carton commercial enregistré dans le manoir de Charles Manson. Scandale garanti, succès populaire. On peine à s’en souvenir mais Trent Reznor était à l’époque un des producteurs les plus demandés, lui qui travailla pour Rob Halford, mit le pied à l’étrier un certain Marilyn Manson et avait même participé un temps à la délirante gestation du mémorable Chinese Democracy.

The Fragile s’insère dans cette époque où tout semblait réussir à son créateur. Sauf que la réalité était bien différente entre mal-être existentiel, drogues et dépression. La thématique du successeur de The Downward Spiral s’en retrouva naturellement impactée. Après la déferlante d’énergie et bruitiste, place à une musique, plus intimiste et moins orientée pur indus. Les machines sont encore là, il y a encore ce style si particulier avec ses sonorités incroyables propres à NIN. Ne manquant pas de créativité, nous avons ici un double album dont les deux parties se répondent par contrastes. Intitulés respectivement Left et Right, les deux disques proposent une dynamique qu’on peut qualifier de moins agressive pour ne pas dire plus « molle », plus « sombre », ce qui décevra une frange du public de NIN. Pas évident à appréhender car très dense, The Fragile déstabilise et son atmosphère très dark, bien fin de millénaire participe à ce sentiment. Exemple assez parlant : le single The Day The World Went Away. On note déjà la présence de guitares où on voit que Trent Reznor délaisse (un peu) la pure musique indus pour aller vers des aspects plus naturels pour une très belle intro avant une rupture de rythme totale pour mieux repartir en fin de morceau. Surprenant, loin d’être inintéressant mais différent. D’autres bons moments sont à signaler tel que We’re In This Together et sa structure presque post-indus (la formule est de moi) avec un titre qui annonce presque l’avènement d’une scène post-rock. Ici, c’est fait à la sauce NIN avec toujours cette ambiance. Il y a beaucoup de matière ici et vraiment de quoi se sustenter. Trent Reznor, très lucide, réclamait que l’écoute de ce double-album se fasse d’un bloc mais honnêtement, cela nécessite un petit effort (et du temps) de l’auditeur. Je me demande comment il fait pour penser dans sa tête sa musique et comment il parvient à rendre cela cohérent et audible. Là est le génie du garçon et plus globalement de ces grands créatifs.

La réception de cet album sera mitigée, cette opposition douceur / violence en laissant quelques-uns sur le bas-côté. On soupçonne presque son géniteur d’avoir volontairement provoqué un « flop » commercial, un peu à la manière d’un Kurt Cobain allant vers de l’anti-commercial avec In Utero. On pourrait noter en ce sens la présence d’un certain Steve Albini à la production dans les deux disques comparés ici. Le succès commercial ne fut pas si mauvais avec des disques d’or obtenus aux US. A ce jour, NIN a vendu plusieurs dizaines de millions de disques ce qui en fait un des groupes les plus vendeurs. La tournée sera elle plus compliquée avec une overdose pour Trent Reznor, toujours plus autodestructeur. La suite fut plus positive, ce dernier réglant ses problèmes d’addiction l’année suivante.

La suite fut à mon sens moins captivante artistiquement que dans les années 90 où NIN fut véritablement révolutionnaire et incroyablement créatif au sein d’une scène indus rayonnante dans cette décennie. Trent Reznor eut du mal à gérer une décennie pas évidente pour lui sur le plan personnel, il a laissé des disques cultes et a permis un vrai succès populaire à une musique pas toujours évidente d’approche. Construit en opposition / continuité d’un Downward Spiral auréolé de succès, The Fragile est un disque sur lequel il convient à mon sens de remettre un coup de projecteur car symptomatique d’une époque en plus d’être intéressant.

 

Tracklist de The Fragile :

CD1 Left
01. Somewhat Damaged
02. The Day The World Went Away
03. The Frail
04. The Wretched
05. We’re In This Together
06. The Fragile
07. Just Like You Imagined
08. Even Deeper
09. Pilgrimage
10. No, You Don’t
11. La Mer
12. The Great Below

CD2 Right
01. The Way Out Is Through
02. Into The Void
03. Where Is Everybody?
04. The Mark Has Been Made
05. Please
06. Starfuckers, inc.
07. Complication
08. I’m Looking Forward To Joining You, Finally
09. The Big Come Down
10. Underneath It All
11. Ripe (With Decay)

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