Oh la belle surprise que voilà ! Ne connaissant pas le groupe, pourtant auteur de deux albums, Age Of Disgrace (2010) et Reaching The Void (2014), je ne m'attendais pas à recevoir une telle claque. Trop de groupes, trop de sorties, trop de promos, nous croulons sous l'offre et quelques pépites passent inévitablement à la trappe, des chefs-d'oeuvre demeurent à jamais méconnus alors qu'ils avaient tout ce qu'il fallait pour marquer leur temps. On ne peut pas tout écouter, on ne peut pas tout connaître, malheureusement. Je suis donc heureux de ne pas avoir laissé passer cet album-là et de braquer ma petite lumière dessus afin de vous donner l'envie de découvrir ce joyau de Death Metal technique, à l'ancienne, en espérant que le groupe en récolte quelques fruits et que vous preniez autant de plaisir que moi en vous plongeant dans cet opus tout aussi singulier qu'enivrant.
L'emballage est magnifique, la pochette signée David Caryn, très belle, nous plonge de suite dans l'ambiance développée par le groupe. Inspiré par des maîtres comme Liu Cixin ou Isaac Asimov, Pestifer évolue dans un univers futuriste et fait tremper son death metal particulièrement ambitieux dans un gros pot de science-fiction, comme le fit en son temps le génial Nocturnus. C'est en revanche la seule référence qui est faite au légendaire groupe floridien ; en effet, Pestifer propose sur ce magnifique Expanding Oblivion un habile mélange de l'approche musicale de trois autres monstres de la scène, Morbid Angel, Voivod et Gorod (on a vu pire comme influences). Des premiers, Pestifer emprunte l'efficacité, la puissance et la lourdeur ; des Canadiens, le sens parfaitement maîtrisé de la dissonance et du riff tarabiscoté ; et du troisième, le tricotage de six cordes tout en harmonies et en finesse. Des ingrédients, des influences que Pestifer a digérés puis judicieusement assimilé pour se bâtir un son et un style bien à lui.
Plus proche des groupes des années 90 dans l'approche de sa musique particulièrement technique, Pestifer ne tombe jamais dans le trop plein et prend garde à toujours à rester digeste. Contrairement à bon nombre de leurs collègues dans le genre, les Belges ne surchargent jamais leur musique et ne complexifient jamais les structures de leurs morceaux jusqu'à l'écoeurement. Il ne sera donc pas nécessaire d'écouter l'album trois cent cinquante-deux fois avant de commencer à comprendre le sens des morceaux ; bien au contraire, dès la première écoute c'est une multitude d'accroches mélodiques ou rythmiques qui attirent notre attention, ce qu'ont toujours su faire avec une réelle classe des références comme Death, Coroner ou Atheist par exemple. Pestifer appartient de toute évidence à cette lignée de formations qui n'ont que faire de la démonstration gratuite, chaque musicien ayant l'intelligence de mettre ses compétences au service des compositions et de leur impact sur l'auditeur ; la complexité oui, mais au service de la musique, toujours. Le groupe a aussi eu l'excellente idée d'adopter la même attitude avec la production de son album en offrant à ces onze morceaux un son au caractère bien trempé, un son à l'ancienne, aéré, dynamique et très naturel, rendant les écoutes successives particulièrement agréables et jamais fatigantes.
Expanding Oblivion est un grand album dans lequel chaque titre est unique et possède une identité propre, un disque passionnant qui regorge de riffs surprenants, de breaks inattendus et de cassures rythmiques étourdissantes. La basses fretless virevolte, les guitares lourdes et acérées savent se faire délicates puis délicieusement aériennes et Philippe Gustin derrière ses fûts mène la danse et maîtrise les contre-temps tout en puissance, en complexité et en subtilité, là encore le talent se met au service de la musique. Pestifer fait cohabiter l'ambition et l'humilité, la technique et la musicalité et nous livre là une œuvre intelligente dont la richesse indéniable ne vous explose pas au visage mais se dévoile progressivement au fil des écoutes, au-delà même du plaisir immédiat que propose le groupe.
Voilà donc un album qui DOIT marquer son temps, qui doit marquer 2020 de son empreinte classieuse comme Blood Incantation a laissé la sienne sur 2019. Les moyens du label ne sont pas les mêmes, évidemment, mais le talent est là et le bouche-à-oreille peut parfois faire des miracles. Penchez-vous donc sur cette petite merveille et faites-la circuler dans vos cercles d'initiés au son de qualité afin qu'elle devienne LA surprise de l'année.
Tracklist de Expanding Oblivion :
01. The Remedy 02. Ominous Wanderers 03. Silent Spheres 04. Disembodied 05. Swallower of Worlds 06. Fractal Sentinels 07. Grey Hosts 08. Lone Entity 09. Omniscient 10. Ultimate Confusions 11. Expanding Oblivion
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