Artiste/Groupe:

Incantation

CD:

Sect Of Vile Divinities

Date de sortie:

Août 2020

Label:

Relapse Records

Style:

Death Metal

Chroniqueur:

Ignatius

Note:

12.5/20

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Incantation est un groupe culte, incontournable, défenseur d'un death metal obscur et primaire, fièrement drappé dans sa pureté originelle. Un solide pilier qui aura indéniablement marqué l'histoire du genre et livré quelques albums majeurs devenus des mètres étalons pour qui veut se faire une idée, on ne peut plus précise, de ce que la matière sonore extrême peut proposer de plus épais, diabolique et visqueux. Incantation, définitivement grand nom du death metal, a depuis très longtemps fait ses preuves et n'a aujourd'hui plus rien à prouver. Mais, car il y a un mais, son statut en fait il un groupe inattaquable ? Chaque nouvel album doit-il être accueilli comme une œuvre intouchable juste parce qu'Incantation est et restera aux yeux des fans LA définition ultime du metal de la mort ? Beaucoup répondrons par l'affirmative, n'osant même pas imaginer que l'on puisse émettre la moindre réserve concernant cette institution. Je vais donc faire souffrir ces gens, ils vont me détester car je vais braver l'interdit, manquer de respect à papy et mettre les pieds dans le plat : cet album est moyen, dispensable et même anecdotique dans la longue carrière du groupe ! Voilà c'est dit.

N'y voyez pas une attaque gratuite, j'aurais aimé l'aimer ce disque, j'aurais aimé qu'il m'impressionne, qu'il m'écrase, me propulse violemment dans l'ombre et me mette une râclée comme l'ont fait certains de ses glorieux prédécesseurs, mais il m'a juste ennuyé. Qu'Incantation fasse du Incantation, rien de plus normal et personne n'attend autre chose de la part du groupe, mais qu'il le fasse bien, dans les règles de l'art, en sélectionnant ses riffs avec minutie et en soignant ses ambiances, ses structures et ses effets. La grosse faiblesse de l'album est en effet le songwriting qui n'est clairement pas au niveau de ce que l'on est en droit d'attendre de la part d'un combo ayant une telle expérience. Trop de fins bâclées, abruptes, de transitions forcées, d'accélérations téléphonées ou justes malvenues. Incantation fait ce qu'il sait faire mais sans cette profondeur indispensable qu'on a pu lui connaître dans des temps anciens et c'est le mot platitude qui s'impose quand il est temps de poser un verdict à la fin de l'écoute. Platitude renforcée par un son, selon moi, inadapté qui fait entrer le groupe dans le 21ème siècle alors que sa musique n'a aucune envie ni aucun besoin d'y poser les pieds, elle est ancrée dans le passé et c'est en la faisant sonner de la façon la plus organique qui soit qu'elle sera sublimée (me revient alors en mémoire le monstrueux rough mix de Upon The Throne Of Apocalypse, LE son !). Mauvais point donc à Dan Swano dont le mixage positionne l'album dans le haut médium, fréquences étranges pour un groupe diablement à l'aise quand il résonne dans le bas du spectre, là où le son est lourd et gluant. La batterie, propre et puissante, fait poc poc et tic tic avec sa caisse claire hors sujet. Le groupe a aussi malheureusement privilégié un son de guitare chimique qui ne lui sied guère, loin du grain si pur que peut apporter la chaleur des lampes. Autant d'éléments de production qui empêchent l'album de se charger de cette ambiance si particulière qui hantait des monstres comme Diabolical Conquest ou Blasphemy. Pas toujours évident de faire cohabiter la tradition et la modernité.


Comme il l'a toujours fait, Incantation ralentit l'allure à de nombreuses reprises et bascule vers une musique plus pesante qu'il maitrisait si bien sur ses premiers essais, flirtant avec un doom épais et ténébreux qu'il ne parvient jamais à approcher ici, la monotonie prenant vite le pas sur la dynamique et l'ambiance. Ces morceaux doomisant traînent en longueurs et semblent trop souvent inaboutis, comme si le groupe s'ennuyait lui-même et décidait qu'il était temps d'arrêter de tourner en rond à 60 bpm pour passer à autre chose au plus vite sans trop se soucier de savoir comment conclure la chose avec un minimum de soin. Dans les moments brutaux, le groupe n'est guère plus inspiré, enchaînant les riffs déjà entendus, les solos hasardeux qui ne savent pas toujours où ils vont et d'autres plans parfois simplement gênants (ce tapping indigne sur Propitiation… sans déconner !).

Même si le ton de cette chronique laisse penser le contraire, tout n'est pas si noir et le constat mérite évidemment d'être nuancé. Le groupe est grand, l'exigence de l'auditeur, toujours impitoyable, l'est donc aussi, mais il faut savoir rendre à César ce qui lui appartient, à commencer par cette facilité à rester efficace et pertinent après plus de trente ans de carrière, d'être encore capable aujourd'hui de donner une leçon à n'importe quel newbie en quelques mesures punitives et bien senties. Ainsi, Sect Of Vile Divinities regorge de petites pépites. Citons par exemple cet Unborn Ambrosia, qui rampe douloureusement et s'enroule autour d'un riff magistral tournant mortellement sur lui-même ou encore les radicaux Furys Manifesto et Chant Of Formless Dread sur lesquels le groupe retrouve des couleurs, sa noirceur et sa verve d'antan. Quel plaisir aussi d'entendre le groupe devenir sombrement épique sur le final magnifique de Entrails Of The Hag Queen. Beaucoup d'excellents moments donc, mais malheureusement dilués dans un album trop inégal qui aurait mérité plus de travail.

Sect Of Vile Divinities est une pierre de plus apportée au sombre édifice que construit le groupe depuis trente ans, pas un pierre angulaire mais un ajout qui ravira néanmoins les fans hardcore du groupe conscients, malgré tout, qu'il serait malvenu de tenter une comparaison risquée avec les albums qu'Incantation nous a livrés dans les années quatre-vingt-dix.

 

Tracklist de Sect Of Vile Divinities :

01. Ritual Impurity (Seven Of The Sky Is One)
02. Propitiation
03. Entrails Of The Hag Queen
04. Guardians From The Primeval
05. Black Fathom’s Fire
06.
Ignis Fatuus
07. Chant Of Formless Dread
08.
Shadow-Blade Masters Of Tempest And Maelstrom
09.
Scribes Of The Stygian
10.
Unborn Ambrosia
11.
Fury’s Manifesto
12.
Siege Hive

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