Extreme, je t’ai maudit, je t’ai
charrié. Car ce sixième album, qui voit le jour trente-quatre ans après le premier
(ça va ? vous ne vous sentez pas trop débordés les gars ?!), ça fait une
dizaine d’années que je l’attends. L’effort précédent, Saudades De Rock, date même de 2008. Et je me souviens d’une
interview faite en 2014 dans laquelle on pouvait lire "notre album sera prêt d’ici la fin de
l’année". Alors, c’est bien sympa les concerts et tournées anniversaires
célébrant le monumental Pornograffitti mais au bout d’un moment, ça
commence à bien faire ! J’ai donc fini par accepter l’idée que produire de la
nouvelle musique ne t’intéressait peut-être plus. Et tout d’un coup, il y a
trois mois, sans crier gare, arrive un nouveau single, le fameux Rise qui a tant fait parler de
lui, surtout à cause de son monstrueux solo. Sourire, bonheur... Extreme est
enfin de retour ! Et en plus, "spoiler alert", figurez-vous que l’album est bon ! Le contraire
aurait été plus que dommage...
Le premier single m’a plu sans totalement me faire chavirer, je
l’avoue. Il est percutant, a le mérite de montrer un groupe énergique et de nous
rappeler que Nuno Bettencourt est l’un des plus grands guitaristes de hard rock
au monde, il se promène habilement entre tradition et modernité et son refrain
fédérateur, presque juvénile, devrait cartonner en concert (un ami me l’a
quand même gâché à vie en me faisant remarquer que les chœurs sonnaient
très K-pop... le salaud, il n’a pas tort...). Il me manque quelque chose pour être
totalement ravi mais la mise en bouche est plutôt chouette... même si je ne suis pas
complètement fan du son que je trouve un peu sourd / étouffé.
Pour ce début
d’album, Extreme joue la carte du hard rock remuant qui fait taper du pied ou
secouer la tête. Ainsi #Rebel et Banshee ne montrent aucun signe de fatigue. Rien de fou ni de très
surprenant, mais de la compo pêchue et du riff efficace. Je fais la fine bouche mais je suis
tout de même ravi d’entendre ces messieurs à nouveau, d’autant plus
qu’ils sont en forme. Je commence cependant à comprendre pourquoi je ne saute pas au
plafond. Je trouve ça bon, entraînant... mais ça manque de refrain qui tue. Quand
on sait de quoi ces Américains sont capables en termes de super mélodies, on peut
légèrement rester sur sa faim ici. Et c’est pile à ce moment-là
qu’arrive, comme pour me donner tort, Other Side Of The Rainbow. Un titre lumineux,
plus folk avec sa belle guitare au son clair... et de la mélodie qui se retient en une
écoute. Gary Cherone est en voix (il y a même un passage très
Freddie Mercurien qui devrait lui donner du fil à retordre en concert), on
retrouve les harmonies vocales chères au groupe (Bettencourt et
Badger sont bien audibles) et le refrain est top. Un tube qui débarque
à point nommé pour nous accompagner sur les routes l’été
prochain.
Avec Extreme, "expect the unexpected" qu’ils disent
("attendez-vous à l’inattendu", pour ceux qui ont séché les cours
d’anglais). En effet, il y a des surprises. Heureusement pour nous, elles sont plutôt
bonnes... même si les avis ne manqueront probablement pas de différer sur ce point. En ce
qui me concerne, il ne fait aucun doute qu’une des grandes forces de Six réside
dans sa diversité (chaque chanson a son identité bien distincte) et le fait que, bien
qu’Extreme soit parfaitement reconnaissable, ce nouvel effort ne sonne absolument
pas comme une repompe de leurs travaux précédents. Et j’aime (à des
degrés divers) toutes les chansons de ce disque. Toutes sauf une. Me permettez-vous de parler
quelques secondes de Beautiful Girls ? Là, on franchit un cap (un cran de trop,
même) dans la thématique "tube de l’été". C’est de
l’acoustique feel good, quasi-dansant, avec une petite rythmique reggae sautillante, des paroles
qu’on croirait écrites par un groupe d’ados un soir de feu de camp à la plage
("All around the world, there are so many beautiful girls")... C’est totalement inoffensif (pour
ne pas dire un peu niais) et pourrait être diffusé sans problème en radio pendant
que vous faites vos courses au supermarché. On flirte quand même dangereusement avec la
variétoche à la Trois Cafés Gourmands ! Pour tout vous dire,
j’ai failli balancer mes chaussures sur mes enceintes. Mais je tiens trop à mon
matériel Hi-Fi. J’espère qu’ils ne la joueront pas en concert sinon je risque
de devoir rentrer chez moi pieds nus. Refermons cette parenthèse.
Heureusement, il y a le reste. Du rock solide avec The Mask (sur
laquelle Nuno adopte un chant inhabituel... on entend d’ailleurs le guitariste un
peu plus sur cet album, ce qui est plutôt sympa), de jolies ballades acoustiques (exercice dans
lequel Extreme n’a plus rien à prouver) comme Small Town
Beautiful ou Hurricane, un hymne dédié aux perdants (Here’s To
The Losers) avec un refrain assez Queenesque hyper fédérateur, des
sonorités plus lourdes avec Save Me, son riff entêtant et son refrain parfaitement
troussé, une touche électro/indus/funky surprenante elle aussi sur Thicker Than
Blood qui groove du tonnerre et l’un de mes gros coups de cœur : X Out, une
compo plus sombre, avec des éléments électroniques encore plus prononcés que
sur Thicker, dotée d’une rythmique imparable et d’un refrain classe à
l’ambiance très travaillée. On n’avait jamais entendu ça chez
Extreme et, franchement, j’en redemande.
A travers ces douze pistes, le quatuor nous démontre encore une
fois tout son talent. Son rock n’a rien de désuet, il est varié, riche, parfois
classique, d’autres fois plus moderne et surprenant... les musiciens ont la classe,
Nuno est un virtuose que j’aimerais entendre plus souvent (on n’a plus Van Halen mais il nous reste Bettencourt, les
amis). Six est une bonne nouvelle que je redécouvre chaque jour avec plaisir. Il ne
prendra pas forcément la place des albums qui m’ont ébloui dans les 90s mais il est
loin d’être inintéressant.
Alors je reprends ce que je disais en intro : Extreme, je
t’ai maudit, je t’ai charrié... mais tu es revenu, et de belle façon en plus.
Tout est pardonné. Rendez-vous le 7 décembre prochain à Paris (Salle Pleyel) pour
un show qui s’annonce immanquable. Mais pas de mauvaise blague (= pas de Beautiful
Girls), hein ?
Tracklist de Six :
01. Rise 02. #Rebel 03. Banshee 04. Other Side Of The
Rainbow 05. Small Town Beautiful 06. The Mask 07. Thicker
Than Blood 08. Save Me 09. Hurricane 10. X
Out 11. Beautiful Girls 12. Here’s To The Losers