Groupe:

Foreign

Date:

17 Février 2021

Interviewer:

fifi59

Interview Ivan Jacquin

Salut Ivan, merci d'accorder cet entretien au webzine auxportesdumetal.com. La dernière fois que nous avons conversé par mail remonte à 2014, année de sortie de The Symphony Of The Wandering Jew (Part 1). Quel plaisir de voir enfin concrétisée la suite que j'attendais avec impatience ! Pour commencer, peux-tu nous indiquer ton cursus musical jusqu'à ce jour ?

J’ai commencé à étudier le solfège et le piano vers six ans au Conservatoire et après 8 années d’études, je me suis orienté vers le Jazz et l’improvisation. J’ai commencé à jouer dans des groupes à partir de 17 ans, comme batteur/chanteur sur du metal extrême et mélodique (c’était l’époque des premiers groupes de death-metal, Death, Morbid Angel, Entombed, Obituary, Deicide…) mais je me suis dirigé très vite vers un chant plus mélodique auquel j’ai de suite intégré l’utilisation de claviers et du coup j’ai abandonné la batterie. J’ai fait beaucoup de concerts avec des groupes différents, assez progressifs dans l’ambiance, ce qui fait que nous n’avons jamais vraiment percé. Je citerais Lifeseeker avec qui nous avons joué en 1ère partie de Vulcain et Silmaris dans les années 90, je ne citerai pas tous mes groupes mais les plus marquants sont Ogham (rock celtique), Acid Rain (reprises 70’s 80’s dont Deep Purple, Led Zep, Toto…), Project Rage (electro prog metal), Projekt One (rock prog celtique), Tribute to Hallyday (dans lequel j’étais claviériste et choriste, oui, oui, c’est possible !) et l’Hommage symphonique à Pink Floyd (reprises des Floyd avec orchestre, groupe rock et chœur). Puis Amonya, trio acoustic jazzy à tendance celtique et Psychanoia, rock/metal mélodique dans lesquels je suis toujours actif. Je collabore également à des projets studios divers lorsque je suis demandé et que cela me parle assez émotionnellement. Je suis également prof de piano à mes heures, ce qui fut d’ailleurs mon tout premier métier.

Es-tu satisfait de l'accueil qui a été réservé à The Symphony Of The Wandering Jew (Part 1) ? Quels en furent les divers retours ?

Oui, bien sûr, je suis très satisfait de voir que les mélomanes de tous pays ont très bien réagi à ce projet et ont été sensibles à ce que je désirais faire, c’est-à-dire faire vivre un voyage musical dans les esprits, totalement déconnecté du réel, avec de multiples couleurs musicales, le challenge a été réussi. Les diverses chroniques, dont la tienne, ont été dithyrambiques et j’en fus réellement honoré. Par contre, point de vue vente et diffusion, je ne me suis jamais fait d’illusion, étant en autoproduction, sans label pour promouvoir le projet, qui plus est dans un pays comme la France, attaché à sa sacro-sainte radio et télé et ne diffusant que du rap, de la pop et de la chanson française, ça a été très dur de faire connaître ma musique et je me suis senti un peu seul dans tout ce processus de promotion. Il est sympa de voir d’ailleurs ceux qui se procurent le deuxième volet actuellement et qui ne comprennent pas pourquoi ils n’ont jamais entendu parler du premier album. Les ventes du premier sont d’ailleurs reparties à fond grâce au deuxième.

Avant sa découverte, une première chose saute aux yeux lorsqu'on évoque le second volet, c'est son imposant line-up, tant au niveau du chant (chanteuses, chanteurs, chœurs) que des musiciens. On ne peut également que remarquer la présence de quelques pointures : Amanda Lehmann (Steve Hackett Band), Andy Kuntz (Vanden Plas), Zak Stevens (Circle II Circle, Savatage, Trans-Siberian Orchestra), Leo Margarit (Pain Of Salvation, Epysode), Mike Lepond (Symphony X, Silent Assassins), Tom Englund (Evergrey). Comment s'est déroulée la rencontre avec ces artistes et comment ont-ils été convaincus de participer à l'aventure ? Plus globalement, comment as-tu choisi les participants à cette seconde grande aventure ?

J’avais une petite liste de musiciens avec qui je rêvais de collaborer. Je les ai donc tout simplement contactés par les adresses mails des managements respectifs, sans grand espoir je l’avoue, mais quand Zak Stevens (que je vénère depuis son intégration dans Savatage) puis Amanda Lehmann m’ont répondu le lendemain avec beaucoup d’enthousiasme, cela m’a rendu très confiant par la suite. Puis Andy Kuntz a suivi juste après, je l’ai d’ailleurs rencontré peu de temps après au sortir d’un concert de Vanden Plas, franchement un mec ultra disponible et très sympathique. Presque toutes mes demandes ont été répondues, même lorsque c’était négatif, ce qui est quand même plutôt sympa. J’ai donc continué mes demandes et je suis ravi de ce beau line-up. Hélas, parmi ces stars, je n’ai pu rencontrer qu’Andy et Leo Margarit, homme très gentil également avec qui je corresponds souvent et qui sans doute fera partie du staff de Foreign Part III.

"The Symphony Of The Wandering Jew (Part 2)" est à mes yeux un album varié, riche et addictif. Je présume que tu en es pleinement satisfait !

Étonnamment, je pense qu’il est à peine moins varié que le premier, où tous les styles que j’apprécie étaient représentés comme un éventail de mon vécu personnel et de mes goûts. Pour ce deuxième volet, j’ai volontairement désiré proposer quelque chose de plus homogène, et vu les invités prestigieux et leur façon de chanter, j’étais obligé de brider un peu ma folie qui part parfois dans tous les sens. La production professionnelle de Markus Teske a transcendé le tout et je suis réellement ravi du résultat. Autant le premier avait été une affaire semi-pro et produite avec les moyens du bord, où j’aurais aimé réenregistrer certaines parties et remixer d’autres (ce n’est pas exclu d’ailleurs dans le futur…), pour la Part II, je ne toucherais rien de plus, sincèrement.

Qu'en est-il de la trame de ce second opus ?

L’histoire reprend là où le premier album s’était arrêté, à l’aube de la deuxième croisade, à la fin du XIIème siècle. Ahasverus, maintenant Omar, décide de retourner à Jérusalem, sa ville natale, après l’inconsolable décès de sa princesse perse Medeïvel avec qui il a vécu en paix pendant plus de trente ans. Il va rencontrer le terrible Saladin, partager une épopée maritime avec le peuple Viking, il va tomber sur Christophe Colomb et même le remplacer pour sa découverte des Amériques (oui, j’ai pris beaucoup de liberté avec l’histoire ! (rires)), puis traversera l’existence avec François Ier, Mona Lisa, Shakespeare, Mozart jusqu’à la Révolution française, aux prémices de la révolution industrielle vers 1830 en prenant la place du mari défunt de Pauline Borghese, soeur de Napoléon. Pour avoir une bonne compréhension du déroulement des péripéties, il faut acquérir le livre II bien sûr… ^^

Quel fut le processus de composition de l'album ?

J’avais quelques morceaux instrumentaux depuis des années enfouis dans un de mes synthés et je me suis dit qu’il était temps d’en faire quelque chose, cela concerne "Secrets of Art", "Running Time", "Mysteries to come", et "Symphonic Caress". Puis certains autres ont été composés en fonction des chanteurs ayant accepté de participer. Les deux premiers, "Yerushalaïm" et "Rise 1187" ont été composés pour Zak Stevens. Puis certains sont venus tardivement comme "Holy Lands" où je chante seul, incarnant le personnage de Colomb, ou "Revolutions" et "Witness of changes" qui ont été les tout derniers à être peaufinés. Processus très long donc et angoissant car j’avais peur que tous ces morceaux, créés à des époques éloignées, ne rentrent pas dans les mêmes émotions.

Le son est excellent, que ce soit lors des moments où la puissance règne ou lors des passages où la délicatesse l'emporte. Quel fut le déroulement de l'enregistrement de l'album ?

J’ai enregistré à peu près les deux tiers de tous les instruments et vocaux, invitant les artistes à venir dans mon petit Wandering studio pendant une journée entière ou un weekend. Olivier Gaudet (Foreign I & II, Psychanoia) a fait les prises de son des choeurs chez moi et d’autres ont enregistré chez eux par leurs propres moyens. Au final, Markus Teske du Bazement Studio, que Andy Kuntz m’avait chaudement recommandé, a réalisé un travail exceptionnel, rendant la moindre note audible malgré le nombre d’instruments jusqu’aux frottements des archets des violons et violoncelles ou au souffle des flûtes ou du hautbois. Je l’ai dit cent fois déjà mais une bonne part de la magie de l’album réside en son travail léché et très professionnel.

Y a-t-il eu des difficultés pour mener à bien cette aventure ? Qu'en a t-il été du financement ?

Oui, j’ai eu beaucoup plus de difficultés à mener ce nouvel album, en résumé j’ai eu quelques déceptions par des désistements, des soucis d’emploi du temps pour enregistrer, des méprises, quelques egos qui se sont révélés, une lassitude et une envie de tout arrêter à un moment où je n’y croyais plus, et bien sûr le budget, qui a été multiplié de par la présence de « stars » internationales dont c’est le métier, un financement participatif qui a beaucoup moins bien marché que pour le précédent et le budget pour le mixage et mastering. Mais la signature avec Pride And Joy m’a allégé du budget pressage CD et promotion, ce qui n’est pas négligeable. Le résultat vaut toute cette peine passée.

Quels souvenirs marquants retiens-tu de tout le travail mené ?

Je retiens de très belles émotions provoquées par le travail de certaines de mes idoles depuis longtemps, Zak Stevens et Andy Kuntz qui chantent sur ma musique, c’est un rêve éveillé. Et savoir qu’ils se sont vraiment impliqués et ont d’entrée aimé les morceaux sur lesquels ils chantent me rend encore plus fier de tout ce travail. Puis certaines rencontres ont vraiment été superbes et se sont transformées en de belles amitiés, certes à distance mais solides. Enfin certaines relations ont été encore confortées par ce travail, notamment avec mes compères de Psychanoia, d’Amonya et d’artistes présents sur le premier album, et notamment les choristes qui ont fait un travail remarquable.

Que peux-tu nous dire de l'artwork de "The Symphony Of The Wandering Jew (Part 2)" ?

Tout comme le premier, c’est ma chère compagne Jeannick Valleur (chanteuse de Foreign et Amonya) qui s’en est occupé. Elle m’en a d’ailleurs beaucoup voulu d’être autant romancier que musicien, parfois les textes des chansons sont beaucoup trop longs pour le livret (rires). Une chose non négligeable apparaît en plus du premier ; ce sont les dessins des personnages principaux qui apparaissent au fil des chansons et des pages, réalisés avec talent par Marie Desdemone Xolin (chanteuse de Foreign I et II également). J’en profite pour dire aux lecteurs de préférer le CD physique au streaming ou aux MP3 à télécharger sur les plateformes digitales, car c’est vraiment un très bel objet à acquérir.

Prévois-tu de commencer à travailler sur le troisième volet dans un futur proche ou est-ce déjà en cours ?

Je ne ferai pas la même erreur que pour le Part 2, commencer trop tôt pour qu’en fait le rythme s’essouffle en cours de route et qu’une certaine lassitude des gens s’installe. Certains morceaux sont quasiment prêts, j’ai fait une liste des artistes avec qui j’adorerais travailler, la plupart des instrumentistes des deux albums reviendront avec moi pour finir cette aventure, j’en suis ravi. J’avoue que l’histoire qu’il me reste à raconter peinera à tenir sur une seule galette… La trilogie sera certainement divisée en 2 parties, ou un double album… En résumé, j’attendrai d’avoir composé 80% des morceaux et de mieux gérer le budget à prévoir pour commencer à en parler. On va donc dire rendez-vous dans quelques années, car d’autres projets qui me tiennent à cœur sont en route, dont le prochain Psychanoia qui sortira cette année, nous l’espérons, et j’aimerais réaliser un album solo, accompagné d’invité(e)s avec qui j’aimerais partager des chansons.

Peux-tu nous dire un mot sur les livres, parfaits compléments aux albums, que tu as écrits ?

Ce sont les histoires détaillées en français des deux albums, «La symphonie du Juif Errant» Livre I et Livre II où je reprends même parfois la plupart des textes des chansons. J’ai repris ce mythe médiéval du Juif Errant, publié dans de nombreux romans dont Guillaume Apollinaire, Alexandre Dumas, Stefan Heim, Eugene Sue et plus récemment, l’Histoire du Juif Errant de Jean d’Ormesson qui a transcendé la légende. Je m’en suis d’ailleurs légèrement inspiré mais j’aime à penser que j’ai ajouté ma propre pierre au destin d’Isaac Laquedem… Ils sont disponibles sur le site de l’éditeur, Edilivre.com ou par moi-même, on peut facilement me contacter sur FB sur ma page auteur ou celle de Foreign Rock Opera.

Ce serait formidable de voir le projet prendre forme un jour sur scène lorsque la pandémie sera derrière nous ! Qu'en penses-tu ?

J’y avais longuement pensé lors du premier album mais à moins de trouver une structure pro qui prendrait en charge tout l’aspect mise en scène, production, location de salles, je ne pense pas que cela aura lieu, je ne veux pas me lancer dans une aventure aussi périlleuse, d’autant plus que je ne sais pas si ce genre de spectacle fonctionnerait en France. Et puis réunir tout ou une partie du staff des deux albums relèverait du miracle… Foreign est plus apprécié chez nos voisins européens, et même au-delà, qu’en France, une fois de plus. On est loin des comédies musicales Les dix commandements, Notre Dame de Paris ou encore Mozart…

Quels albums écoutes-tu en ce moment et lesquels conseillerais-tu ?

En ce moment, je suis à fond sur Silent Skies, le projet piano chant de Tom Englund et Vikram Shankar, superbe d’émotions. J’écoute les vieux Journey, et je redécouvre la période plus récente du groupe avec Steve Augeri puis Arnel Pineda au chant. Le dernier Pain of Salvation, "Panther", est magnifique également, je le conseille vivement mais avec l’esprit ouvert, ainsi que le dernier Vanden Plas "Illumination" et je suis à fond sur le dernier Sons of Apollo, "MMXX" !

Je te remercie pour cette interview et te laisse le mot de la fin !

J’espère que Foreign aura un beau destin dans le monde entier et que de plus en plus de personnes pourront voyager avec ma musique. Je remercie d’ailleurs tous les acteurs de la scène musicale underground française et internationale comme Aux portes du metal, webzines, radios, magazines, boutiques, et tous les fans de musique émotionnelle et organique, sans qui les "moins bankable" des artistes dont je fais partie n’auraient jamais aucune diffusion pour leur création.

 

Par rapport à la photo, permettez-moi de citer François Laurent et Bénédicte Bigot, qui avaient fait des photos avec le piano lors de l'enregistrement de l'album de Psychanoia. J'avoue avoir flashé dessus, je la trouve belle et originale, ce qui explique sa présence au début de l'interview !

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