Groupe:

Sepultura + Sacred Reich + Crowbar

Date:

08 Novembre 2022

Lieu:

Toulouse

Chroniqueur:

ced12

Au cœur de ce si doux automne 2022, on continue de sentir la remise en route un peu anarchique post-crise sanitaire pour le monde de la musique. Offre à profusion avec des concerts maintes et maintes fois reportés mais paradoxalement annulations fréquentes faute de préventes suffisantes. Difficile de bien cerner les causes de cette situation même si, pour ma part, j’y vois un embouteillage côté offre (je suis sur une base de quatre, cinq shows mensuels et j’en laisse passer) mais aussi, et cela semble plus nouveau, un public jeune plus enclin à acheter au dernier moment ses billets. Cela me fut confirmé au café du matin par un « jeune » (paie ta formule du mec qui ne l’est plus !) me précisant que « oui, nous nous organisons deux, trois jours avant en fonction de nos agendas » symbole d’une époque toujours plus dans l’immédiat et un présentisme bousculant les repères traditionnels. De nouvelles habitudes à appréhender pour une Industrie dont les qualités d’adaptation restent tout de même impressionnantes (songez à toutes les évolutions depuis les années 80 !) même si cela semble constituer un nouveau défi à relever. Dans ce contexte encore troublé, il n’en demeure pas moins que pour les affiches solides, l’affluence est plutôt bonne et ce soir ne fait pas exception avec un Bikini bien rempli. Je m’en rends vite compte car alors que les portes s'ouvrent, les parkings sont pleins et il faut s’éloigner quelque peu pour trouver de la place. 

Crowbar

Toujours bien renseigné par des organisateurs prévenants, je rentre dans la salle en même temps que Kirk Windstein, charismatique leader de Crowbar avec son look toujours plus Père Noël mais version Louisiane. D’entrée de jeu, le décor est planté : atmosphère sombre, scène faiblement éclairée, son bien malsain, gras avec des riffs bien poisseux. Le lecteur se dira « il est gentil,  il nous décrit le sludge ». C’est juste mais à ma décharge, je connais bien mal ce registre n’en étant guère fan. Et aussi, Crowbar passe encore un cap dans la noirceur. Je pense irrésistiblement à un Pantera cradasse sur les riffs notamment (oui, impossible de ne pas songer à Down) et je ne cesse de m’étonner devant ces guitares harmonisées très Maiden mais relevées à la sauce poisseuse. Etonnant ! Et bien lourd. J’en vois, des têtes qui headbanguent. Crowbar brasse différents types Metal mais les revisite tel ce break hardcore vicieux bien exécuté. L’ami Kirk communique peu (tant mieux sincèrement, le garçon ayant un accent infernal très difficile à comprendre) mais le show passe très bien et la communication avec l'auditoire fonctionne. On est dans l’ambiance, ça suinte la boue, c’est dark, nihiliste et sans espoir. Cela ne me convertira pas au sludge mais le concert était bien sympa, en place musicalement et avec trois bons quarts d’heure de jeu, parfait pour bien rentrer dans l’univers particulier d'un groupe au registre bien typé. 

 

Setlist de Crowbar :

Unknown, Possibly Conquering
I Feel The Burning Sun
Bleeding From Every Hole
To Build A Mountain
Chemical Godz
All I Had (I Gave)
Planets Collide
Like Broken Glass
 
 
 
 

Changement total d’ambiance avec la légende Sacred Reich. On quitte les bayous de la Nouvelle Orléans pour aller vers le soleil de Phoenix. Aussi, Phil Rind, auréolé d'un sourire de premier communiant, est bien plus bavard. Sans doute un peu trop mais on lui pardonne volontiers tant il dégage une réelle sympathie. Un peu décalée au passage car le thrash des américains ne mégotte pas. Nous sommes loin de l'atmosphère d'un Kreator. En ce mois de novembre, période propice aux matchs internationaux en rugby, c’est la géniale The Boys Are Back In Town de Thin Lizzy (so irish !!) qui est envoyée dans la sono avant l’arrivée sur scène en mode pépouze des Américains. Phil Wind, bassiste / chanteur / leader salue le public presque comme s’il était à la maison. Orienté à gauche politiquement, très engagé, soutien de Bernie Sanders, il nous parle d’amour entre les titres, du besoin de se changer soi-même (« aucun politicien ne le fera pour vous »). On se croirait presque à un meeting new age de développement personnel. Ceci dit, ses remarques sont pleines de bons sens, positives et le ressenti plaisant. C’est juste ce contraste avec un thrash percutant, assez typé thrash 80’s avec ces rythmiques infernales et écrasantes. On retrouve avec un immense plaisir l’excellent Dave McClain qui a délaissé le look destroy de ses anciens comparses de Machine Head pour une dégaine t-shirt – lunettes très tranquille donnant l’impression qu’il sort tout juste du bureau. Mais quelle frappe, quel jeu. Ce n’est un scoop pour personne mais quel batteur remarquable et dégageant de la sympathie lui aussi. 

Très orienté sur leur dernier disque avec cinq extraits, Sacred Reich la joue répertoire plus récent (avec pas moins de cinq extraits de Awakening) et c’est heureux car on a droit à de bons titres, bien pêchus. Les guitares sont bien véloces comme il sied au style et Sacred Reich, bien que sans grande originalité, délivre un bon show, positif, rythmé et enlevé. Et ce riffing sur le titre American Way reste bigrement référentiel et ébouriffant. 

Setlist de Sacred Reich :

Divide & Conquer
The American Way
Manifest Reality
Who's To Blame
Killing Machine
Awakening
Independant
Salvation
Death Squad
Surf Nicaragua
 
 

Décidément plaisante, la soirée passe encore un cap avec Sepultura. Avec une intro un peu plus élaborée, Sepultura marque le coup. Ce sont bien eux la tête d’affiche et le show d’une grosse heure trois quarts se montre à la hauteur de ce statut. Les lecteurs attentifs l’ont sans doute remarqué, Sepultura est une formation chouchou sur notre auguste webzine et le dernier disque Quadra a reçu moult éloges. Et bonne nouvelle, ce disque sera bien représenté avec six pistes proposées. Avec une setlist très bien équilibrée avec des titres old-school toujours aussi ravageurs (on citera un Territory bien méchant, un Refuse / Resist fédérateur et bien repris par un public très présent, un Arise toujours aussi mythique et j’en passe). Derrick Green est toujours aussi physique dans sa prestation avec sa grosse voix et son attitude typique hardcore qui va bien au groupe. 

Je persiste à penser qu’il manque par endroits une seconde guitare générant ainsi un moindre impact sur certains passages mais le boulot abattu par un Andreas Kisser impérial (en dépit d’un douloureux contexte personnel). Autre point un peu dommageable : le délai entre les titres. Dans une salle plongée dans la pénombre, il se déroule souvent de longues dizaines de secondes avant de relancer. Le groupe gagnerait à mieux gérer ces interludes sans doute nécessaires avec un peu de communication ou quelques bandes. C’est du détail car la presta du groupe est excellente, dynamique et les compos font super mal. Paulo Jr reste fidèle à la tradition du bassiste, à la fois présent et discret. Ne regardant quasiment jamais l’audience mais concentré, il soutient efficacement Andreas Kisser franchement bluffant de maîtrise. 

J’ai gardé le meilleur pour la fin avec Eloy Casagrande. Ce type me fascine par son jeu. Déjà, passé sur scène juste après Dave McClain n’est pas simple mais quelle prestation ultra-physique. Avec ses toms à plat, on profite du show et pffff, le garçon ne s’économise pas. On en vient même à penser que les pauses sont là pour lui permettre de souffler un peu. Et on compatit ! On admire aussi. Roulement de toms, rythmiques frénétiques, toute la panoplie y passe. Ce batteur me fait penser à Alex Bent de Trivium. Même profil de jeune batteur doté d'un niveau technique délirant. J’aime lier plus ou moins adroitement leurs deux trajectoires, ces deux phénomènes ayant à mon sens apporté beaucoup à des groupes expérimentés et de par leur niveau, rebooster des musiciens aguerris. Et en offrant de belles perspectives pour des compositeurs doués ce que Matt Heafy et Andreas Kisser sont assurément. De là à y voir la raison du regain de forme de ces deux formations, il n'y a qu'un pas que je franchis pour ma part allègrement. Eloy Casagrande reste le grand bonhomme de la soirée ou, pour aller vers la métaphore sportive, l’homme du match (bien que ce type de distinction n’ait aucune valeur dans un contexte collectif mais passons !).

C’est par Ratamahatta et l’inévitable Roots Bloody Roots que Sepultura clôture une bien bonne soirée, de très bonne tenue musicale. Je peux bien l’avouer, je n’en attendais pas tant et ce plateau m’a bien plu. Groupe mythique des 90’s ayant ensuite connu une trajectoire contrariée, Sepultura en a encore sous la pédale. 

Setlist de Sepultura :

Isolation
Territory
Means To An End
Capital Enslavement
Kairos 
Propaganda
Guardians Of Earth
Last Time
Cut-Throat
Dead Embryonic Cells
Machine Messiah
Infected Voice
Agony Of Defeat
Refuse / Resist
Arise
Rappel :
Ratamahatta
Roots Bloody Roots

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