Je ne suis pas un spécialiste de metalcore ; les tonalités très agressives et la brutalité musicale du genre me laissent généralement perplexe. Mais comme il ne faut pas mourir idiot, je me suis laissé tenter par Iridescent, la récente sortie de Silent Planet, quatuor américain créé en 2009. L’axe plus progressif de ce quatrième album me semblant un pont suffisamment solide pour relier ce monde inconnu aux terres musicales fertiles que je fréquente habituellement. Grand bien m’en a pris ; Garrett Russell et ses compères sortent là en effet un album explosif, à la fois brutal et mélodique, volumineux et épuré, haché et groove. Une performance que l’on se doit de souligner et un album qui mérite largement un coup de chapeau. Iridescent c’est l’amalgame parfait d‘atmosphères totalement glaciales et de feux intérieurs. Le metalcore proposé incorpore bien sûr des aspects progressifs, mais aussi du nu metal, et des touches de musicalité heavy ou rock, très finement dosées.
Les douze titres sont courts (entre deux et quatre minutes), ce qui permet d’absorber la violence et le stress général des quarante minutes d’écoute sans aucun souci. Même les passages de chants gutturaux ou criés s’incorporent parfaitement tels des briques logiques de l’édifice qui se construit dans nos oreilles. Ce sont même elles qui donnent du volume et réveillent l’intérêt de l’éthéré et plus calme Terminal. Il faut souligner le coté lyrique des compositions de Silent Planet. Les textes sont critiques, denses et les refrains répétitifs moins visibles. Ces paroles sont donc des outils extrêmement importants qui mettent en valeur les voix de Mitchell Stark et Thomas Freckleton (claires) et Garrett Russell (gutturale). Leur balance entre les chants clairs et les gutturaux ou hurlés fait merveille. Elles complémentent parfaitement l’aspect frénétique proposés par la partie rythmique (Thomas Freckleton à la basse et clavier ainsi qu’Alex Camarena à la batterie) et la sombre brutalité des guitares de Garrett et Mitchell.
Si l’on excepte Terminal, qui est une sorte d’ovni au milieu de cet album, ainsi que les deux intermèdes 1-1-2 et (liminal);, les autres titres sont de la même veine sans pour autant se ressembler. Ils proposent généralement les deux aspects musicaux du groupe ; l’hyper violence et une douce musicalité. Ce qui peut paraitre déstabilisant dans le premier titre Translate the Night, s’avère en fait absolument nécessaire rapidement, comme dans le puissant Second Sun. Le groupe n’hésite jamais à utiliser également l’électro pour renforcer le coté robotique de certains titres. Le magique Trilogy est de ceux-ci ; entre agressivité et psychose humaine ou douceur virtuelle, l’auditeur se trouve successivement immergé dans des mondes très différents. Alors que les synthés de Panopticon mettent en place l’atmosphère torturée du titre, le terme, hurlé en ouverture, vous emmène dans un train fantôme fou dans lequel vous serez maltraités, bousculés et éjectés sans aucune précaution. Génial. Prenez le temps d’apprécier les changements de voix de Garrett dans le déstructuré The Sound Of Sleep. Elles apportent une tessiture de folie dépressive qui est renforcée par la mélancolie des voix claires de Mitchell et Thomas. Très progressif par sa rythmique, le titre permet d’introduire l’hyper brutal et subliminal Alive, as Housefire. Loin de mes standard musicaux, ce titre m’attire comme un aimant, symptomatique de l’effet d’Iridescent sur moi.
Mais le plus fort, c’est que Silent Planet a gardé les meilleurs pour la fin. Anhedonia est psychotique avec des sons Korn-esques. Pour une fois les refrains ont leur importance. Ils structurent un titre torturé et pleinement progressif par sa géniale rythmique, son axe électro et ses riffs lourds. Malgré sa base rythmique prog, Till We Have Faces est grandiloquent par ses parties plus calmes. Un mélange détonant ou l’on regrette la partie manquante dès que l’autre prend la lumière. Tout se termine sur l’excellent Iridescent. Plus lent, moins frénétique et très sombre en ouverture, sa fin toute droit venue du chaos d’un esprit torturé, permet de clore un album remarquable sous beaucoup d’aspects. Probablement un des musts de l’année.