Fermez les yeux et imaginez, vous êtes en 1992, il y a quelques mois vous vous êtes pris la claque Testimony Of The Ancients qui vient de marquer sérieusement la scène death metal et, à peine remis de vos émotions, Pestilence, qui a le vent en poupe, vous livre déjà son nouvel opus, Exitivm. Nouvelle claque, le groupe reprend les choses exactement où il les avait laissées mais enrichit encore son propos. Les claviers sont plus présents, ils plongent l’album dans une ambiance inédite, inquiétante, futuriste, et lui donnent une personnalité bien affirmée. Les riffs sont ceux de Pestilence mais se font parfois dissonants, les solos de guitare se parent d’étranges sonorités presque jazzy, décalées...autant d’éléments qui subliment encore la réputation du groupe et laissent entrevoir une évolution sensationnelle qui pourrait marquer durablement l’histoire des musiques extrêmes...Spheres arriverait un an après et Pestilence serait avec Death ou Morbid Angel les maîtres du monde !

Ouvrez les yeux, nous sommes en 2021, Exitivm vient de sortir, trente ans après Testimony Of The Ancients, du son est passé sous les ponts et tout ce qui, sur ce nouveau disque, nous aurait fasciné à l’époque nous semble aujourd’hui familier. Pestilence s’est tût pendant près de quinze ans après Spheres, s’est fait doubler, puis presque oublier. Le groupe a perdu de sa superbe, sort son nouvel album chez Agonia Records et son retour n’a pas toujours été gagnant avec de nouveaux albums parfois très dispensables.

Exitivm n’est donc pas la sortie événement qu’il aurait pu être et risque même d’être perçu par beaucoup comme un album de plus dans la longue carrière du groupe, un album que l’on écoute distraitement en se disant “ouais, c’est Pestilence quoi”. Et c’est vrai, la structure des morceaux oscillant systématiquement entre trois et quatre minutes, toujours assez simple et presque formatée depuis les débuts du groupe, ne laisse malheureusement que trop peu de surprises et le riffing viscéralement Pestilentiel ne devrait pas non plus dépayser les fans tant la patte Mameli est reconnaissable dès le premier coup de médiator, le bonhomme ne comptant visiblement pas changer sa façon de faire ni sa façon de jouer. Pourquoi le ferait-il d’ailleurs ? Il est en grande forme et rien de ce qu’il propose ici n’est à jeter. Hormis cette sensation d’évoluer en terrain connu sur toute la durée de l’album, Exitivm est difficile à prendre en défaut, réserve sont lot de très bons moments et se hisse carrément au niveau des classiques du groupe, bien calé entre Testimony Of The Ancients et Spheres, l’audace de la jeunesse en moins mais fort d’une maîtrise à toute épreuve et porté par un line-up ultra solide. Les duels de six cordes que se livrent Mameli et Rutger Van Noordenburg sont d’une exquise complémentarité et permettent d’entendre à nouveau ce shred mélodique qui avait disparu de l’oeuvre du groupe depuis de nombreuses années. La section rythmique, techniquement impressionnante,  brille par sa précision et son efficacité même si j’aurais apprécié un peu plus de hors piste de la part du bassiste Joos Van Der Graaf et de fantaisie dans la partition de batterie,  manquant peut-être un peu de folie. Évidemment je chipote mais Exitivm présente tellement peu de réels points faibles, hormis le fait d’être le neuvième album du groupe et que l’heure de l’éblouissement est depuis longtemps passée, que je me dois de dénicher la petite bête pour justifier une note pas si élevée que ça au vu de la qualité intrinsèque de l’oeuvre.

Pestilence a sauté du train en marche et n’a ensuite jamais réussi rattraper les wagons. Il n’est plus le seigneur qu’il a été et ses albums, même les très bons comme celui-ci, n’ont malheureusement plus l’aura d’antan. Il n’en demeure pas moins que le groupe reste unique, que sa musique est toujours pertinente et que cet Exitivm, sorti trente ans trop tard et qui passera probablement sous la plupart des radars, est sans aucun doute l’une des plus belles sorties death metal de l’année. Pestilence signe tout simplement le meilleur album de sa seconde carrière.

Tracklist de Exitivm :

01. In Omnibvs (Intro)
02. Morbvs Propagationem
03. Deificvs
04. Sempiternvs
05. Internicionem
06. Mortifervm
07. Dominatvi Svbmissa
08. Pericvlvm Externvm
09. Inficiat
10. Exitivm
11. Immortvos
12. Personatvs Mortem (Outro)