Tous les trois ans, le monstre Incantation refait surface et nous présente sa nouvelle offrande dédiée, comme c’est le cas depuis plus de trois décennies, à un death metal crépusculaire et visqueux composé et interprété dans sa plus pure expression. C’est donc trois ans après le peu convaincantSect Of Vile Divinities que nous est dévoilé Unholy Deification, sa superbe pochette signée Eliran Kantor (une fois de plus) et sa production confiée à Dan Swano (... une fois de plus). Tradition, régularité, vieux pots, terrain connu, meilleure soupe, équipe qui gagne, etc. etc. vous savez clairement où vous mettez les pieds et ce que vont subir vos oreilles dès l’écoute de la galette lancée.
Abordons d’entrée de jeu le sujet qui fâche, la production et le mixage réalisé par Dan Swano, laissant craindre la mauvaise surprise constatée sur l’album précédent, à savoir un son trop poli, presque artificiel et clairement inapproprié. C’est en effet le cas, tout cela sonne une fois de plus très propre mais il y a du mieux, les guitares ont retrouvé de l’épaisseur et la batterie un certain mordant. La basse toute en rondeur se fait une place de choix et chaque instrument est parfaitement audible. Si ce choix de mise en son ne correspond définitivement pas à ce qu’à toujours représenté Incantation, ce death metal opaque, poisseux sied en revanche plutôt bien à l’approche plus mélodique choisie par John McEntee et ses acolytes sur ce nouvel opus plus surprenant qu’il n’en à l’air.
Unholy Deification, album conceptuel, raconte une histoire et cela s’entend. Là où Sect Of Vile Divinities pédalait un peu dans la semoule et manquait cruellement de fond, ce nouvel opus est pensé et sensé. Étrangement conçu et intelligemment construit, Unholy Deification, s’il démarre de façon plutôt classique avec l’excellent Offerings (The Swarm) IV, s’enfonce au fil des morceaux vers des territoires auxquels le groupe n’est pas forcément habitué. Les structures des titres sont singulières, leur enchaînement l’est aussi parfois. Exile (Defy the False) II succède ainsi au très pesant Altar (Unify in Carnage) V avec lequel il semble ne former qu’une longue pièce de sept minutes tant la transition entre les deux titres est limpide et évidente. Ce disque raconte une histoire je vous dis, l’étrange tracklist, ses chiffres romains désordonnés, semblent même vouloir en raconter une autre, plus cachée, accessible à ceux qui se donneront la peine de chercher un peu…
Incantation reste un groupe brutal mais son propos est plus varié que jamais, le riffing s’est ouvert à d’autres influences, le tempo change régulièrement, pas toujours avec une grande finesse, et chaque titre propose son petit moment de gloire. Le riff dévastateur de Invocation (Chthonic Merge) X, celui tout droit sorti de Blessed Are The Sick de qui vous savez sur Megaron (Sunken Chamber) VI, l’ultra puissant Convulse (Words of Power) III, lourd et implacable avec sa basse audacieuse, le lead entêtant de Concordat (The Pact) I ou la lourdeur extrême de Circle (Eye Of Ascension) VII et ses chœurs menaçants. Tout n’est évidemment pas parfait, loin de là, certains riffs sont très convenus, sans grand intérêt, l’inspiration n’est pas toujours au rendez-vous mais il y a suffisamment de bonnes choses sur ce disque pour passer un bon moment pour peu que l’on accepte que le groupe ait envie, et besoin, d’avancer et d’évoluer. Après tout, Onward To Golgotha est sorti il y a plus de trente ans…
L’arrivée dans les rangs du groupe du jeune Luke Shively (également guitariste chez Dismemberment) marque une évolution notable dans le travail d’écriture de ces dix nouveaux morceaux. Beaucoup de riffs sont harmonisés, avec soin, des harmonies certes simples mais raffinées, qui apportent encore un peu d’épaisseur au caractère déjà bien trempé de l’album. A ce titre, le morceau Chalice (Vessel Consanguineous) VIII est un bel exemple de l’effort fourni sur les guitares pour enrichir le propos du groupe. Beaucoup de mélodies donc et d’excellents solis (souvent chargés d’une délicieuse touche Immolation-esque) parfaitement intégrés à l’univers particulièrement sombre du groupe, ce qui n’était pas toujours le cas sur l’album précédent, mais malheureusement trop peu nombreux. Quand c’est bien, on en veut plus !
Incantation n’a plus la fougue d’antan, il est moins intense, moins sulfureux mais il se fait progressivement plus vicieux. Même s’il ne réinvente pas la roue, ni le fil à couper le beurre, le groupe avance et propose quelque chose d’un peu différent, posé sur ses bases ultra solides. Le growl de McEntee est autoritaire, énorme, la partition du batteur Kyle Severn est juste parfaite, la symbiose entre ces deux piliers est simplement palpable. Incantation continue de nourrir un style qui l’a fait légende à coups d’albums décisifs, devenus cultes pour certains, d’albums parfois moyens, d’autres carrément dispensables. Gageons que ce Unholy Deification, intéressant et intriguant, laissera quant à lui une jolie trace dans la discographie du groupe. On se revoit dans trois ans.
Tracklist de Unholy Deification :
01. Offerings (The Swarm) IV 02. Concordat (The Pact) I 03. Chalice (Vessel Consanguineous) VIII 04. Homunculus (Spirit Made Flesh) IX 05. Invocation (Chthonic Merge) X 06. Megaron (Sunken Chamber) VI 07. Convulse (Words of Power) III 08. Altar (Unify in Carnage) V 09. Exile (Defy the False) II 10. Circle (Eye of Ascension) VII