Affublé d’une superbe pochette, œuvre de l’illustrateur H.R. Giger (celui à qui l’on doit, entre autres, la créature d’Alien), bien sombre et malfaisante pour se plonger directement dans l’ambiance, To Mega Therion n’est que le premier album longue durée de Celtic Frost. Un premier album qui va avoir un impact énorme sur la scène extrême en devenir. Premier album, certes, mais le groupe dispose déjà à l’époque d’une bonne expérience underground. L’aventure avait commencé, pour deux de ses membres, avec le cultissime groupe Hellhammer et la sortie de son Apocalyptic Raids en 1984. Puis Tom Gabriel Fischer (aka Tom Warrior, guitare et chant) et Martin Stricker (aka Martin Eric Ain, basse) y avaient mis fin pour fonder dans la foulée Celtic Frost, avec en renfort le batteur Stephen Priestly. Ce nouveau groupe avait rapidement sorti deux EP, Morbid Tales en 1984 et Emperor’s Return en août 1985, avec un nouveau batteur, Reed St Mark (de son vrai nom Reid Cruikshank). Et c’est donc en octobre de cette même année qu’était enfin paru leur premier album auquel nous allons nous intéresser maintenant.
L’album est enregistré en quatorze jours. Martin Eric Ain, après avoir enregistré les deux premiers titres, laisse sa place à un certain Dominic Steiner à la basse pour enregistrer la suite. Mais cette absence n'est qu'une petite parenthèse, le second homme clé de Celtic Frost ne restera pas longtemps éloigné de ce groupe qu’il a co-fondé, il le rejoindra juste après la sortie de l’album.
L'intro, avec ses atours symphoniques, est assez surprenante mais elle donne une indication : on sent déjà chez le trio suisse une volonté d’évolution qui va surtout éclater sur l’album suivant, Into The Pandemonium, mais qui déjà, sur ce premier album, pointe le bout de son nez. Le premier titre, The Usurper, est toutefois dans la lignée des deux EP précédents. Un Metal sombre dans ses riffs, agressif par le chant de Tom Gabriel et au tempo enlevé avec une rythmique proche des premiers Venom. On a aussi un chant féminin qui apparaît dès ce premier titre et que l'on retrouvera plus loin sur Necromantical Screams. Celtic Frost avait déjà tenté l’ajout de voix féminines (on ne pouvait pas vraiment parler de "chant") sur Morbid Tales (le titre Return To The Eve) mais va utiliser le chant féminin de manière plus importante à partir de cet album. Jewel Throne, avec sa première partie lourde et sa seconde plus rapide, mise sur le côté sombre de la musique mais ce n'est encore rien à côté de ce qui suit. Le premier changement de ton important intervient avec Dawn Of Meggido. Là, on se tourne vers le Doom le plus noir. Quelques cors inquiétants viennent accentuer la noirceur du propos et rappellent cette intro quelque peu déroutante découverte au début de l’album. Re-changement de décor avec Eternal Summer et son riff proto-black, dont Darkthrone s'est clairement largement inspiré. Comme, plus loin, Fainted Eyes, ce morceau pose sans aucun doute les bases du Black Metal. Tout est déjà là. Arrive ensuite Circle Of The Tyrants, magistralement repris cinq ans plus tard par les Américains d'Obituary sur leur album Cause Of Death (j’avoue préférer leur version). C'est un titre qui était apparu une première fois sur le EP Emperor's Return, sorti juste avant cet album. La version ici présente est sensiblement différente, un peu plus travaillée. Il s’agit probablement du titre le plus connu du trio suisse. Un morceau qui a influencé pas mal de monde du côté du courant que l'on appellera plus tard Death Metal. Tout comme le titre suivant (Beyond The) North Winds. On a déjà ici toutes les caractéristiques qui définiront ce mouvement. Enfin, les deux derniers morceaux, l'instrumental bruitiste Tears In A Prophet's Dream (un peu à la manière de Danse Macabre sur Morbid Tales), pas des plus intéressants à mon goût, et surtout Necromantical Screams, nous entraînent déjà vers la suite, à savoir l'ambitieux et novateur (trop pour certains) Into The Pandemonium, qui paraîtra deux ans après ce To Mega Therion. Sur ce dernier titre, les prémisses du Doom Metal et du Metal Gothique se rencontrent : un rythme assez lourd par moments, quelques arrangements orchestraux et quelques vocaux féminins, assurés comme sur le premier titre par Claudia-Maria Mokri, s'y cotoient. Les gars de Paradise Lost ont sans doute bien aimé cet album eux aussi…
La réédition CD offre en plus trois morceaux issus du EP Emperor’s Return (dont la première version de Circle Of The Tyrants), ainsi qu’un titre plus rare issu des sessions du même EP, Journey Into Fear. Tous ces titres ont été enregistrés avec Martin Eric Ain à la basse. Il y a aussi une version de 1985 de Return To The Eve. Cette version est à comparer avec l’originale, présente sur le EP Morbid Tales, pour bien apprécier la frappe de Reed St Mark, plus technique que celle de Stephen Priestly, ainsi que l’évolution du son du groupe vers des riffs plus gras. Il n’y a pourtant même pas une année qui sépare les deux versions.
To Mega Therion fut l'un des albums les plus influents pour les scènes Death, Doom et Black Metal en devenir, ce n’est plus à démontrer vu le nombre de groupes de ces courants musicaux qui ont cité ou citent encore Celtic Frost comme étant l'une de leurs sources d’inspiration principales. Un album fondateur, rien de moins.
Tracklist de To Mega Therion :
01. Innocence and Wrath 02. The Usurper 03. Jewel Throne 04. Dawn Of Meggido 05. Eternal Summer 06. Circle of The Tyrants 07. (Beyond The) North Winds 08. Fainted Eyes 09. Tears in A Prophet's Dream 10. Necromentical Screams
Bonus tracks de la réédition 2017 :
11. Circle of The Tyrants 12. Visual Aggression 13. Suicidal Winds 14. Journey Into Fear 15. Visual Aggression (1988 Remix) 16. Return To The Eve (1985 Studio Jam)
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