Vous commencez (peut-être) à me connaître un peu, j'ai quelques principes dans la vie et l'un d'entre eux est : si Annihilator passe en concert, j'y vais (autant que faire se peut). C'est une règle à laquelle je n'aime pas déroger, c'est comme ça. Et en général, ça m'a plutôt bien réussi. L'année dernière, le groupe (pas si) canadien devait nous rendre visite mais la tournée fut reportée d'un an pour divers problèmes (l'un d'entre eux et probablement le principal : des soucis de passeport liés au nouveau lieu de résidence de Jeff Waters, à savoir l'Angleterre... pour les détails, je ne sais pas mais faites vos recherches si cela vous intéresse). Plusieurs raisons de se rejouir en ce 27 octobre 2019 à Paris : d'abord, le lieu est intimiste, c'est le Petit Bain ; ensuite, le dernier album du groupe en date, For The Demented, est vraiment bon (même si l'on se rendra compte plus tard que finalement, ce n'était pas si important que ça vu le peu de titres qui en auront été extraits... pas grave, cela met tout de même dans de bonnes dispositions). La dernière fois qu'Annihilator a joué en France, c'était il y a deux ans en première partie de Testament, et la forme affichée (notamment lors du concert parisien) m'avait bien rassuré sur les capacités du quatuor après une prestation en demi-teinte lors de la tournée précédente. Enfin, la première partie est assurée, comme c'était déjà le cas en 2015, par Archer Nation, groupe qui m'avait bien convaincu à l'époque et dont le dernier album tourne régulièrement chez moi.
Commençons donc, logiquement, avec Archer Nation. Le trio américain va avoir l'occasion, pendant un set de quarante-cinq minutes, de livrer son heavy thrash qui rappelle pas mal celui d'un Megadeth des années 90. Originalité : avant de balancer une compo à lui, le groupe commence par une introduction d'une petite minute où il joue une version metallisée du thème du film L'Exorciste. Ensuite, c'est Not My Own, un de mes titres préférés du dernier album, qui permet de se faire une première vraie impression d'Archer Nation sur scène... et on peut dire que ça joue très bien. La section rythmique tenue par un Dave DeSilva au jeu de basse impressionnant et le batteur Keyhan Moini qui cogne son instrument avec une énergie débordante (le bougre ne cessera de headbanguer pendant la quasi-intégralité du set) claque avec précision... pendant que le chanteur guitariste Dylan Rose montre qu'il manie la six-cordes avec une dextérité certaine (les deux dernières minutes totalement instrumentales sont un régal)... quel solo, à la fois technique et très mélodique !
L'album Beneath The Dream est clairement à l'honneur. Les deux chansons suivantes (la thrashisante Shackled, bien rapide, et Acedia sur laquelle l'influence de Megadeth s'impose à nouveau) le prouvent sans équivoque. Le trio s'exécute avec fougue (à tel point que le batteur casse une cymbale) et une bonne partie du public se montre réceptive, l'accueil est plutôt chaleureux. Les Américains remercient d'ailleurs l'assistance régulièrement et répètent plusieurs fois à quel point ils sont heureux d'être de retour en Europe pour cette tournée. "C'est quand même super cool de jouer sur un bateau" s'exclame Dylan Rose... avant d'ajouter, en rigolant, que c'est un peu comme le festival 70.000 Tons Of Metal... mais en "légèrement" plus petit.
En milieu de set, le trio propose un bref détour par le passé avec un titre issu du EP Who's Gonna Save You Now? (du temps où le groupe s'appelait juste Archer, quasi-impossible à trouver maintenant), Hell In A Handbag (une bonne speederie old-school, très efficace), ainsi qu'un morceau extrait de l'album Culling The Weak et inititulé Day That Never Came. Les solos de Rose sont toujours impeccables, DeSilva se démène avec enthousiasme et n'hésite pas à donner de la voix régulièrement pour seconder son acolyte sur les refrains... et l'énergie globalement déployée séduit. Pour finir, trois compos du dernier album : l'efficace Division, la plus torturée Severed, moins évidente à appréhender dans un contexte live, surtout pour ceux qui ne connaissent pas du tout l'album (je l'aurais bien vu remplacée par Matricide ou la très bonne Culling The Weak de l'album précédent, ce n'est que mon avis) et l'excellente I Am The Dawn dont les riffs et mélodies font mouche.
Je l'ai déjà dit et je le répète : Archer Nation, un groupe à suivre.
Setlist Archer Nation :
01. Not My Own 02. Shackled 03. Acedia 04. Hell In A Handbag 05. Day That Never Came 06. Division 07. Severed 08. I Am The Dawn
Pendant la pause, de bons morceaux de metal sortent des enceintes et déflient (un petit Rapid Fire de Judas Priest, un beau Cowboys From Hell de Pantera...), ce qui rend l'attente plus agréable. Juste avant l'arrivée d'Annihilator sur scène, c'est Romeo Delight de Van Halen qui retentit (avec un volume bien boosté pour signifier qu'il s'agit du dernier titre balancé en pature aux fans impatients). Ce morceau, Annihilator l'avait d'ailleurs repris sur son album sans titre en 2010 et c'est justement une compo de ce même album qui ouvre les hostilités : Betrayed. Curieux choix. Pas un mauvais titre, non, pas un morceau récent, ni un vieux classique, pas une grosse bombe non plus... un titre sympathique mais que l'on serait tenté de qualifier d'un peu anecdotique au vu du répertoire du groupe qui ne manque pourtant pas de faits plus marquants. Cependant, il est bien accueilli, les fans sont ravis de voir débarquer le joyeux quatuor (toujours constitué, en plus du fondateur Waters, d'Aaron Homma à la guitare, Rich Hinks à la basse et Fabio Alessandrini à la batterie) et font la fête. Ils la feront tout de même un peu plus sur le titre suivant, un vrai classique lui (dont je ne me lasse toujours pas en live alors qu'il est systématiquement joué depuis son existence), l'excellentissime King Of The Kill... c'est carrément l'éclate totale, quelle bombe !
Le groupe joue carré, précis, fort... comme souvent pour ne pas dire quasiment toujours. Waters ne s'est pas récemment transformé en super chanteur, c'est sûr, mais il fait le taf avec conviction (et bon, King Of The Kill, c'est déjà lui qui la chantait sur album, il ne souffre donc pas de la comparaison avec un meilleur vocaliste). Homma et Hinks (pourvu qu'ils restent encore un peu ces deux-là, on sait que les musiciens chez Annihilator, ça va, ça vient) bougent beaucoup sur scène, échangent leur place, virevoltent, font du headbanging... Bref, ils se dépensent sans compter, surtout Homma qui, en plus, fait dans la grimace ou la tête de dément. Pendant ce temps, Alessandrini, sans être un "showman" dans l'âme, reste concentré mais cogne bien et soutient tout ce beau monde sans démériter.
Ce qui est sympa avec Annihilator, c'est que d'une tournée à l'autre, on sait qu'il y aura toujours deux ou trois petits changements, quelques surprises qui feront qu'on n'a jamais l'impression d'assister exactement au même concert que la fois précédente. Et ça se vérifie encore cette fois-ci. Si les morceaux joués ensuite ne constituent pas des grosses surprises en soi (les récents No Way Out et One To Kill, ou le plus ancien Set The World On Fire toujours présent dans les setlists du combo depuis des lustres... et que le groupe reprendra depuis le début après un petit couac au départ, Jeff disant "hé, vous avez payé pour être là, on va vous la refaire correctement"), la présence d'une partie de The Trend (les deux premières minutes instrumentales) et surtout de l'instrumental Schizos (Are Never Alone) Parts I and II, est nettement plus inhabituelle.
Après un petit solo de batterie, le groupe joue un second extrait de l'album Set The World On Fire, Knight Jumps Queen... sympathique, mélodique, entraînant... mais je ne dirais pas non à du bon thrash qui décoiffe. Ca tombe bien, avec le titre suivant, ça va envoyer : Twisted Lobotomy (second et dernier extrait du très bon For The Demented... Waters et ses sbires auraient pu en jouer un peu plus de celui-là, il le mérite... dommage). Et là, une autre surprise : Jeff nous parle du prochain album qui sortira en janvier et nous annonce qu'il a écouté ses musiciens pour essayer de retrouver et se diriger vers ce qui leur plaisait quand ils ont découvert Annihilator. Et là, il nous dit qu'ils vont jouer un nouveau titre, un peu dans l'esprit de Stonewall (album Never Neverland), musicalement parlant. Parce qu'au niveau du texte, le vieux classique parlait de prendre soin de la planète et de son prochain... alors que la nouvelle compo, Psycho Ward, fait référence à "une personne détestable, on en a tous une dans notre entourage, totalement nuisible, qu'on aimerait bien voir passer sous une voiture", dixit le frontman. Le morceau est très sympa. J'ai hâte de le réentendre sur album d'ici quelques mois. Avant le rappel, la fin du set sera thrash avec Tricks And Traps (encore une rareté... excellente speederie technique et fun issue du très peu populaire Remains) et l'incontournable Phantasmagoria qui dépote toujours autant et ravit une fosse de plus en plus remuante. Avant cela, Waters nous aura rappelé que l'année prochaine sera l'occasion de fêter les trente ans de Never Neverland, qu'il était en contact avec le chanteur de l'époque, Coburn Pharr, et que ce dernier était motivé pour partir en tournée avec le groupe et jouer l'album en intégralité. J'en salive d'avance...
Autre point fort d'Annihilator sur scène : le charisme et la bonne humeur de Jeff Waters (qui, en plus, faut-il le rappeler, est un guitariste hors-pair). Il ne se prive pas de nous faire quelques confidences ou nous raconter deux trois anecdotes ou souvenirs. Au moment du rappel, notamment, il évoque sa collaboration avec le premier chanteur (sur album) d'Annihilator : Randy Rampage, malheureusement décédé l'année dernière. Il nous parle de l'audition de ce vocaliste très rock'n'roll qui avait séduit son monde, non pas grâce à ses talents de chanteur, mais avec son attitude... Il nous dit aussi qu'il n'aimait vraiment pas la chanson Alison Hell mais qu'il adorait deux autres titres de l'album que le groupe va maintenant jouer en mémoire de Randy... Et c'est partie pour une bonne thrasherie des familles avec Burns Like A Buzzsaw Blade (première fois que j'entends ce morceau à un concert d'Annihilator) et l'inévitable Welcome To Your Death sur lequel un petit wall of death se mettra en place dans la fosse. Là, il fait très chaud dans le Petit Bain ! Et on termine en beauté avec le fameux classique que Rampage n'aimait pas (et que Waters n'aime plus trop non plus, nous confie-t-il, mais joue quand même parce qu'il sait que ça fait plaisir) : Alison Hell, toujours aussi génial.
Encore un très bon concert d'Annihilator ! Meilleur que celui de la tournée Suicide Society mais pas tout à fait aussi bon que ceux (plus généreux et mieux chantés) datant de l'époque où Jeff Waters était accompagné d'un vocaliste. Cela dit, si le projet de tournée avec Coburn Pharr pour les trente ans de Never Neverland se concrétise, ça devrait être quelque chose... et je serai évidemment là pour m'en assurer. Au final, les concerts d'Annihilator, c'est Waters qui en parle le mieux (et de façon plus synthétique que moi en tout cas) : c'est du thrash énergique qui permet d'évacuer tout un tas de choses (frustration, colère, agressivité etc... choisissez ou ajoutez ce que vous préférez) et de se prendre une bonne grosse claque en passant... mais avec le sourire. Et c'est vrai, l'ambiance est très bonne, chaleureuse, fun... alors qu'en même temps, sur scène, ça ne fait pas semblant de thrasher ! A l'année prochaine, alors ? J'espère...
Setlist Annihilator :
01. Betrayed 02. King Of The Kill 03. No Way Out 04. One To Kill 05. Set The World On Fire 06. The Trend / Schizos (Are Never Alone) Parts I and II 07. Drums Solo 08. Knight Jumps Queen 09. Twisted Lobotomy 10. Psycho Ward 11. Tricks And Traps 12. Phantasmagoria ----------------------------------------------------------------- 13. Burns Like A Buzzsaw Blade 14. W.T.Y.D. 15. Alison Hell
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