Groupe:

Annihilator + Harlott + Archer

Date:

06 Octobre 2015

Lieu:

Paris

Chroniqueur:

Blaster Of Muppets

Quand j'apprends qu'Annihilator va nous rendre visite, je fais une croix dans le calendrier, je bloque définitivement la soirée. Franchement, il n'y a pas grand-chose qui puisse me faire louper un tel événement. Il faut vraiment que je sois malade comme un chien ou qu'un événement grave advienne pour me faire renoncer à l'idée d'aller voir l'excellent Jeff Waters, mon Canadien préféré, se produire sur scène. Même quand les albums ne sont pas formidables (ce qui est le cas, cette fois-ci, avec le sympathique mais pas incontournable Suicide Society), les concerts sont généralement excellents. Je me souviens de la claque mémorable administrée par le groupe il y a deux ans de cela à Savigny-Le-Temple, ou même du formidable concert donné en 2010 à Paris. En fait, c'est bien simple, je n'arrive pas à me remémorer un mauvais show d'Annihilator. Pas même une prestation moyenne ou juste correcte. Non, à chaque fois que je les ai vus (plusieurs fois au Wacken, en Belgique pour la tournée Carnival Diablos ou à La Locomotive pour la promotion de l'album Waking The Fury), j'ai trouvé ça très fort. Voilà, il y a dans la vie des vérités qui rassurent, des certitudes comme celles-là : un concert d'Annihilator, ça ne déçoit jamais. Du moins, c'est ce que je croyais... jusqu'à cette soirée du 6 octobre 2015. 

La fête démarre plutôt bien avec un groupe américain nommé Archer. Le trio nous vient de Santa Cruz, en Californie, et fait dans un metal hybride mélangeant hard rock, heavy et (quelques touches de) thrash mélodique. Le son est très fort et quelques soucis techniques viennent légèrement compliquer la performance des Californiens qui ont été obligés d'expédier leur soundcheck (ils ont même dû le finir pendant que le public entrait dans la salle), conséquence immédiate de l'important retard pris par les groupes cet après-midi à cause d'une panne de tour bus. Mais il en faut plus que ça pour déstabiliser ces Américains qui livrent une prestation énergique et convaincante.

Assez rapidement, je me dis que la musique du trio a quelque chose de Megadeth. Pas le Megadeth des tous débuts, ni celui de ces dernières années... Je pense plus à des albums comme Countdown To Extinction, Youthanasia ou Cryptic Writings. C'est assez flagrant sur des chansons comme Dawn Of Dilution ou Day That Never Came. Il faut dire que, tout comme Mustaine, Dylan Rose, qui occupe à la fois le poste de chanteur et guitariste, maîtrise parfaitement sa six-cordes et balance des solos excellents ! Notons également qu'il est meilleur vocaliste que Megadave... cependant, il a vraiment des intonations, une façon d'attaquer les lignes mélodiques qui ne sont pas sans rappeler ce dernier. Niveau jeu de scène, on sent l'influence du Zakk Wylde des années Ozzy Osbourne dans les poses. En discutant un peu avec le musicien après le show, on ne sera pas surpris d'apprendre que ses guitaristes préférés sont Marty Friedman, Zakk Wylde, Randy Rhoads, Tony Iommi ou Dimebag Darrel. En tout cas, quelles que soient ses influences, Mr. Rose assure. Il est vraiment très doué et à chaque fois que le moment du solo arrive sur un morceau, on en prend plein les oreilles !

Ses deux compères, fougueux et souriants, ne sont pas en reste. Le batteur Keyhan Moini passera le set à se démener avec une belle énergie et David DeSilva n'aura de cesse de nous montrer qu'il est un bassiste hors-pair... en plus de soutenir le frontman sur les refrains en participant aux choeurs. Les morceaux, tous extraits du nouvel album Culling Of The Weak, passent très bien. On retiendra plus particulièrement la chanson titre qui possède un excellent groove et un refrain bien balancé. Après quatre compos, Dylan Rose nous annonce qu'il s'agit de leur premier passage en France et qu'ils nous ont amené un cadeau sous forme de reprise. Une reprise de qui ? De Megadeth !! Voilà, le doute n'est plus permis : Archer aime vraiment la bande à Mustaine ! Le morceau choisi n'est pas un titre au rabais, c'est Tornado Of Souls (extrait de l'indispensable Rust In Peace) qui nous régale les oreilles. Encore une fois, quand vient le moment du solo, Rose se montre plus qu'à la hauteur et impressionne l'assistance.

La demi-heure passe très vite, six titres ont été joués, on ne s'est pas ennuyé une seule seconde. Archer a su convaincre. De bonnes mélodies, une technique éloquente et une certaine fraîcheur ont été détectées. Voilà un groupe bien sympathique que je vous recommande et dont je vais suivre le développement avec une certaine attention. 

 

Une vingtaine de minutes plus tard, on change de continent. C'est l'Australie qui vient à nous, sous les traits de Harlott, quatuor qui oeuvre dans le thrash brutal ! Leur show démarre avec les deux premières chansons de Proliferation, leur nouvelle galette. Ce sont donc la chanson titre et Denature qui ouvrent le bal... et le moins que l'on puisse dire, c'est que ça ne rigole pas ! On ne se balade plus du tout dans le pays de Megadeth là... on est en terre bien plus hostile, en compagnie de gaillards dont on devine vite que les disques préférés ont été pondus par des formations comme Slayer, Exodus ou Kreator.

La prestation est solide, même si là encore, quelques petits soucis techniques font leur apparition. Rien de trop méchant... mais on voit bien que Tim Joyce, le batteur, lutte un peu et a du mal à caler ses parties de double grosse caisse. Vu les signes qu'il fait de temps en temps à la régie pendant le début du concert, on comprend bien qu'il y a un problème de retour. Mais les choses vont se tasser et le set va rouler... enfin, quand je dis rouler... je devrais plutôt dire tout écraser ! Harlott, c'est du lourd ! Andrew Hudson au chant et à la guitare ainsi que Tomas Richards à la basse sont très investis. Les gars sont énervés (comme il se doit quand on joue ce genre de thrash) et ont de la présence. Ce sont surtout vers eux que les regards se tournent. L'autre guitariste, Ryan Butler, est plus nonchalant... Quant au batteur, il n'est pas très expansif mais plutôt concentré (en même temps, les soucis techniques évoqués ci-dessus exigent plus de concentration, on ne lui jettera pas la pierre).

Niveau setlist, les Australiens peuvent bien jouer ce qu'ils veulent, ils ne sont pas encore véritablement connus chez nous... il n'y a donc pas d'attente particulière. Le quartet ne mise pas tout sur son nouvel opus mais décide en fait de se balader au sein de sa courte discographie. En plus de trois compos de Proliferation (dont la terrassante Means To An End qui clôturera le set), il y aura donc des chansons extraites de l'album Origin (la chanson titre passe d'ailleurs extrêmement bien sur scène) mais également une poignée de morceaux, comme Heretic et None, issus des premiers EP. La foule est réceptive mais ne bouge pas trop. On sent qu'on est plus dans un round d'observation... Mais vu le talent de Harlott, il y a fort à parier que lorsqu'ils repasseront et seront un peu plus connus, ça bougera davantage. Le frontman tente quelques mots en français ("Je suis Australien" crie-t-il de façon triomphale à la fin de la première chanson) mais case aussi quelques traits d'humour... qui auront bien du mal à être compris vu qu'il parle vite et avec un accent... forcément australien ! Bien essayé quand même.

Au final, ce court aperçu des prouesses de Harlott en concert laisse une impression positive... car l'énergie et la force des compos sont indéniables. Petit bémol tout de même, et même probablement un peu plus que petit pour les non-initiés, l'aspect un peu bourrin et constamment effréné de la musique proposée peut donner l'impression qu'on écoute (presque) toujours la même chose. C'est le même petit problème que l'on rencontre avec leur album (très bon, par ailleurs) Proliferation : c'est super bien fait et ça distribue de la claquasse comme Bud Spencer sous stéroïdes mais ça manque un peu de nuance et de variété. 

Setlist Harlott :

01. Proliferation
02. Denature
03. Origin
04. Heretic
05. None
06. ?
07. Means To An End

 

Et maintenant, il est l'heure d'accueillir Annihilator. C'est une constante, le line-up a encore changé depuis la dernière fois. Le seul membre que l'on reconnait de la tournée précédente (en plus de Jeff Waters, ça va de soi), c'est le batteur Mike Harshaw. Rien d'inquiétant là-dedans, on pourrait créer une ville entière dont la population serait uniquement constituée des bassistes, batteurs, chanteurs ou guitaristes qui ont joué dans Annihilator depuis ses débuts... sans oublier que ces innombrables changements n'ont jamais empêché le groupe de briller en live. En revanche, cette fois-ci, il y a une modification qui n'est pas sans conséquence : Dave Padden, chanteur et guitariste qui a quand même accompagné Waters pendant près de douze ans (du jamais vu dans l'histoire de ce combo), s'est fait la malle. On le savait, il n'était déjà plus là au moment d'enregistrer Suicide Society et c'est Waters qui a assuré le chant sur ce disque. Eh bien, ce dernier ne s'est pas dégonflé et a également décidé de se saisir du micro sur cette tournée. 

En guise de préliminaires, c'est Rock You Like A Hurricane de Scorpions qui retentit dans les enceintes juste avant qu'Annihilator ne s'empare de la scène du Divan du Monde et attaque avec un morceau idéal pour bien démarrer son set : le classique King Of The Kill. Quelques secondes avant que le morceau ne démarre réellement, Jeff Waters interpelle de suite le public parisien en lançant un joli "ça va être chaud !!" (en anglais puis en français)... Il est tout sourire et reçoit une belle acclamation en retour. L'entrée en matière est excellente, le public est survolté, la fosse se met à bouger pour première fois de la soirée, des pogos font leur apparition... la chanson est une tuerie. Le son n'est pas parfait (mais pas mauvais non plus), ce qui est très courant sur un début de concert... on ne s'inquiète donc pas, on a, à ce moment-là, aucune raison de s'en faire. Le lancement du show est réussi... l'ambiance est top, on est chaud pour la suite !!

Tout a donc démarré sur les chapeaux de roues... Et puis Snap est arrivé. En deuxième position. Oui. Bon, je ne vais pas en faire des caisses (du moins, je vais essayer) mais disons juste que je trouve cette nouvelle chanson assez faible et que la voir arriver si tôt dans la soirée vient légèrement calmer mon enthousiasme. Visiblement, je ne suis pas le seul que cela calme car l'ambiance (explosive sur King Of The Kill) descend d'un bon cran. En ce qui me concerne, cela n'est pas dû qu'à la composition mais également au chant. Là, c'est plus calme et mélodique et il est beaucoup plus facile d'entendre les imperfections vocales de Waters qui, sur certains passages de la chanson, est carrément faux. Allez, ce n'est pas grave, la soirée est loin d'être terminée... Jeff va très certainement se rattraper avec le prochain titre, non ? Non, pas vraiment. Au lieu de repartir avec quelque chose de plus consistant ou ravageur, il persiste dans un registre mid-tempo et mélodique avec Suicide Society. Soit, ça passe mieux que Snap mais ce n'est pas la folie non plus. Aaahhh... C'est Creepin' Again qui nous est proposé ensuite. C'est mieux ! La compo est déjà plus réussie que les deux autres (elle est aussi plus thrash)... mais ça ne repart pas complètement pour autant. Peut-être était-il un peu trop ambitieux d'aligner autant de chansons du dernier album en début de concert ? Je le pense, oui. Mais en plus de cela, ce qui a été détecté sur Snap se confirme : Jeff Waters n'est pas un grand chanteur et le son de son micro est désagréable (beaucoup trop d'écho, comme pour pallier le manque de puissance). Dave Padden me manquait déjà un peu sur Suicide Society mais sur scène, c'est encore plus flagrant. Il était bien plus puissant et versatile que Waters. Et forcément, comme c'est Waters qui assure le chant, il passe logiquement plus de temps derrière son pied de micro et peut moins se consacrer à son habituel arpentage de scène. Je ne vais pas noircir le tableau, il reste sympathique et charismatique. Dès que le moment du solo arrive, il bouge et nous ressort sa panoplie de mimiques dont il a le secret mais voilà, c'est quand même moins bien, moins carré, moins bien chanté... bref, moins impressionnant qu'avant.

N'allez pas croire que je n'ai retenu que le négatif. Non, il y a eu de bonnes choses. Les musiciens ont été très bons. Aaron Homma à la guitare s'est montré impeccable et plein de fougue. Mention honorable pour le sympathique bassiste Cam Dixon également, très performant et souriant. Derrière les fûts, Mike Harshaw ne saurait être pris en flagrant délit d'approximation... c'est carré, net, précis. Et puis, une fois que sont passés les trois ou quatre morceaux qui ont fait retomber l'ambiance, les compos qui tuent ont refait surface : Set The World On Fire, Welcome To Your Death, Never Neverland (entre autres) ont fait beaucoup de bien à la setlist ! Mais malgré cela, il a manqué un certain nombre de choses à ce concert pour qu'il puisse se situer dans la lignée des meilleurs faits d'armes des Canadiens... comme le temps. Oui, à cause des problèmes de tour bus évoqués plus haut et du retard qui en a découlé, Annihilator a été obligé d'effectuer des coupes dans sa setlist. Par conséquent, ça a été moins généreux que d'habitude et cela a même généré quelques moments de confusion comme quand Jeff Waters nous a demandé de choisir entre Ultraparanoia et City Of Ice avant de se rendre compte que ce n'était pas du tout le moment de jouer une de ces chansons. Bon, ce sera pour plus tard alors... sauf que non. On avait "voté" (= gueulé) pour Ultraparanoia mais on n'a rien eu du tout. Ce n'est pas grave mais c'est dommage. Notamment car cela aurait apporté un peu plus de nouveauté au set du combo. Car, oui, il y a également eu moins de surprises que sur les tournées précédentes. Tricks And Traps (du généralement boudé Remains) ou Second To None peuvent passer pour des raretés (ce ne sont pas des classiques) mais ce n'est pas la première fois que Waters les ressort de son chapeau... en fait, ces surprises-là, on les a déjà eues les dernières fois. Je ne vais pas trop râler, ce sont de bonnes chansons et c'est toujours une bonne chose de les entendre, mais voilà, quand on est habitué à l'excellence, on peut devenir un peu difficile ou exigeant. Vers la fin du show, un beau moment inattendu tout de même : un petit medley regroupant notamment un bout de la délirante Chicken and Corn, un court passage de Kraf Dinner et même un peu de la plus sérieuse Reduced To Ash. On aura également eu le droit à la rare (et géniale) Brain Dance dans son intégralité. Cool... même si le passage délirant du milieu de chanson n'a pas été joué par le groupe mais passé sur bande (oui, désolé, je pointe encore un bémol... mais il y en a quand même eu pas mal, je n'y peux rien). 

On termine la soirée avec un grand classique : Alison Hell. L'ambiance est toujours bonne et Jeff Waters continue de blaguer à l'occasion... Là, il nous explique que nous allons chanter le refrain tout seul, comme ça, c'est nous qui n'aurons plus de voix le lendemain matin. C'est de bonne guerre, le gars a une tournée à finir, pas nous... et vu les difficultés qu'il éprouve, on peut lui rendre ce service. 

Voilà, une petite quinzaine de morceaux, une heure et demie de concert, un moment très sympa. Oui, ça fait toujours plaisir de revoir Annihilator ; le public a été chaud pendant (quasiment) toute la soirée, il y a eu de grands morceaux, les musiciens sont super forts... mais comme vous l'avez compris, ce ne fut pas un concert génial. Waters quitte la scène en nous promettant qu'on se reverra bientôt, peut-être même l'année prochaine. J'aimerais beaucoup... mais j'espère que ce sera meilleur que ce soir. Jusque-là, j'avais été habitué à du "génial" ou à du "spectaculaire"... pas juste à du "sympa".
 

Setlist Annihilator :

01. King Of The Kill
02. Snap
03. Suicide Society
04. Creepin' Again
05. No Way Out
06. Set The World On Fire
07. Welcome To Your Death
08. Never Neverland
09. Tricks And Traps
10. Bliss
11. Second To None
12. Refresh The Demon
13. Brain Dance
14. Phantasmagoria
15. Medley : Chicken And Corn / Kraf Dinner / 21 / Reduced To Ash
16. Alison Hell