Poursuivons notre série que l'on pourrait appeler "les groupes visionnaires qui n’ont pourtant pas marqué leur époque", amorcée ici avec Mutha’s Day Out. Voici aujourd’hui le tour de Kill II This.

Kill II This, ça ne doit pas évoquer grand-chose à la plupart d’entre vous. Normal. C’est un combo anglais apparu au milieu des années 90 et qui n’a pas marqué les esprits avec son premier album, il est vrai pas mémorable du tout. Seulement, les choses évoluent.
1998. Mark Mynett, guitariste et leader (et aussi l’unique compositeur de cet album) venait de jeter tout le groupe après l’échec de l'album précédent. Pour ce nouvel album qui sonne comme un nouveau départ, il engage Ben Calvert à la batterie, Caroline Campbell à la basse et Matt Pollock au chant. Ce line-up ne durera que le temps de deux albums mais sera donc et surtout à l'origine de ce petit bijou méconnu, Deviate.

"This is the soundtrack to murder"...
C'est par ces mots, répétés sans fin sur un fond de sirènes de fin du monde, que commence cet album de Kill II This. Une bien belle entrée en matière, ça sent le truc violent. Pas le temps de reprendre son souffle que des boucles électro vous déboulent dessus. Vous seriez-vous trompés de disque ? Juste le temps de ne pas comprendre ce qui se passe et boum ! une grosse rythmique vient tout écraser. On découvre alors, en moins d’une minute, des gros riffs, des samples, un chant puissant, des chœurs féminins... et tout ça dans le même morceau. Mais c'est quoi, ce truc de dingue ?
Pas de doute, Kill II This avec son Deviate amène une sacrée dose de fraîcheur dans le paysage musical en cette année 1998.
Mais quelle est la recette Kill II This ?
Vous prenez du Machine Head pour la base de la préparation. On pense à Machine Head surtout par la façon de chanter de Matt Pollock, assez proche de celle de Robb Flynn mais aussi par des morceaux tels que Mourning Sickness (franchement, faites un blind test à des potes, vous allez voir ce qu'ils vont vous répondre quand vous leur demanderez de qui peut être ce morceau.)
Et là-dessus, vous ajoutez tout un tas de trucs qui n’avaient pas forcément vocation à se retrouver dans le même saladier mais qui, une fois mélangés, vont révéler leur saveur.
On trouve donc dans ce mélange imprévisible un phrasé parfois fusion pas loin de Rage Against The Machine mais en plus couillu (Freedom Of Speech), des envolées lyriques de chant féminin (Funeral Around My Heart), des éléments symphoniques (la fin de The Flood) et une force mélodique surprenante dans ce déballage de gros riffs thrashisants (le second refrain de The Flood encore, le meilleur titre de l'album à mon humble avis). Ajoutons à cela les machines de l'indus (Kill Your Gods), même parfois les rythmiques puisque This World sonne comme du Ministry, avec encore du chant lyrique en plein milieu, sans oublier des samples un peu partout et des grattes bien agressives. Le groupe montre que la musique ne connaît pas les frontières.
Vous en voulez encore ? L’intro de Faith Rape avec chant féminin typé rnb sur fond d’électro déstabilise encore un peu plus mais, comme les morceaux précédents, pas de tromperie, c'est du bon gros riff et un chant agressif qui vous attendent. Ces dix morceaux (le premier et le dernier ne sont qu'une intro et une outro parlées) nous réservent des surprises derrière chaque note, même après plusieurs écoutes.
Notons enfin qu’ils avaient su s’entourer des meilleurs puisqu’on retrouve mister Andy Sneap à la production et le son claque bien.
Tout ça réuni sur un seul album, il fallait oser. Mais les Anglais, ça ose tout, surtout en musique. On ne citera pas tous les groupes britanniques qui ont été à la pointe d'un mouvement musical pour étayer cette affirmation. Kill II This était de cette trempe, assurément. Seulement parfois, on ne sait pas pourquoi, ça ne suit pas derrière.

Et donc, malgré cet album assez fabuleux, le groupe ne perça jamais. Il fit pourtant quelques premières parties de groupes populaires à l’époque (Slipknot, Fear Factory, Soulfly) et passa même à la télévision à une heure de grande écoute dans l’émission Nulle Part Ailleurs sur Canal +. Malgré tout ça, l’album connut un succès extrêmement confidentiel, et pas seulement en France. Difficile d’en connaître la raison. Est-ce que Kill II This était un groupe trop aventureux, touchant à trop de styles pour emporter l'adhésion d'un grand nombre ? Le label (le très modeste Visible Noise) a-t-il fait ce qu'il fallait pour promouvoir son poulain et assurer la bonne distribution de l'album ? La faute peut-être aussi à des albums suivants pas tous aussi bons que ce Deviate. Ce qui est sûr, c'est que ce groupe était unique, tout comme cet album.
A découvrir !

Tracklist de Deviate :

01. Soundtrack To Murder (intro)
02. Kill Your Gods
03. Freedom Of Speech
04. The Flood
05. Generation Pain
06. Funeral Around My Heart
07. This World
08. Mourning Sickness
09. Crucified
10. Faith Rape
11. Twisted
12. Spiral Of Despair (outro)