Seth, ce nom résonne en moi comme la madeleine de Proust du Black Metal. En
effet, à la fin des années 90, pour moi le Black se résumait à Emperor,Marduk et Cradle Of Filth, trois salles trois ambiances. Et voilà
Seth qui débarque, de Bordeaux qui plus est, soit pratiquement à
côté de chez moi. Ce groupe développe des ambiances dignes des plus grands groupes
de l’époque, et cumule un esthétisme rare pour un groupe français. Le premier
album du groupe Les Blessures de l’Âme en 1998 est considéré,
à juste titre, comme une pierre angulaire du Black Metal français. Fait assez rare
également, le groupe fait le pari du français dans les textes, et pour autant ce disque
aura su rayonner au-delà de nos frontières. Ils reviennent en très grande forme
avec La Morsure du Christ, après huit années de silence qui faisaient suite
à un The Howling Spirit, que j’avais trouvé avec
des hauts et des bas, contrairement à mon collègue Orion.
Le line-up actuel du groupe se compose de Heimoth (Sinsaenum) et Drakhian (Griffar)
aux guitares, Esx Vnr (Arkhon Infaustus) à la basse,
Pierre Le Pape (Melted Space) aux claviers, Alsvid (Ad Patres) à la batterie, et Saint Vincent
(Black Lodge) au chant. Cette belle bande de vieux briscards de
l’extrême connaissent bien leurs partitions et nous proposent quelques délicieuses
sérénades qui accompagneront un voyage au cœur des grands thèmes classiques
du genre.
Ils
proposent une réinterprétation des thèmes emblématiques du Black Metal, la
rébellion contre l’Église et la pensée chrétienne organisée. La
pochette est elle aussi emblématique puisqu’elle reprend un des événements
qui aura marqué la conscience collective en 2019, Notre Dame dévorée par les
flammes. (et ce coup-ci le Black Metal n’y est pour rien !) Cette pochette/œuvre d’art
a été créée par Leoncio Harmr. Elle représente le
véritable brûlot qu’est cet album.
C’est par la chanson
éponyme que l’album débute, Alsvid fait tout de suite
étalage de son talent. Il est l’homme qui impulse l’énergie
phénoménale que contient cette galette. Au-delà du rythme effréné
qu’il soutient, c’est son jeu de cymbales qui me scotche le plus… Et lorsque
l’on a un batteur à ce niveau-là, il faut que l’ensemble suive… Les
musiciens répondent bel et bien présent, en premier lieu la basse forcément, mais
également le duo de guitariste fait de la compote de cordes pendant les sept titres que contient
cet album. Quant au chant on retrouve non seulement la langue de Molière mais
aussi le timbre de voix hargneux et empli d’éloquence de Saint Vincent.
Globalement c’est un album varié, Metal Noir introduit les premiers vrais
instants de mélodie, la fin d’Ex-cathédrale est aussi remarquable à
ce niveau-là. Et même il reste des purs titres de Black Hymne au Vampire (Acte
III) (les deux premiers actes étaient sur Les Blessures de l’Âme), ce
n’est pas ce que je retiens. Le groupe réussit à allier puissance et hargne du Black
avec un sens de la mélodie qui lorgne même vers le « Epico-heavy
Metal ». Le Triomphe de Lucifer qui conclut l’album résume assez bien
ces deux tendances.
Je retiens également deux autres points au-delà de
l’aspect brut de leur musique, (on reste dans le Black quand même) tout d’abord
l’esthétisme, qui dépasse celui de l’objet. Il y a une forme
d’esthétisme musicale dans les compositions qui les rendent grandiloquentes. Cela tient
à mon sens aux claviers qui sont bien présents tout au long de l’album, qui
accompagnent, subliment sans prendre la place de… Et c’est mon second point, les claviers
sont un complément à la fois presque discret et pourtant tellement indispensable aux
guitares. Preuve de leur importance : Les Océans du Vide et Sacrifice de Sang
ont droit à une version aux claviers pour ceux qui décident de prendre la version de
l’album avec bonus.
Alors, est ce que La Morsure du Christ est dans la lignée de
Les Blessures de l’Âmes, je ne pense pas, il le surpasse de la tête et des
épaules. Et même si on retrouve les atmosphères profondément
tourmentées, violentes et morbides qui caractérisent leur album emblématique.
J’ai la sensation profonde d’une forme de maturité dans les compositions. «
Alors, oui Jean Mich’ après vingt ans d’existence il serait peut-être temps
qu’un groupe soit mature ! » Certes mon ami, pour autant il y a des groupes qui
n’arrivent jamais à transcender, dépasser son savoir-faire initial malgré une
bonne vingtaine d’année de maturation. Seth réussit le tour de
force de sublimer sa manière de composer pour faire pratiquement passer au second plan son album
culte, et ça l’ami, ce n’est clairement pas donné à tout le
monde.
Tracklist de La Morsure du Christ
:
01. La Morsure du Christ 02. Métal Noir 03.
Sacrifice de Sang 04. Ex-Cathédrale 05. Hymne Au Vampire (Acte
III) 06. Les Océans du Vide 07. Le Triomphe de
Lucifer